Au fil des années, Enve a forgé sa réputation autour de la full carbon mania. Spécialisée dans la fabrication de composants tout en carbone, le logo, longtemps aidé par l’identité du team Syndicate, est presque devenu un symbole et la marque affiche, au fond de toutes les pensées, une image de qualité forte. C’est beau, ça brille, mais alors qu’en est-il vraiment sur le terrain ? Que valent leurs guidons et potences des séries M6 et M7 ? Nous allons le découvrir…
[cbtabs][cbtab title= »Prix »]199€ les guidons, 325€ les potences[/cbtab][cbtab title= »Poids »]Guidon M6 : 200g; guidon M7 : 241g; potence M6 : 85g; potence M7 : 92g[/cbtab][cbtab title= »Dimensions »]Guidon M6 : 31.8mm, 25mm de rise, 780mm; guidon M7 : 35mm, 25mm de rise, 800mm; potence M6 : 31.8mm, 40mm; potence M7 : 35mm, 35mm[/cbtab][cbtab title= »Lien »]https://www.enve.com/[/cbtab][cbtab title= »Conditions »]de avril à août 2019, env. 40h de roulage effectif, 400km en VTT et VTTAE, Auvergne, Maçanet de Cabrenys, Millau[/cbtab][/cbtabs]
Temps de lecture estimé : 6 minutes
Est-ce pertinent ?
L’apparition et les premiers usages des fibres de carbone dans le monde du VTT ont révolutionné un paquet de domaines : le look, la rigidité, le dynamisme… mais aussi les prix !
Avant toute chose, il est bon de savoir que le terme rigidité est un fourre-tout dans notre petit milieu. En mécanique, c’est la capacité d’un solide à résister aux efforts de torsion et de cisaillement. Il doit donc se distinguer de la dureté et de la résistance d’un matériau. De plus, la rigidité est liée à la raideur. La rigidité caractérise un matériau, quand la raideur qualifie un objet, et tient donc compte de sa forme.
Voici comment l’intérêt d’utiliser du carbone n’est plus à démontrer : par la forme du composant et sa construction il permet de faire jouer un bon nombre de curseurs. Ainsi, pour des composants, tel un guidon ou une potence, l’usage du carbone s’avère pertinent dans le sens où il permet d’optimiser le rapport poids/raideur quand l’aluminium reste fortement limité.
Est-ce pratique ?
Le carbone étant en réalité un empilage collé de différentes couches de fibres, l’usage du coupe tube est prohibé. Pour couper ces guidons, on utilise une scie à métaux :
Au montage sur le vélo, par précautions, sachant que le carbone ne résiste pas très bien à la compression et après avoir vu plusieurs guidons en carbone casser, on y pense forcément : la clé dynamométrique. Les potences affichent le couple de serrage à appliquer et le livret Enve livré avec le rappelle :
Est-ce utile ?
Puisque à l’essai avec d’autres guidons, les potences Enve M6 et M7 n’apportent pas de gains perceptibles et significatifs autre que le poids et le look, je vais me focaliser sur les deux guidons M6 et M7… qui, quand à eux, procurent des sensations évidentes et claires…
Bien que plus légers, leurs raideurs apportent un gain de précision au pilotage nettement perceptible. Comme si la roue avant était dans nos mains, ou du moins qu’il y avait moins de pièces intermédiaires qui pourraient altérer cet aspect direct et incisif. La précision est accrue et c’est leur atout majeur que j’ai, d’ailleurs, fortement apprécié ! Aussi, elle affecte certainement la bonne impression de robustesse qu’ils dégagent.
Mais, voilà ! Cette raideur peut-elle avoir un revers de la médaille ? On sait que si elle n’est pas correctement maîtrisée, autant mettre les mains dans un broyeur. Malheureusement, ces deux guidons Enve sont très raides ! Ils se déforment peu, ne sont pas très flexibles et mettent à mal mes mains et mes bras. Que ce soit le M6 en 31.8mm de diamètre… ou le M7 en 35mm, les deux sont raides.
Et, puisque le M7 l’est plus que le M6, mon ressenti confirme bien le principe de raideur énoncé plus tôt – la forme : le diamètre, a son mot à dire. Intolérants, ils altèrent mon pilotage, qui devient brouillon, me déstabilisant même par moment…
Les galbes sont souvent une affaire personnelle, mais ici, on y est bien d’entrée de jeu. Que ce soit avec le M6, ou le M7 :
Quelle durée de vie ?
Bien que la construction des composants Enve respirent la fiabilité et inspirent confiance, je reste frileux à l’idée d’utiliser le même guidon carbone pendant plusieurs années en raison des impacts qu’il aurait pu subir pendant une chute ou le transport, et le risque de casse qui en découle.
Cependant, la garantie Enve de 5 ans et la Lifetime Incident Protection – programme de remplacement du produit à la charge d’Enve suite à un incident de la vie : accident de voiture en rangeant la voiture au garage, le vélo encore sur le rail de toit, crash en vélo, etc. – peuvent pousser à croire en leur fiabilité.
La prudence est de rigueur, et, encore une fois, puisque rien n’indique un vieillissement prématuré et qu’aucun signe pourrait nous faire douter sur ce point pendant l’essai, le choix appartient à chacun…
Ce qui peut progresser ?
Depuis leur arrivée sur le marché, les guidons en carbone ont la fâcheuse réputation d’être trop raides et trop inconfortables par rapport à leurs confrères en aluminium. Certes un poil plus lourds, mais plus tolérants, ils adoucissent les impacts et facilitent le pilotage.
Ici, ces guidons Enve filtrent les vibrations un peu mieux que d’autres guidons en carbone mais lorsque les importants mouvements de terrain demandent une certaine flexibilité pour être abordés confortablement ou nécessitent de la déformation et de la tolérance pour faciliter le pilotage, ça ne bouge pas… C’est trop raide !
Marteau piqueur de profession, ils ne pardonnent pas. C’est évidemment leur point noir, et ils confirment les stéréotypes des guidons en carbone. Ce qui, malheureusement, oblige à tirer un trait sur leur précision diabolique et appréciable tant l’inconfort et l’intolérance sont flagrants.
La technologie du carbone laisse pourtant entrevoir des possibilités de travail sur le rapport raideur/flexibilité, qui, au bout du bout pourrait faire gagner en confort. On perdrait en précision, mais il existe peut-être un juste milieu exploitable – plus précis qu’un guidon alu, mais plus confortable que les guidons carbones actuels.
La concurrence ?
Les potences Enve n’ont pas de concurrence puisqu’ils sont les seuls à fabriquer des potences en carbone dans les dimensions qui conviennent à la pratique actuelle de l’Enduro :
Bien que précis aussi, les guidons carbone que j’ai eu l’occasion de rouler, Pivot Phoenix Team Carbon et Santa Cruz AM Carbon 35 en tête, m’ont globalement paru tous inconfortables dès les premiers tours de roue. Le Pivot, très raide, autant que le Enve M7, est aussi inconfortable à la longue, surtout sur les voies romaines. Les doigts finissent par claquer sur les poignées !
A la NZ Enduro, par exemple, j’ai roulé sans douleur le guidon Santa Cruz. Même si les premiers tours de roues laissent entrevoir une raideur supérieure à un guidon alu, il se laisse plus facilement oublier, puisqu’il est un poil plus confortable, à peine plus que le Enve M6. Je peux dire que j’ai réussi à m’y habituer ! Et, au niveau de la coupe, l’épaisseur de carbone semble plus fine pour un poids équivalent à longueur équivalente. Ceci explique peut-être cela…
Malgré tout, ils partagent tous une finition sensible aux rayures et aux impacts. Ainsi, le marquage des cintres Enve M6 et M7 par les colliers de serrage relève plutôt du matériau utilisé que de la marque en elle-même.
Est-ce que ça les vaut ?
Les potences M6 et M7 seules n’apportent guère plus qu’un surplus esthétique, certes incontestable, mais à 325€, c’est vraiment très cher payé le coup de fard à paupière ! Les guidons, quand à eux, à 199€ sont un peu plus chers que certains de leurs concurrents et offrent un comportement quasiment similaire, surtout aussi raides.
Alors le choix doit se faire par priorité : esthétique ou utilité… C’est à chacun de voir, mais, à mes yeux, il est certain que le gain de précision apporté ne suffit pas à justifier un tel prix, l’inconfort et la cosmétique du produit !