Quand j’étais gamin, les images de ma toute première Megavalanche m’ont occupé l’esprit des mois durant, après l’événement. Pêle-mêle, je revoyais mes roues dans la neige, je ressentais le froid du glacier, je revivais l’intensité du départ, hélicoptère par dessus tête…
Le Radon Epic Enduro est terminé depuis quelques jours mais déjà, le parallèle m’interpelle. Au fur et à mesure des heures et jours qui passent, mon esprit s’évade et revient à certains instants clés de cette fameuse, longue, dure, belle, exceptionnelle journée de vélo !
Comme si, 16 ans après mes débuts, je revivais finalement toutes les émotions d’une grande première… Une part de maturité et de sérénité en plus. Celle d’avoir fait le job, 5 mois durant, et d’en avoir récolté les fruits, à l’issue des 14h, 114km, 4800m de D+ et 10 spéciales qui ont conclu cet Objectif Epic.
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L’or au prix fort…
Depuis quelques temps déjà, le murmure se faisait de plus en plus pressant. Pour nombre d’observateurs avertis, le Radon Epic Enduro, 4ème édition de la compétition, promettait d’être corsé. C’était même devenu une évidence au moment de prendre connaissance des portes horaires.
À l’aide de mes relevés Garmin en reconnaissance et à l’entraînement, j’avais pris soin de simuler mes temps de passage. L’occasion de constater que, quoi qu’il arrive, je serais ric-rac au coeur de la seconde boucle : 30 minutes de marge, à peine, sur la porte horaire intermédiaire de 11h30/11h45, pareil au retour paddock, avant d’entamer la troisième et dernière boucle de manière plus raisonnable.
Stratégie imposée ?!
Pas de place à l’imprévu, j’en étais averti. D’autant que cette année, le Radon Epic Enduro commençait par Saint-Martin-Du-Froid. Un juge de paix défoncé duquel personne ne sort totalement indemne. Il faut de toute façon y rouler vite pour surnager sans quoi, le chrono s’envole mais surtout, la spéciale tourne au calvaire. Un cercle vicieux pour beaucoup, vertueux pour peu, entre-deux pour personne.
Une épreuve de force en guise d’ouverture, qui n’a pas manqué de nous marquer. Tels des roseaux, on s’est tous fait plier par ce début d’Epic. Heureux de ne pas avoir rompu, même si, par moment, ce n’est pas passé loin. En témoignent mes temps de passages aux portes horaires suivantes : dans les temps au premier paddock, 8min d’avance à la porte intermédiaire, 15min au second paddock, tout juste à l’heure pour la dernière barrière horaire… Peu, voir pas de marge.
Un pari fou ?!
Dans ces conditions, plus que jamais, on peut repenser à mes propos du chapitre 2, Le pari. Je l’écrivais alors, et je le confirme plus que jamais, de grandes roues et un peu plus de débattement doivent offrir une marge salvatrice. Du répit, sans perdre de rythme et de vitesse, qui continue à porter de l’avant sans demander sans cesse l’investissement du pilote. Mais tel était mon parti pris, connu, annoncé, assumé.
Et aussi fou que ça puisse paraître, le remettre en cause ne m’a pas effleuré l’esprit une seule seconde avant et pendant la course. J’étais bien trop occupé à vivre l’instant pleinement, comme je m’y étais tant projeté. Première victoire donc, et non des moindre : ne pas avoir vu des idées noires prendre le pas sur l’envie d’aller au bout de cette journée. Tout juste ai-je eu un instant de peur, sur le chemin vers Mini-Jurassic : ne pas passer la porte horaire dans les temps ?
Il me fallait finir ! Comment pouvait-il en être autrement ?! Tout ce boulot, tous ces essais, toutes ces heures d’entraînement, tous ces messages d’encouragement reçus avant course, la petite famille venue pour me soutenir, l’équipe Wildtrack/Endurotribe à l’arrivée et ce dernier chapitre Un Objectif Epic à boucler ?! Il n’y avait bien qu’un scénario que je n’avais pas envisagé : celui de ne pas boucler ce Radon Epic Enduro !
Fidèle destrier…
D’autant plus que c’eut été injuste vis-à-vis du vélo de cet Objectif Epic. Avec moi de bout en bout, jamais le Canyon Spectral CF ne m’a fait défaut. Si j’ai, quelque part, pû me focaliser pleinement sur la gestion de mes efforts, et sur mes prestations en spéciale, c’est bien parce qu’à aucun moment de ce Radon Epic Enduro, lui, ne m’a fait douter.
Ce n’était pourtant pas si évident il y a un mois encore. Je détaillais au chapitre précédent, les réglages de suspension arrêtés pour la course. Pour ne rien caché, ils sont le fruit de plusieurs essais infructueux avant eux. Une raideur de ressort trop importante et une compression haute vitesse trop soft notamment, ayant causé des dommages à la roue arrière et plusieurs OTB qui m’avait, un temps, privé de confiance…
J’avais fini par trouver la clé peu de temps avant la course, mais il me restait un petit doute. La crainte que ces réglages soient un peu trop élitistes et exigeants. Qu’ils demandent trop d’engagement et de fraîcheur sans quoi la punition serait directe. Pourtant, de bout en bout, le Canyon Spectral CF n’a fait que souligner tout le bien que je pense de lui, et plus encore…
Qui peut le plus…
Au fur et à mesure de la journée, ma crainte d’une monture trop élitiste s’est transformée en immense fierté d’avoir atteint un graal dont je parlais encore il y a peu dans mes publications : parfois, qui peut le plus, peut le moins. Même dans le dur, très dur, j’ai pu franchir toutes les difficultés des spéciales extrêmes du Radon Epic Enduro avec le sentiment, non pas de rouler très vite, mais de rouler beau, propre, d’un bon ton.
J’en tire là une seconde immense satisfaction. Le Haut-Languedoc est parmi les terrains les plus techniquement exigeants que je connaisse. Et jusqu’à présent, je n’avais jamais réussi à y mener une prestation technique majeure. J’en revenais toujours avec un goût d’inachevé. Ce n’était pas faute d’avoir essayé depuis ma première venue, en 2008. C’était encore une difficulté pour moi lors de mes reconnaissances en mars dernier.
Quel pied de cocher cet objectif, très personnel, le jour même du Radon Epic Enduro. Et je ne doute pas un seul instant que le vélo, ses qualités intrinsèques, son montage et sa préparation y soient pour quelque chose. C’est un peu ça, la force des 114km, 4800m de D+ et 14h de vélo effectués. Affirmer avec certitude que « qui peut le plus, peut le moins » peut être un leitmotiv en matière de développement produit.
Sur le fil…
Vu sous cet angle, on pourrait croire que l’ensemble du matériel utilisé n’a pas sourcillé. Ce n’est pas vrai ! J’ai juste écrit qu’à aucun moment, le vélo ne m’a fait défaut, ne m’a fait douter. Tout bonnement aussi parce qu’en consacrant du temps à sa préparation, on en connait les subtilités…
Finalement donc, les deux seules alertes du jour n’ont porté que sur des risques identifiés en amont. C’est ça aussi, la compétition et sa préparation. j’entends ceux qui pensent déjà que c’est trop facile, dommage que l’expérience ne permette pas de mettre plus en défaut le matériel… Peut-être parce que cette expérience permet de mettre autre chose en valeur : même si on aime parfois à nous faire croire que les choses peuvent être faciles, une performance ne s’improvise pas, elle se construit. Le travail paye !
Moments forts…
Dans ces conditions, des moments forts, il y en a eu. Et ils prennent une toute autre dimension. Il me reviennent, de temps à autre, comme des flashs aussi soudains qu’intenses. Des moments d’osmose entre le bonhomme, le terrain et le vélo.
J’ai passé du temps, et de la méthode pour reconnaître, analyser et retenir l’essence même des spéciales de l’Epic. Objectif avoué : être capable d’assurer les passages techniques les plus exigeants sans pâtir d’une approche aveugle qui aurait mis l’acte en péril. Objectif réussi, même dans les spéciales seulement reconnues en vidéo.
Pour les autres, j’ai eu la chance, le privilège même, de prendre les roues de Théo Galy lors de la présentation de l’événement à la presse. J’en ai tiré de belles trajectoires et de bons conseils. Sauf erreur, je pense les avoir toutes exploitées. Merci la Gale 😉
« C’est passé, quel pied ! »
Pêle-mêle, me reviennent la voie romaine de Saint-Martin-Du-Froid, menée tambour battant. Toute la fin de cette même spéciale, Bardou où, me situant à chaque instant, j’ai osé certaines traces tapies dans l’ombre. Le goulet des Crêtes XXL, franchi sans hésitation, sans peur. Les épingles et la fin défoncée, au milieu du public du Pin… Toute la partie finale de Colombières, plus roulée depuis 2009… Montahut, ses épingles à enfiler comme des perles, une à une. Roc Traucat et ses coups de cul trialisants, franchis sur je ne sais quel ultime regain d’énergie…
Des moments forts où, même fatigué, j’ai osé engager et compter sur tous les choix et réglages exposés en préambule de cette épreuve. Et c’est passé ! Quel pied !
Pour tout l’or…
Des moments forts, et d’autres, où j’ai pu mesurer combien certains choix de cet Objectif Epic valaient leur pesant d’or. Celui du finisher de ce Radon Epic Enduro…
Des constats prononcés lors des deux premières boucles évidement, mais plus encore dans la dernière, en quête de l’ultime porte horaire du jour…
Et puis, on a beau tout anticiper, tout calculer, tout verrouiller, il peut toujours arriver quelque chose d’imprévu…
Je n’ai pas souvenir de l’impact, mais je suis sûr d’une chose : il y a plus d’un moment où la moindre crevaison m’aurait mis hors délais…
Première analyse…
Comme quoi, un tel projet tient à pas grand chose… Ou un grand tout, qui sait ?! Le Canyon Spectral CF de cet Objectif Epic est à l’arrivée, le bonhomme aussi. Une bonne chose de faite ! Avec l’énorme satisfaction d’avoir coché certains de mes objectifs vis-à-vis de ce Radon Epic Enduro et du terrain de jeu hors norme qu’est le Haut-Languedoc.
Gérer mes efforts de bout en bout. Ne jamais baisser les bras. Plier, mais ne pas rompre. Tenir bon. Tenir mon pari. Être à la hauteur des lieux. Faire honneur à l’événement. Exploiter mon meilleur bagage technique. Jouer du terrain. Rouler beau, propre.
Un ensemble jamais simple à concilier. Moins encore un jour de Radon Epic Enduro. Pourtant tout le positif que je tire de cet Objectif Epic, mon premier. C’est en substance, ce que j’ai pu me dire dans l’intimité de la dernière voie verte de retour au paddock.
… Et bases pour la suite ?!
Je m’étais promis de faire cet analyse au moment d’écrire les premiers chapitres de cet Objectif Epic. La voici. Et comme je l’avais écrit en préambule, le résultat n’est qu’un indicateur pour positionner cette prestation. Cette année, sur ce Radon Epic Enduro, elle vaut une 41ème place au scratch.
J’en mesure tout ce qu’il faut pour être plus haut encore dans le classement. Être propre, ordonné et déterminé ne suffit pas. Il faut aussi s’accorder plus de marge. Faire le job pour être plus costaud d’une part. Faire en sorte que le vélo puisse en prendre une partie à sa charge d’autre part.
Je me connais, et cette expérience me reflète bien. J’ai cette fois-ci, pour une première, voulu avoir toutes les cartes en main en comptant sur un fidèle destrier. Je l’en remercie, tant il m’a restitué les faits avec fidélité, me permettant de mesurer la tâche, cocher mes objectifs et poser de bonnes bases…
Pour la suite ? Qui sait… Cela implique de faire confiance : déléguer les bonnes choses, aux bons éléments. Tout l’objet d’un hypothétique second Objectif Epic… Les semaines et mois à venir seront déterminants pour se décider. En attendant, chapeau à ceux qui ont mis sur pied ce défi, tant il suscite de belles choses chez nous, pilotes.
Et merci, à tous, d’avoir suivi cet Objectif Epic, de près comme de loin. C’était un plaisir de l’ouvrir et de le partager avec chacun, à travers cette rubrique Endurotribe tout à fait singulière. Si tant est qu’elle en ait inspiré et/ou éclairé quelque-uns au delà des simples choix matériels… C’est gagné 😉