Dans la vie d’un pratiquant, il y a des virées et aventures à VTT qui marquent, celle qui suit en fait partie… Unique épreuve Enduro itinérante en Espagne, la Trans-Nomad (T-N, pour les intimes) propose quatre journées d’aventure Enduro VTT en solo au coeur des Pyrénées. Née sous l’impulsion de Sherpa Project et Insólito Proyectos avec le soutien de FOX, l’épreuve accueille, depuis maintenant bientôt trois ans, 80 participants.
Répondant à l’invitation d’Orbea et de Simon André (Responsable Marketing France), j’ai saisi l’opportunité d’y prendre part en septembre dernier au guidon du Rallon R5. Une occasion unique de compléter notre essai longue durée entamé par Antoine durant l’été.
A l’aube de l’ouverture de 20 places supplémentaires pour l’édition 2018, je vous partage mon expérience sur cet événement hors-norme qui vise les sommets, aux sens propre du terme comme au figuré…
Temps de lecture estimé : 15 minutes – Photos : Nacho Trueba/Koldo Izagirre
Ma Trans-Nomad 2017
Mercredi 13 septembre au soir me voilà arrivé à Sesué, en compagnie de Simon André, au premier campement. Dans la vallée de Bénasque, le site est proche de Castejón de Sós, point de chute de l’aventure pour dimanche.
Dans le camping, tout est prêt, chaque tente individuelle installée au cordeau. L’organisation est rodée, les bénévoles nombreux. Parmi eux, je croise des têtes connues comme Diego Grasa (qui gère la première monte chez FOX). Un puriste du VTT qui sera (parmi d’autres) notre ange-gardien/éclaireur tout au long de ces quatre jours. Rare de voir des partenaires aussi investi.
On retire nos packs coureurs bien garnis avec, signe de « mauvaise augure » auquel je ne prête pas garde sur l’instant, un tshirt aux couleurs de l’événement surmonté d’illustrations de vététistes, vélo sur le dos…
Je retrouve une petite délégation de frenchies, avec Nadine Sapin, François Dola ainsi que François Bailly-Maitre qui revient alors tout juste de convalescence. On fait connaissance avec le sympathique Chris Porter (ex-Mojo, qui était distributeur FOX au Royaume-Uni) et son incroyable vélo Geometron custom à rallonge.
Mon vélo est prêt. J’ai hérité de notre Rallon R5 LTD d’essai en taille XL. Relativement grand/long de prime abord pour mon mètre 79, il n’en demeure pas moins parfaitement roulable après quelques ajustements, confirmés par deux sorties de rodage en amont : cintre perso en 760mm (avec des poignées Spe ergonomiques), potence en 30mm, selle courte avancée au maximum. J’ai même un peu de rab du haut de mes 76cm de sortie de selle. J’ai également chaussé des Conti Der Baron Projekt polyvalents et potentiellement utiles vue la météo menaçante. A part un arbre, rien ne m’arrête…
C’est l’heure de l’apéro au resto, en attendant le repas et le briefing. Il va falloir s’y faire, on est ici à l’heure espagnole, dîner servi pas avant 21h30 voir 22h. En pleine forme ça va, mais après trois jours de haute montagne dans les jambes, ça peut se transformer en éternité.
Jour 1
Au menu de la première étape, 36km, 1660m de dénivelé positif et 5 spéciales chronométrées entre Castejón de Sos en Espagne et la station thermale de Bagnères-de-Luchon (France).
Après un court transfert en navette, nous arrivons à La Besurta (1800m). On pédale un peu puis nous voilà rapidement vélo sur le dos pour porter, beaucoup. Le glacier dégagé de l’Aneto dans le dos, on crapahute à un bon rythme jusqu’au Portillon de Bénasque (à 2445m). Ça met directement dans l’ambiance Trans-Nomad. Passée cette véritable percée étroite et naturelle dans la montagne, qui délimite la frontière, on évite judicieusement les premières épingles intimidantes pour atteindre le départ de la SP1 dans le brouillard et sous la pluie.
On alterne entre épingles, portions ultra rapides et sinueuses en alpages, quelques zones techniques et glissantes sur deux longues spéciales qui s’enchaînent jusqu’au ravito. Je me régale, totalement confiant au guidon du Rallon. Mon casque (Giro Switchblade) à mentonnière amovible est un bon allié, autant en spéciale qu’en liaison, avec son design très couvrant et agréable face à une météo exécrable. Le reste de la journée se fera sous la pluie, Gore-Tex sur le dos, trempé jusqu’aux os.
Il nous faut maintenant rallier le Col de Barèges (1749m) via Hospice de France avec 500m de D+ à la pédale et un peu de portage. On se retrouve tout un groupe dans une bergerie, « au beau milieu de nulle part », à tenter de faire sécher nos affaires.
Refroidi, il faut malgré tout repartir. La troisième spéciale se déroule en forêt. C’est gras, ça glisse. Pas simple de se détendre. Je me prends l’unique gamelle de mon aventure.
Nous voilà au Col de Portillon (1293m), à crapahuter durant deux bonnes heures en dents de scie sur 5,7km et 390m de D+, sans prendre réellement de hauteur, pour atteindre les deux dernières spéciales.
La fin de journée se termine en beauté, le terrain commence (à peine) à sécher. Les spéciales (dont la SP4 « Prat de la Hont ») sont ultra plaisantes avec de beaux enchaînements d’épingles et de courbes rapides.
Nous arrivons finalement à Bagnères. Le temps de passer tout ce beau monde au karcher, je fais un arrêt pitstop au stand Fox avec Simon. J’ai trouvé le vélo parfois pataud et difficile à faire cabrer. On décide de libérer les détentes haute (beaucoup) et basse (un peu) vitesses du Fox X2.
Direction maintenant le centre-ville et la laverie pour une session sèche linge, sans passer par la case lave-linge. Pas le temps, on va à l’essentiel. Attaquer quatre jours d’itinérance avec des affaires mouillées sur soit ou dans le sac, ce ne serait évidemment pas un bon plan.
On termine, une fois n’est pas coutume, assez tard au restaurant dans le brouhaha et la bonne humeur.
Jour 2
Comme chaque jour, nous démarrons la journée sans se presser vers 8h30. Aujourd’hui, on attaque côté français à l’entrée du Tunnel Aragnouet-Bielsa. Au programme, encore de beaux morceaux de bravoure/portage, 5 spéciales, quasi 38km à parcourir et 1680m de D+.
On démarre à froid dré dans l’pentu pour 1h30 de vélo sur le dos direction le Col de la Forqueta. C’est de toute beauté, (long et raide), sauvage, venté. J’avais embarqué avec moi plusieurs paires de chaussures. Vu le programme de chamois, mes Giro Terradura à semelles Vibram ne me quitteront plus tout au long du trip. Elles en ont vu des vertes et des pas mûres. Allergiques ou intolérants au portage, s’abstenir !
Les prévisions météo sont alarmantes pour la journée mais malgré du brouillard et un temps frisquet au sommet, nous serons finalement épargnés en cette seconde journée. Grand beau temps. Ça valait bien la peine d’avoir opter pour la tenue combat/pluie intégrale Dirtlej…
L’organisation nous gâte avec une splendide SP1 longue et sauvage, entrecoupée de quelques passages trialisants. On termine après 4,4km de descente… du côté espagnol du tunnel, face à l’entrée de la Vallée de Pinarra. C’était plus long, mais tellement plus beau comme détour.
Ici le peloton se divise en deux vagues pour une longue liaison en navettes sur près de 21km. Nous entamons maintenant un rare mais long pédalage vers un nouveau sommet. Quelques portages plus tard, et 3h d’effort depuis la dépose, nous remontons vers le start à contre sens. Cela permet de jauger le niveau d’engagement du début de spéciale. La pente importante, Simon André qui ouvre en grand, le pilote BH José Borges qui s’étale à nos pieds… Rien de très entraînant pour Nadine et moi.
A partir de là, on se l’a joue en mode « BiiVOUAC » avec Nadine Sapin. On roule globalement pareil, elle plus propre, moi plus gourmand sur les pointes de vitesse et l’engagement, mais Nadine gère et maintient (beaucoup) mieux que moi le rythme.
Les 3 spéciales s’enchaînent sans liaisons. Des runs rapides, ludiques à vue, de l’authentique étonnamment très bien préparé et entretenu. L’organisation a mis du cœur à l’ouvrage.
Après une liaison bucolique en faux plat, l’ultime spéciale nous offre une belle variété, avec de la relance au milieu et un final piégeur mêlant épingles et racines. On termine la journée vers 18h30 dans un camping à Bielsa. La seconde vague de pilotes terminera à la nuit tombée.
Jour 3
LE morceau de bravoure de l’aventure est pour aujourd’hui. Avec deux jours dans les jambes, on doit maintenant affronter 60km et plus de 2000m de dénivelé positif… Ouch, ça va piquer. Bonne nouvelle, la météo a l’air de se maintenir, à part en fin de journée où ça pourrait se gâter… Nous partons cette fois-ci dans le second groupe.
Après une dépose matinale à la fraîche au Lac d’Urdiceto, nous voilà embrigadés pour 2h30 de portage tel un cheptel de chamois à l’assaut du Peña Blanca via le Col d’Urdiceto. On approche au plus haut, les 2700m d’altitude. L’herbe est gelée, la température négative. Plus nous montons, plus le temps se gâte avec du brouillard et de la neige qui commence à tomber. Pas bon ! La journée est encore très lonnnnngue.
Les deux premiers runs (un peu plus de 2km chacun) se succèdent sur les pentes pelées. Le sentier serpente dans une terre noire. Ambiance mi-martienne, mi fin du monde.
La liaison débute dans la Vallée de Chistau et nous emmène via un itinéraire descendant plutôt escarpé vers le ravito. Une faute d’inattention plus tard, je déchire mon pneu arrière. Je m’arrête réparer avec Nadine, le trou est large. Je monte une chambre à air et calfeutre la déchirure avec une protection. Il se met à pleuvoir.
On reprend des forces au point ravitaillement. On commence à être trempé et il fait de plus en plus froid. Surtout aux bouts des doigts. Personne ne traîne, il y a tout de même 3h15 de liaison à enquiller, avec 28km et 900m de positif. Nadine enfile ses gants de chirurgien en sous gants. De mon côté, j’improvise une housse de protection contre les intempéries avec des emballages plastiques dans lesquels je glisse mes gants humides.
La liaison part en descente sur une piste large très rapide, il se met à grêler, et je manque de peu de m’en « coller » une énorme au premier freinage !!! L’emballage plastique glissant comme une peau de banane sur mes grips. Je me suis retrouvé la tête en avant, les coudes sur le guidon…. Et ça continue de grêler. Rapidement je suis seul au monde, personne devant, personne derrière, je suis le balisage. Parfois, au détour de la montée qui s’éternise je croise le regard dépité d’un participant. Il se met maintenant à neiger à gros flocons.
Je vous avoue que l’envie de bâcher m’a plus d’une fois traversé l’esprit. Mais comment faire lorsque l’on ne sait même pas où l’on est, et seul au beau milieu de la montagne, sous la neige. Pas trop le choix que d’avancer. A la lisière d’un bois, j’aperçois le 4×4 de l’organisation qui monte. Chouette on ne doit pas être très loin. En fait non, on est encore super loin du sommet.
Finalement, sans vraiment de notion de temps (16h ou 16h30 ?!), je rallie frigorifié le Col de Sahún et la voiture de l’organisation garée au départ de la spéciale. A ma tête, Javi me propose de me réchauffer dans le 4×4. J’y reste au chaud 15 bonnes minutes le temps de sécher mes gants sur le tableau de bord et changer de sous vêtement technique. Après cette pause salvatrice, je m’attaque à la descente. Quel chantier.
Le terrain est labouré, des ornières se sont formées au fur et à mesure des passages. D’autant que j’attaque la spéciale certainement parmi les derniers. Plutôt pentu et sinueux, le début n’est pas vraiment une partie de plaisir. Pas simple de se faire plaisir à ce stade. Les Conti sont débordés par les événements. La fin est parfois traître avec des blocs de pierriers à franchir avec finesse.
Il reste malgré tout plus de 15 bornes et 500m de positif pour mériter la douche chaude. Fort heureusement pour nous/moi, l’organisation a décidé de raccourcir l’ultime run du jour à mi-parcours. Ce dernier chrono, sur une sorte de voie romaine, conclut de belle manière cette étape pour le moins épique.
A l’arrivée, on partage nos anecdotes de la journée. Les deux groupes n’ont pas du tout connu les même conditions. La plupart a roulé au sec. Même le « moteur » François Bailly-Maître, à l’avant du deuxième groupe, a quasiment tout fait sur le sec. Derrière certains frenchies ont eu des flocons mais pas les conditions apocalyptiques que je vous ai conté.
Sur le camp, pas mal de bagages sont trempés, le mien était étanche. Nous sommes installés aux abords de terrains sportifs à Castejón de Sos, avec les vestiaires en guise de sanitaires. Objectivement on a vu mieux comme prestations, mais ayant moi aussi une casquette d’organisateur, c’est rarement par choix, plaisir ou par économie que l’on en arrive là. C’est mon tour pour la douche. L’eau est froide. Tant pis, dans mon état, elle parait presque chaude !
Fatigués et pas très motivés à l’idée de patienter près d’1h30 avant le dîner, on décide cette fois-ci (désolé…) de fausser compagnie à l’organisation au profit d’un resto avec nos amis anglais. Puis au lit au plus vite !
Jour 4
Ultime journée sur la Trans-Nomad 2017. Ce matin la navette nous dépose sur les hauteurs de Bénasque à la station d’Ampriu. Il fait grand beau temps mais ça pince ! Il faut compter 2h30 pour achever la première liaison (730m de D+) mixant un peu de pédalage et beaucoup de portage. Le dernier !
J’ai désormais l’habitude, le Rallon sur le dos et « en avant Guingamp ». Excellent descendeur, bon pédaleur (pour le peu qu’il m’a servi), et relativement léger, le Rallon R5 est en fait plutôt agréable à porter. En appui derrière la nuque, posé sur le haut du sac, selle vers l’arrière, le vélo est bien calé. La forme et le diamètre conséquent du tube diagonal doivent y contribuer. Reste que ce portage est tracé droit dans l’pentu, les mollets chauffent.
La SP1 démarre de Tuca Royero à 2548 m. Avec les autres longues spéciales de l’après-midi, la SP1 Sierra Negra est l’un des runs les plus emblématiques de l’espace VTT Puro Pirineo. On ne peut que vous inciter à venir y poser vos crampons. Guides, navettes, et même hélibike, il y a toute une palettes de services à disposition pour profiter des charmes et reliefs de la région.
Le duo Sapin/Chevat est reformé, on s’élance dans la spéciale. Le départ nécessite un gros coeur, on lâche les freins. La suite est plus fine en sous bois avec pas mal de bonnes trajectoires et racines à visualiser. C’est tellement bon. 4,85km de pur bonheur ! Nous arrivons déjà au ravito.
La suite est une liaison de toute beauté, vallonnée et ludique qui serpente près des cascades Ardones. Cela nous mène à la SP2, véritable pépite baptisée Planadona ! De l’étroit, du flow, du sinueux, des courbes qui se prennent comme des relevés à Mach12, un final en voie romaine… Un sacré souvenir.
Direction Linsoles pour charger les vélos sur la navette. On enchaîne un gros transfert d’1h45 qui nous fait reprendre de la hauteur en vue de Gallinero, un autre spot mythique, dans les roches rouges.
Après une courte liaison à vélo et pas mal d’attente au sommet, nous voilà prêt pour ce second chrono de quasi 5km. On s’élance en duo, je suis Nadine, et dans un excès d’optimisme (en mode sanglier), ce qui devait arriver arriva, je pince la chambre du pneu arrière dans les 10 premiers mètres. Je finis la spéciale en solo, le couteau entre les dents, tout en essayant de rouler propre. Je n’ai plus de chambre de rechange. La spéciale est un pur régal de variété, dans un décor rouge unique. Elle présente aussi les passage techniques les plus tendus de l’aventure.
Sans encombre, je rallie la spéciale suivante qui s’enchaîne dans la foulée. Bosque Encantado (la forêt enchantée) porte bien son nom. Un beau tracé naturel, mitonné par les locaux (chapeau bas !), façon parc d’attraction. Malgré ce « grand » Rallon, je me régale sur ce circuit qui tournicote et à engager les épingles les plus serrées.
L’ultime spéciale est de la même veine ; plus courte, elle se faufile à travers la pinède pour déboucher sur une bonne marche et la ligne d’arrivée. Tout le monde se congratule à l’arrivée. Le staff est là. Chapeau les gars pour le boulot réalisé : 182km parcourus en 4 jours, 12200m de D-, 7000m de D+, 18 spéciales chronométrées…
Cette grande, belle et rude aventure se termine avec la soirée protocolaire dimanche soir (tard…) autour d’un buffet dînatoire. José Borges (BH) et Sandra Jorda (Orbea) remportent l’édition 2017.
Le film de l’aventure 2017
2018 – Encore plus haut !
Guti Martin (Sherpa Project) me le confiait après l’événement, la Trans-Nomad n’a ni plus ni moins pour ambition de devenir LA référence en matière de course Enduro VTT itinérante. Pour ce faire, l’organisation se donne les moyens depuis deux ans, et à l’écoute des participants, elle se peaufine d’édition en édition pour viser la perfection.
Ainsi je découvre avec vous que tous ces petits points perfectibles, que j’ai pu soulever durant mon expérience, sont désormais solutionnés : briefing quotidien en amont du dîner, repas avancé à 20h, les participants ne seront plus divisés en deux groupes, deux points de chute seulement avec de meilleures équipements sur le campement… Ça va dans le bon sens.
Pour le cru 2018, le site d’épreuve l’annonce, la Trans-Nomad vise encore plus haut, tant en matière de prestations, d’inscriptions que de dénivellation. Ça promet (d’être beau et dur) !
Vous êtes tentez par cette aventure extraordinaire ? La T-N 2018 aura lieu du 12 au 16 septembre prochains.
Bonne nouvelle, les 20 dernières places sont à saisir ce jeudi 1er mars à 10h via trans-nomad.com. Comptez 1100 euros tout même l’inscription par personne. Si le coeur, le budget (et les mollets !) vous en disent, foncez !