Sur le marché de l’Enduro, l’offre de roues à jantes en carbone fait toujours débat. Légères et dynamiques d’une part, mais parfois aussi trop rigides et/ou fragiles. Le bon compromis semble encore à trouver. C’est justement sur ce créneau que les Zipp 3 Zero Moto tentent de s’installer. Voyons, voyons…
2099€ paire de roues complète avec TyreWiz / 700€ la jante, nue, avec rondelles pour têtes de rayon
1040g la roue arrière, 920g la roue avant, vérifié, en 29 pouces, avec fonds de jante, corps de roue libre, torq caps et TyreWiz.
Disponibles en 29 et 27,5 pouces, 30mm entre crochets, 37mm externes, hauteur de jante 15mm, ERD de 617mm (29) et 579mm (27,5)
13 mois, 400km en alternance sur vélos d’essai, en 29 pouces, différentes paires/carcasses de pneus, quart Sud-Est de la France
Est-ce pertinent ?
Pour parvenir à leurs fins, les Zipp 3 Zero Moto font usage d’un principe… ancestral ! Ce sont les jantes, à simple parois, qui démarquent ces roues de la concurrence. La largeur et la hauteur de ces éléments a un impact direct sur le comportement d’une roue. On peut donc suggérer que ce profil participe à une certaine précision latérale, et un certain confort frontal. On y revient plus loin…
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Un profil de jante atypique de nos jour, et une conception relativement conventionnelle pour le reste, donc… Il y a néanmoins un concept qui s’ajoute au tableau des Zipp 3 Zero Moto. La marque parle d’un effet cheville pour désigner le travail et la déformation possible de la jante autour de son contact avec les têtes de rayon…
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Un concept qui entend laisser une certaine liberté de mouvement à la jante pour s’adapter au terrain plutôt que d’y faire face en toutes circonstances. On revient sur l’utilité et la perception de ce concept à l’usage par la suite. Pour l’heure, c’est la mise en oeuvre du concept qui pose question. Pour y parvenir, les Zipp 3 Zero Moto tirent directement parti du profil à simple parois moins rigide, qui permet à la jante de travailler. Reste néanmoins qu’ainsi, les têtes de rayon ne sont plus « cachées au fond de la jante », mais directement à proximité du fond de jante tubeless. On en perçoit donc directement les bosses ici. On pourrait donc craindre qu’un rayon trop serré, qui dépasse de son écrou, vienne percer le fond de jante. C’est sans compter sur le deuxième fond de jante, tissé, qui sert justement à ça. Il n’y a donc pas contact direct. Autre crainte, la détérioration possible du carbone de la jante par les têtes de rayon, à l’interface où les deux doivent « rotuler » pour assurer l’effet cheville. En fait, les têtes de rayon sont montées sur des rondelles à la forme intérieure sphérique et concave, spécifiques. Elles prennent donc place à plat, sur le carbone du fond de jante « simplement » percé. / Ces rondelles, obligatoires au montage, sont vendues avec les jantes, disponibles aussi au détail.
Conventionnelles en apparence, mais néanmoins travaillées dans les détails, au point de répondre aux principales craintes ou demandes de précisions nécessaires suite à la présentation des Zipp 3 Zero Moto. Un bon point avant d’évoquer le dernier argument à mettre dans la balance : le TyreWiz…
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Il s’agit de ces valves électroniques bluetooth de la marque Quarq – intégrée au groupe Sram – qui permettent de communiquer la pression des pneus à un smartphone… … ou via une diode qui clignotte quand le système détecte un mouvement et se réveille. Vert = dans la bonne plage définie via l’application / Rouge lent = en dessous de la plage / Rouge rapide = au dessus de la plage.
Un dispositif dont la présence pose question. Notamment parce qu’elle pourrait suggérer que les Zipp 3 Zero Moto nécessitent un suivi et une attention particulière. Mais dans ce cas, pourquoi ne pas être aussi proposé avec les jantes nues, qui sont vendues sans..? La suite de cet essai doit en dire plus à ce sujet !
Est-ce pratique ?!
Côté pratique, on commence donc par ce fameux TyreWiz. L’appairage à l’application SRAM AXS est des plus simples. On réveille les valves en faisant tourner les roues. L’application les détecte et en affiche les références inscrites sur chacune pour différencier l’avant de l’arrière. On peut dans l’application, ensuite, les intervertir si l’on a confondu l’avant avec l’arrière au moment d’appairer. L’affichage se fait au choix, en Bars ou en Psi.
En matière d’interface, l’application et les valves sont ensuite assez intuitives. La diode comme l’affichage reprennent le code couleur d’alerte vert/rouge. En plein soleil, la diode verte, à travers le plastique translucide mais brun, n’est simplement pas toujours très visible. Et dans l’application, l’ajustement des valeurs cibles et des plages d’alertes ne se fait pas directement en cliquant sur l’affichage, mais en allant dans les réglages/paramètres de chaque valve.
Pour ce qui est des roues Zipp 3 Zero Moto proprement dites, leur concept singulier nécessite forcément quelques précautions dans le cadre d’un montage maison, à partir des jantes nues. On l’a vu en introduction, deux fonds de jante sont nécessaires. Sur nos roues complètes, j’ai dénombré trois tours de fond tubeless. La notice en conseille deux. Dans tous les cas, sa pose nécessite une petite attention supplémentaire pour bien faire contact avec la jante malgré la présence des têtes de rayon.
Au sujet de ces dernières, le principal inconvénient de ce concept porte sur la plus faible tolérance en matière de longueur de rayon. Pour éviter tout désagrément, il faut proscrire les situations où le rayon dépasse de l’écrou. Il faut donc être très précis lors du choix de leur longueur pour un montage maison. Et surtout, ça peut compliquer la vie en cas de dépannage d’un rayon cassé, par un autre pas tout à fait à la bonne dimension, mais qui peut passer pour sauver la mise.
Est-ce utile ?!
Hormis ces points précis, la mise en oeuvre des Zipp 3 Zero Moto se fait comme avec toute paire de roues. Que ceux qui pensent que l’effet cheville permettrait de monter les pneus plus facilement passent leur chemin. Pas de différence notable ici, c’est en chemin qu’il se fait réellement sentir. Et ce, dans plusieurs situations distinctes.
Les Zipp 3 Moto Zero, à l’usage
À la pédale, en liaison, assis sur la selle, tout d’abord. Sur les portions de calades truffées de rochers fixes, ou sur les sentiers bardés de racines. Plus de pneus qui zippent ou de pierres qui volent. On sent que ça travaille juste ce qu’il faut pour apporter le zeste de tolérance qui compte quand la fatigue se fait sentir. À ce petit jeu, on aurait presque l’impression que la roue arrière contourne les obstacles plutôt que de buter.
Autre situation évidente, en spéciale cette fois : dès que l’on met de l’angle sur un terrain un peu cabossé. Dans une pâture en dévers truffée de mottes d’herbe, ou en courbe à plat sans véritable appui. Avec des roues normales, ça aurait tendance à dribbler, décrocher/raccrocher, être assez brute mais précis dans le ressenti. Ici, les Zipp 3 Zero Moto filtrent une partie du chahut et donnent le sentiment de se décaler d’elle-même de la trajectoire pour se faufiler. On y gagne en confort, ce que l’on en perd en précision.
Ça peut parfois donner le sentiment de flotter un peu. Que le vélo louvoie légèrement. Un sentiment renforcé par l’inertie légèrement supérieure des Zipp 3 Zero Moto, à la relance. Elles n’ont pas la giclette et le dynamisme des meilleurs concurrentes. C’est d’ailleurs, aussi, perceptible en courbe quand il faut planter l’appui. Les Zipp 3 Zero Moto incitent à mettre plus d’angle que d’habitude.
Alors, ces roues et leur concept peuvent-elles être utiles ?! Un certain logigramme apparaît > Est-ce que le terrain de jeu est truffé de pierres ou de racines ? Si oui, est-ce que les roues qui zippent/rebondissent vous gênent habituellement ? Si oui, êtes vous prêts à laisser faire une partie du job à votre vélo ? Si la réponse est oui à ces trois questions, le concept est intéressant.
Le TyreWiz
Pour ce qui est du TyreWiz, la première utilité est d’attiser la curiosité. Gadget oblige, on en vient à mesurer la pression de ses pneus plus souvent que d’habitude. C’est l’occasion de voir ce que les pneus d’un vélo laissé au soleil 10min avant le départ d’une spéciale peuvent prendre en pression, par exemple… 0,1 ? 0,2 ? 0,3 bars… Une utilité cependant limitée au fait que le système puisse nous alerter, puisqu’on pourrait avoir les mêmes réponses en faisant usage d’un simple manomètre…
C’est là qu’intervient la seconde utilité : celle de s’interroger sur notre propre capacité de ressenti, notre propre tolérance aux variations de pression, et le contrôle que l’on veut avoir dessus. Avec, en filigrane, la question à un million : quelles plage de tolérance renseigner pour avoir un système utile ? Trop étroite, les alertes seront systématiques, trop large, on aura senti la variation avant que le système prévienne…
Sans plus de conseil ou d’outil pour paramétrer, c’est là que le système montre ses limites. Avec une certaine capacité d’enregistrement et d’analyse, on pourrait compter dessus pour aider à analyser les habitudes, et paramétrer des alertes correctement calibrées en conséquence. Là, c’en reste à un outil d’affichage légèrement amélioré. Utilité limitée donc. Les pilotes les plus pointus ont déjà l’habitude d’avoir un manomètre dans la poche, quand les autres ne sauront de toute façon pas qui paramétrer.
Quelle durée de vie ?
Les Zipp 3 Zero Moto sont en notre possession depuis plus d’un an, principalement roulées dans le quart Sud-Est de la France et sa caillasse caractéristique. Pour l’heure, elles n’ont pas à rougir de leur prestation. Visuellement, le carbone se marque légèrement, mais ça n’est pas rédhibitoire. Surtout, le profil très plat fait que l’on entend jamais ce bruit caractéristique du caillou qui vient taper sur les flancs. Elles sont donc toujours fringantes. Pas de saut, pas de voile, pas de poque significatifs. L’interface tête de rayon jante ne présente aucune faiblesse ou usure particulière.
En matière d’impact frontal, celui qui vient pincer le pneu et/ou la chambre sur les crochets, l’apport du principe de cheville se fait clairement sentir. Ça frappe systématiquement moins, moyennant parfois une embardée légèrement plus importante que d’habitude. Qu’à cela ne tienne, ça semble avoir un effet proche de celui qui consiste à monter d’un niveau de résistance avec ses carcasses de pneus. Exemple : en matière de pincement, des Maxxis Exo sur Zipp 3 Zero Moto équivaudraient à des Exo+ sur jantes concurrentes.
Ce qui peut progresser ?
À la lecture de ces propos, trois axes viennent donc à l’esprit pour faire progresser les Zipp 3 Zero Moto. Un premier, en lien direct avec les roues en elles-mêmes. Il s’agit de leur faire gagner un peu de dynamisme à la relance, un peu de giclette. Est-ce le poids, légèrement élevé, qui fait son oeuvre, ou d’autres paramètres peuvent-ils être mis à profit ?! Ça peut être tout l’enjeu d’un nouveau travail de mise au point pour pousser le concept plus loin.
À ce compte là, on peut aussi suggérer qu’une offre diversifiée, avec différents niveau de raideur, soit explorée. Pour l’heure, la différence entre jantes carbones conventionnelles et Zipp 3 Zero Moto est évidente. Tant mieux, puisqu’il s’agit avant tout d’une première version qui doit justifier le bien-fondé du concept. On peut néanmoins imaginer que d’autres compromis existent entre les deux extrêmes.
L’autre axe concerne plutôt le système TyreWiz. Sur le papier, l’opportunité de mesure est intéressante, mais l’exploitation du concept reste embryonnaire. Une capacité de traitement et d’analyse semble indispensable pour tirer meilleur parti du système. Autant pour que ce soit un vrai plus à ceux qui débutent et ne sauront pas détecter une perte d’air susceptible de provoquer une crevaison, que pour les pilotes les plus fins qui pourraient mettre des chiffres et des mesures précises sur leurs ressentis pour recouper…
Vis-à-vis de la concurrence ?
Pour évoquer la concurrence, nous irons droit au but, en sélectionnant les références du moment dans deux domaines : les roues à jantes en carbone, et celles à jantes en aluminium. Les deux permettent de situer les Zipp 3 Zero Moto sur le marché.
Back-to-back, la différence est saisissante avec les Santa Cruz Reserve jusqu’ici considérées comme la référence au sein de la Rédaction. Si l’on est habitué à ces dernières, il faut un temps d’adaptation pour tirer parti des Zipp 3 Zero Moto. On gagne logiquement en tolérance/confort ce que l’on perd en dynamisme/précision. Très clairement une question de goût : certains apprécieront, d’autre pas ! C’est finalement en matière de crevaison que la différence est nette : on crève encore par pincement avec les Reserve là où ça passe sans se questionner avec les Zipp 3 Zero Moto.
Ensuite, c’est face aux DT Swiss EX1501 que le comparatif a du sens. Il permet de situer la tolérance des Zipp 3 Zero Moto. C’est bien simple : même en carbone, ces dernières sont un ton au dessus en matière de confort que les suisses, réputées pour être assez inertes à l’impact. C’est peut-être, justement, parce qu’ici aussi, les Zipp 3 Zero Moto peuvent paraître plus pataudes et moins dynamiques…
Est-ce que ça les vaut ?
Vient donc l’heure de conclure… En l’occurrence, de mettre les Zipp 3 Zero Moto face au tarif auquel elles sont annoncées. 2099€ prix public conseillé, avant éventuelle remise. Un tarif clairement sur le haut du panier, en face des concurrentes à jante carbone de la concurrence la plus huppée. Ça peut le mériter, eu égard à l’effort de développement du concept employé.
Ça mérite néanmoins de se démocratiser. Notamment parce que ce qu’apportent les Zipp 3 Zero Moto semble convenir davantage à un public large, qu’aux seuls pointus et exigeants qui peuvent dépenser une telle somme. Il semble d’ailleurs que certaines offres que l’on trouve en fasse baisser le prix de vente pour les rendre plus accessibles.
À ce sujet, on peut d’ailleurs s’interroger sur la présence du TyreWiz. Ce dispositif est vendu près de 250€ au détail. On ne sait pas précisément l’impact que son absence aurait sur le prix de la paire de Zipp 3 Zero Moto, mais on peut penser qu’il y ait à gagner ne en faisant l’économie. Peut-être permettrait-elle, avec quelques autres gains, de descendre désormais en gamme un concept qui peut le mériter…