Mathieu Durand, « conserver la dynamique initiée cette année et avoir plus de filles sous contrat »

Il y a peu, le Specialized Enduro Team a officialisé le recrutement d’Estelle Charles dans ses rangs. Une annonce qui fait suite à un ensemble d’autres transferts féminins en ce début d’année 2022 – Katy Winton aux côtés de Noga Korem chez GT, Lisa Baumann chez Commençal Les Orres, Raphaela Richter chez Ibis entre autres… Ça concerne essentiellement le plateau Enduro World Series, et les filles en dehors du top 5 mondial, ce qui, d’une certaine manière, démontre que les effectifs se consolident chez les filles. Un constat au sujet duquel on a souhaité interroger Mathieu Durand, Team Manager de l’effectif Specialized Enduro, pour confirmer ou non, l’idée…

FullAttack : Mathieu, on a noté cette année, une importante part de recrutement féminin en Enduro, à l’international, pour jouer les premiers rôles EWS. Déjà, partages-tu ce constat ?

Mathieu Durand : Oui, je partage tout à fait ce constat. A l’exception du top 5 de 2021 où l’on a enregistré aucun mouvement, on a beaucoup plus de filles sous contrat. On peut en déduire que les équipes qui n’avaient pas les armes pour essayer d’aller se battre devant commencent à se structurer ou se renforcer. Cela devrait augurer une saison encore plus spectaculaire et intéressante que la précédente.

FullAttack : Selon toi, qu’est-ce qui a favorisé cet engouement ? Est-ce qu’en tant que manager d’équipe, justement, tu as perçu des attentes de la part des partenaires ?

Mathieu Durand : Je pense que le premier facteur de cet engouement vient de la compétition et de l’attrait qu’elle représente. Cette année, on a dû avoir 5 filles différentes sur la première marche du podium, sans compter Noga ou Andréane qui sont passées chacune à un cheveu d’une victoire. Nous verrons la saison prochaine si le niveau reste si homogène, mais si c’est le cas, ce sera vraiment génial d’avoir 6 à 7 filles capables de se disputer la victoire. Ça apporte de l’incertitude, et c’est souvent ce qui rend un sport intéressant à suivre, comme une bonne série TV.

Il s’agit aussi d’un juste retour des choses, pendant trop longtemps les filles, même super talentueuses, ont eu beaucoup de mal à trouver des contrats pro, et beaucoup roulaient comme privateer, sans pouvoir faire toute la saison. Même dans le top 10. C’est bien que de plus en plus soient intégrées dans des équipes. Cela va tirer le sport vers le haut.

Il y a forcément des demandes de la part des partenaires, mais cela me semble normal. La compétition féminine dans le VTT est un formidable spectacle. Il y a aussi de plus en plus de pratiquantes. Ainsi avoir de plus en plus de pilotes représentant les marques et qui permettent de les connecter à leur clients ou potentiels clients est nécessaire et fait sens d’un point de vue marketing.

FullAttack : Au sein d’une équipe internationale comme la tienne, qu’est-ce que ce type de recrutement apporte de différent, d’intéressant ? Dans l’organisation, dans l’ambiance, dans l’approche de la compétition ?

Mathieu Durand : Cela ne va pas apporter grand-chose de différent. Nous passons de 4 à 5 pilotes, donc d’un point de vue logistique ce sera assez similaire. Sur l’intérêt d’un tel recrutement, c’est essayer d’apporter à Estelle le meilleur soutien possible pour l’accompagner dans sa progression et voir jusqu’où l’on peut aller. Je suis convaincu de son talent, donc avoir eu la chance de pouvoir compléter son effectif avec quelqu’un de talentueux est toujours une vraie plus-value.

En ce qui concerne l’ambiance, Estelle était déjà presque intégrée dans l’équipe avant son recrutement. Tout le monde la connaissait bien, cela a facilité les choses. Dans l’approche de la course, cela ne change pas grand-chose, et comme toute nouvelle recrue le but est d’apprendre à la connaitre pour essayer de lui apporter le meilleur.

FullAttack : En matière de compétition justement, est-ce que ça a par exemple son intérêt pour le classement par équipe EWS ? Vois-tu, sinon, d’autres initiatives de la part d’organisateurs, à ce sujet ?

Mathieu Durand : Au-delà de l’aspect compétition individuelle, il est sur que d’avoir une fille de la qualité d’Estelle va nous aider pour le classement par équipes. Les organisateurs font à mon sens un bon travail autant sur la compétition masculine que féminine. Il faut toutefois que les acteurs de ce milieu essaient de conserver la dynamique initiée cette année et que l’on ait de plus en plus de filles sous contrat avec des équipes, cela tirera forcément le niveau vers le haut et apportera encore plus de visibilité à notre sport de manière globale.

FullAttack : Pour conclure, quel est ton regard sur la compétition féminine Enduro. Quelles sont selon toi ses spécificités, ses charmes, sous quels angles trouves-tu intéressant de s’y intéresser ?!

Mathieu Durand : Je pense qu’il est intéressant de s’y intéresser sous l’angle de la compétition, au même titre que l’on s’intéresse aux gars. Le véritable intérêt en plus cette année est que l’on est à l’aube d’une saison plus qu’intéressante, avec des filles très rapides dont on sait qu’elles peuvent gagner, des jeunes que l’on a vu émerger l’année dernière, et on verra si tous ces nouveaux recrutements peuvent rendre le niveau encore plus serré. Je vous invite tous à bien garder un œil sur cette compétition, car ça risque d’être disputé et très intéressant.

Au-delà de la compétition, toutes ces filles sont des athlètes super inspirantes dans leur quotidien qui méritent d’être plus connues et plus suivies. Si vous êtes en manque de motivation pour aller rouler, abonnez vous aux comptes de ces athlètes.

Rédac'Chef Adjoint
  1. J’aime bien la conclusion de Matthieu, intéressons nous au mode de vie des athlètes,pas uniquement au résultat. car comme toute chose poussée a l’extrême, il y a nécessairement un enseignement et un rééquilibrage a apporter en permanence, et c’est ce message que je trouve inspirant.souhaitons aux nanas d’apporter leur touche de fraîcheur et d’énergie,leur singularité dans le riding et ne pas nécessairement calquer leur approche sur celui des mecs. Ne jamais oublier que l’être humain est par essence un super généraliste et lorsqu’il se spécialise dans une activité paradoxalement il se fragilise. La gente féminine peut amener justement des évolutions dans l’approche de la préparation car plus sensible,et jouer un rôle singulier dans la discipline. Bonne saison a toutes.

  2. L’enduro à l’air d’être porteur sur l’égalité homme/femme depuis un bon moment (Price Money, temps équitable dans les résumés vidéo etc…). C’est vraiment une bonne chose pour tout le monde, car en DH et XC, le mouvement suit aussi! Je trouve que les filles sont plus ouvertes à montrer leur entrainement, leur quotidien de sportif, ce qui est bien pour les amateurs car on est plus proche de leur niveau d’entrainement et de ride que l’on peut plus facilement reproduire (même si elles sont bien plus forte que nous!^^).

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