Nous y voilà ! Shimano arrive (enfin) sur le terrain de la transmission électronique ET sans fil avec son tout nouveau groupe XTR, fleuron de la gamme nippone. Pas de révolution tapageuse, mais une copie somme toute fidèle aux valeurs de la marque et pensée dans la durée. Entre choix assumés, solutions maison et absence de surenchère, Shimano ne suit pas la tendance : elle joue sa propre partition, et c’est ce à quoi on s’intérèsse ici en détail, entre contexte, détails de conception et premières impressions du terrain…

La loi du marché…
C’est un fait avec lequel il faut composer de nos jours : dans une économie libérale, il faut composer avec la libre concurrence et parfois, le fait que la concurrence dicte la tendance. C’est justement ce qui se passe sur le terrain de la transmission VTT. Depuis quelque temps maintenant, la concurrence de Shimano a les dents longues et se montre particulièrement offensive, là même où la marque ornée de bleu turquoise a longtemps fait office de référence quasi absolue. Si bien que Shimano, même avec tout son poids historique, doit s’aligner. Mais sur quelle grille, au juste ? Depuis l’arrivée de la transmission Full Mount T-Type chez SRAM, le jeu semble avoir changé. Disparition de la patte de dérailleur, passage de vitesses sous charge, ergonomie repensée, ajustements automatiques, électronique et sans-fil partout… La copie est propre, et la com’ le dit haut et fort. Si bien que certains chefs produits, lors des lancements de vélos, n’hésitent plus à cocher la case américaine comme un point de passage obligé… Pour autant, en grattant un peu, la belle machine n’est pas sans zones d’ombre…
Critères | Avantage Concurrence (SRAM) | Zone d’attaque possible |
---|---|---|
Passage sous charge | ✅ Oui | |
Transmission sans fil | ✅ Oui | ❌ Complexité / Dépendance techno |
Suppression patte de dérailleur | ✅ Oui (Full Mount) | ❌ Compatibilité |
Micro-ajustement | ✅ Oui | ❌ Ergonomie |
Ergonomie | ✅ Moderne | |
Robustesse | ✅ Mise en avant | ❌ Encombrement |
Rapidité de changement | ❌ Pas toujours au top | |
Poids | ❌ Plus élevé | |
Encombrement | ❌ Visuel et mécanique | |
Intercompatibilité | ❌ Fermé à d’autres systèmes | |
Réparabilité | ✅ Mise en avant | ❌ Prix de certaines pièces |
Prix | ❌ Beaucoup d’éléments à changer pour convertir |
Et c’est là que ça devient intéressant. Le match n’est pas fini. Les zones d’attaque restent même nombreuses. Alors, Shimano suit. Un peu. À sa manière. Avec son rythme. Sa culture. Ce n’est pas le style à sauter dans le train en marche. Plus traditionaliste, très japonaise dans l’approche – rigoureuse, méthodique, presque rigide – la marque développe longtemps, en interne, loin des projecteurs. Le projet de cette nouvelle transmission Shimano XTR court depuis sept ans. Avec Richie Rude et Yeti en têtes chercheuses, et les premiers tests de freins dès 2019 avec le Syndicate. Puis le Covid est passé par là… Et SRAM a mis un coup de boost en sortie de pandémie. Résultat : Shimano semble aujourd’hui réagir aux tendances, plus qu’elle ne les impose. D’autant qu’avant ça, la marque avait aussi été échaudée par une précédente génération XTR utilisant des procédés très en pointe, mais qui avait posé quelques problèmes de production à l’allumage. Bref, attention : derrière ce faux air de suiveur se cache peut-être une autre grille de lecture. Parce qu’en dressant une grille pondérée – si, si, comme à l’école – on se rend compte que même si Shimano ne coche pas toutes les cases les plus mises en évidence par la tendance du moment, avec la nouvelle transmission XTR, elle n’a pas forcément coché les mauvaises. Elle a simplement… sa propre lecture du marché ! Quoi qu’il en soit, voici laquelle…

Shimano XTR, au premier coup d’œil
Sans plus attendre, on plonge au coeur de ce qui fait le sel de la nouvelle transmission Shimano XTR : son dérailleur et son shifter. On le verra plus tard, les éléments qui gravitent autour ont aussi leurs mots à dire mais pour l’heure, ce sont ces deux éléments, qui méritent toute notre attention.













On passe désormais au shifter qui accompagne le nouveau dérailleur Shimano XTR M9200 Di2, et compose le coeur de cette transmission électronique et sans fil…








La transmission Shimano XTR, en détail
Passé ce coup d’œil averti, il est désormais temps de s’intéresser plus en détail aux caractéristiques techniques de ce nouveau groupe électronique et sans fil Shimano XTR M9200 Di2. C’est à cet étape de l’analyse que se dégagent les choix précis faits par la marque pour placer son nouveau dispositif sur le marché…
Robustesse : le contre-feu mécanique
On l’a vu, dans un monde où la patte de dérailleur a (presque) disparu chez la concurrence, Shimano fait le choix de la conserver. Une décision qui peut paraître rétrograde, mais qui s’accompagne ici d’une série de dispositifs pour encaisser les coups durs. Premier de la liste : la technologie Shadow ES. Déjà connue, elle revient ici dans une version affûtée : c’est le doux nom donné à ce profil bas et biseauté qui limite les surfaces d’accroche en tête du parallèlogramme. L’idée est claire : éviter que le dérailleur ne serve de pare-chocs à chaque passage serré.
Mais Shimano ne s’arrête pas à la simple géométrie. À l’image de la concurrence électronique, le nouveau XTR embarque une fonction de récupération automatique après choc. Comprendre : en cas d’impact, le système est capable de reprendre sa place tout seul. À cela s’ajoute un limiteur de couple mécanique, combo d’un ressort et d’un aimant, qui permet de découpler le servo-moteur électronique en cas de choc. Le moteur, lui, planqué à l’arrière et côté roue libre, reste relativement protégé, dans un coin souvent moins exposé aux impacts et autres sévices. Enfin, classique mais efficace : la bonne vieille possibilité de rotation arrière du dérailleur grâce à la patte. Un truc qui, mine de rien, peut encore sauver la mise lors d’un impact un peu trop enthousiaste.
Engrenage : l’art de rester dans le rythme ?!
Quand on parle d’électronique et de sans-fil, on a vite fait de négliger les fondamentaux. Mais quelque part, le bon vieux passage de rapport, ça se joue aussi et avant tout entre dents et maillons. Le nouveau XTR joue sur un terrain connu : la compatibilité avec les cassettes et chaînes Hyperglide+ 12 vitesses déjà présentes sur le marché. Pour ceux qui roulent déjà en Shimano 12V, c’est une bonne nouvelle : pas besoin de tout changer. Seuls les dérailleurs et shifters sont nécessaires pour passer à l’électronique sans fil du géant japonais.
Quoi qu’il en soit, ce n’est pas tout. Le nouveau dérailleur apporte une technologie de stabilisation de chaîne revue, avec un système à double ressort qui augmente sérieusement la tension : +72 %, pour atteindre une charge avoisinant les 50 Nm. Objectif ? Un meilleur enroulement de la chaine autour des galets et de la cassette, un brin « mou » plus stable, moins de battement quand c’est défoncé, et donc une rétention qui doit inspirer confiance même quand ça tabasse et/ou qu’on veut écraser les pédales…
Électronique : Shimano sort du bois…
On l’attendait au tournant, et elle est là : l’électronique selon Shimano. Pas de fanfare, pas de grandes démonstrations chiffrées, mais un système qui commence à parler le même langage que la concurrence… sans trahir ses origines. D’abord, il y a la batterie du dérailleur. Compacte, avec une capacité de 305 mAh à 7,6V, elle se recharge entièrement en 1h30, et permet – sur le papier – de tenir jusqu’à 340 km. Et pour les têtes en l’air, une charge rapide de 15 minutes suffirait à couvrir 50 bornes. On est dans les clous, et de dire des ingénieurs maison, un peu en avance sur la concurrence. À vérifier.
Côté sans-fil, Shimano a développé son propre protocole basé sur le BLE, le Bluetooth Low Energy. Un choix qui permet à la marque de monter en fréquence, et donc en réactivité, tout en gardant un œil sur la consommation. Ce protocole permet également la connexion directe à l’application mobile Shimano, où il devient possible de régler certains paramètres, dont la vitesse de changement de rapport. C’est donc un paramètre sur lequel on peut avoir la main avec le nouveau Shimano XTR électronique et sans fil.
Le Shifter Shimano XTR et son ergonomie…
Si le dérailleur est la star visible du groupe XTR, le shifter SW-M9250R, lui, est clairement l’interface qui veut donner le ton des choix de la marque. Le nouveau venu assume un rôle central : retrouver les sensations mécaniques d’un levier traditionnel, mais en version électronique. À chaque changement, un retour tactile net doit rassurer le pilote et confirmer le changement de rapport, tandis que la course, sans être aussi importante qu’un équivalent mécanique, veut se monter généreuse et évidente.
Côté usage, c’est polyvalent et paramétrable à souhait : simple clic, double clic un peu plus ferme, ou appui prolongé pour un multi-shift. Et pour éviter les mauvaises surprises, le double-clic doit demander un peu plus d’engagement. Côté ergonomie : les gâchettes sont réglables sur quatre axes. Et le troisième bouton est programmable. Il peut être assigné à des fonctions comme la gestion d’un compteur vélo ou les fameuses AUTO SHIFT / FREE SHIFT, via l’appli E-TUBE.
Mais il peut aussi et surtout gérer le micro-ajustement. Un appui long lance le mode, les gâchettes font le reste, et un nouvel appui long valide. 24 crans de micro-ajustement sont disponibles – mais restent communs à tous les rapports. Petit mémo couleur de la led du dérailleur qui répond en partie aux sollicitations du shifter : vert pour batterie OK, bleu pour appairage, jaune pour micro-ajustement, rouge pour problème ou batterie faible.
Pédaliers : à chacun sa cible
Dans la logique modulaire du nouveau groupe XTR, Shimano n’a pas oublié les pédaliers. Deux constructions distinctes, pensées pour répondre aux besoins spécifiques du XC d’un côté, et du Trail/Enduro de l’autre. Pas de modèle unique à tout faire, mais des profils bien définis.
La version Trail / Enduro, référencée FC-M9220, mise sur la robustesse et la rigidité. Elle embarque un axe de pédalier plus costaud, légèrement plus épais, pensé pour encaisser les chocs et garantir un bon transfert de puissance, même quand ça tabasse. Le Q-Factor standard monte ici à 176 mm, et la ligne de chaîne passe à 55 mm, soit un petit cran au-dessus de l’ancienne norme en 52 mm. Les manivelles sont proposées en longueurs de 160, 165, 170 et 175 mm, avec une volonté claire de couvrir un large spectre de pratiques et de géométries modernes.
De son côté, le modèle XC – le FC-M9200 – cherche la légèreté sans sacrifier la fiabilité. On retrouve la même ligne de chaîne de 55 mm, mais avec un Q-Factor réduit à 168 mm, mieux adapté aux exigences d’un pédalage efficient sur des formats plus tendus. Là encore, plusieurs longueurs de manivelles sont disponibles : 165, 170 et 175 mm. Un détail à noter : le profil des manivelles diffère entre les deux versions. C’est là que se fait la différence de Q-Factor, pas simplement sur une longueur d’axe… Enfin, côté plateaux, la gamme est large : de 28 à 38 dents disponibles.

Déclinaisons : un XTR, des usages
Au delà des caractéristiques techniques que l’on vient de détailler, il est un autre aspect du nouveau Shimano XTR qu’il est important de bien comprendre. Sous ses airs de transmission unique et haut de gamme, le nouveau Shimano XTR cache en réalité plusieurs visages, pensés pour répondre à différentes pratiques du VTT. Et pour s’y retrouver, mieux vaut avoir un œil attentif sur les déclinaisons proposées, notamment côté dérailleurs et cassette, puisque c’est ça qui a un impact global non négligeable sur l’ensemble de la transmission. Voyons plutôt… Pour les VTT classiques (XC comme Enduro), on retrouve le RD-M9250, proposé en deux longueurs de chape. La version longue (SGS) est taillée pour les cassettes 10-51T, la configuration la plus répandue, pensée pour la polyvalence et les gros braquets. La version moyenne (GS), elle, se destine à la toute nouvelle cassettes Shimano XTR 9-45T : plus compacte, plus nerveuse, plus orientée réactivité mais qui conserve une plage de 500% – contre 510 à 520% pour les autres options plus généreuses disponibles sur le marché, soit l’équivalent d’un rapport en plus/moins approximativement. En plus de ses 70 grammes de moins sur la balance, elle cherche à offrir 23 mm de garde supplémentaire au dérailleur par rapport au sol, et 8 mm à l’avant, au niveau du plateau – puisque pour conserver une plage de rapport correctement placée, cette cassette implique d’utiliser un plateau plus compact de 2 dents. Le tout, en tentant le coup d’un plus petit pignon à 9 dents – qui se rapproche forcément du phénomène d’effet de corde.

Pour son nouvel XTR, Shimano ne s’arrête pas là. En parallèle, le RD-M9260 est pensé spécifiquement pour les VTT à assistance électrique. Particularité notable : ici, pas de sans-fil. Le système est filaire, alimenté en permanence par la batterie principale du vélo. L’ensemble est compatible avec les fonctions FREE SHIFT (changement de vitesse sans pédaler) et AUTO SHIFT (changements automatiques en pédalant). Ces fonctions sont personnalisables via l’app E-TUBE. Le passage de rapport continue de fonctionner même quand la batterie du VAE est trop faible pour fournir de l’assistance : une centaine de changements restent possibles. Le dérailleur est annoncé compatible avec les moteurs d’autres marques, notamment Bosch. La version longue cage (SGS) est capable de gérer aussi bien des transmissions 12 vitesses Hyperglide+ que 11 vitesses Linkglide.
Ce que ça pèse ?
Mis bout à bout, les éléments d’une transmission finissent par représenter un poids non négligeable de nos montures. Notamment depuis que les cassettes ont clairement pris du volume ces dernières années. Pour ce qui est du poids, voici les détails des éléments Shimano XTR à ma disposition, ainsi que le total de ce que ça représente. À noter qu’il s’agit de poids vérifiés, pour une transmission compacte, soit la plus favorable en matière de poids. C’est l’occasion de noter qu’elle gagne une centaine de grammes par rapport à un équivalent SRAM X0 AXS T-Type…
- Dérailleur (compact, sans batterie) : 388g
- Batterie : 23g
- Shifter (sans collier, avec vis et pile) : 97g
- Cassette (9-45 avec écrou) : 323g
- Chaîne (126 maillons) : 270g
- Pédalier (sans boîtier, avec écrou de plateau, manivelles en 170mm) : 523g
- Plateau (30 dents) : 66g
- Total > 1690g
La gamme
À cet instant de l’article, il est temps de parler finances. Que vaut le passage à l’électronique sans fil Shimano ?! Avec ce niveau de gamme XTR, la facture est forcément un peu salée s’il s’agit de s’équiper de la transmission complète : 1959,95€ tout compris. Mais pour ceux qui sont déjà équipé d’une transmission Shimano 12v, la bonne nouvelle provient de la rétro compatibilité de cette nouvelle transmission avec les chaînes, cassettes, plateaux et pédaliers Hyperglide+ déjà sur le marché. La note est divisée par deux – 899,99€ le prix du kit upgrade Shimano XTR Di2 comportant le dérailleur, la batterie, son chargeur, le shifter et un maillon rapide pour remplacer celui de la chaîne déjà présente sur le vélo… Commercialement, c’est sur cette somme que Shimano est très concurrentielle, là où la concurrence exigeait jusqu’à présent de remplacer aussi chaine, cassette et plateau/pédalier, faisant forcément grimper le montant en jeu. D’autant plus intéressant qu’on peut forcément s’en douter, des déclinaisons vers les niveaux de gamme plus abordable feraient encore baisser le prix d’un passage à l’électronique et sans fil Shimano…
- Dérailleur : 649,99€
- Batterie : 49,99€
- Shifter : 225,99€
- Cassette : 499,99€
- Chaîne : 69,99€ (126 maillons)
- Pédalier : 289,99€
- Plateau : 199,99€
- kit upgrade : 899,99€

le Shimano XTR M9200 Di2 Sur le terrain
Voilà pour les principales caractéristiques de cette nouvelle transmission Shimano XTR électronique et sans fil. Sur le papier, autant de détails importants que de questions soulevées et qui doivent trouver des réponses sur le terrain. Pour ce faire, j’ai l’opportunité de découvrir ce nouvel XTR lors de sa présentation en terres ibériques en début d’année, avant de recevoir, plus tard, un exemplaire de la transmission Shimano XTR – pour VTT classique, version compacte destinée à l’Enduro. Les délais étant serrés, cette dernière reste encore à exploiter pleinement au moment d’écrire ces lignes, mais les échanges en commentaire ci-dessous peuvent toujours préciser les choses au fur et à mesure du temps qui passe, et influer sur les prochaines parutions d’essai à ce sujet. En attendant, voici ce qui mérite d’être évoqué via mes premières observations…







Que donne l’ergonomie du shifter ?
On aurait pu croire qu’en passant au sans-fil, Shimano libérerait complètement l’ergonomie du shifter. Après tout, le câble et sa gaine disparaissant, c’est aussi une certaine exigeante en matière de course des gâchettes et de positionnement de l’ensemble qui sautent. Mais dans les faits, on comprend bien que Shimano veut plutôt ne pas briser les habitudes prises avec les transmissions mécaniques. Le geste reste donc proche de celui d’un shifter classique, avec ce mouvement du pouce à déployer vers l’arrière, pour ensuite pousser vers l’avant. Et c’est là qu’on touche un premier paradoxe : alors que l’électronique aurait pu raccourcir la course, on se retrouve à répéter une gestuelle héritée du câble. Approche plutôt conservatrice donc, qui ravira ceux qui ne veulent pas perdre leurs habitudes, quelles qu’elles soient.

Cela dit, on gagne tout de même un petit plus en liberté de positionnement, avec un shifter que l’on peut venir placer plus en dessous, pour favoriser une meilleure prise du cintre. Il peut y avoir un petit gain en la matière, versus la version mécanique des shifters de la marque. Mais en soi, il n’est pas question ici d’une rupture, comme chez SRAM. Et si l’on regarde de plus près, le corps du shifter XTR est plus compact, visuellement plus propre que certains modèles concurrents. Là où Shimano marque un point, c’est sur la qualité de construction : âme en métal côté fixation, là où certains jouent encore avec des colliers plastiques qui peuvent clairement faire fusibles et laisser le précieux s’envoler. En cas de crash, ce n’est pas la même pièce qui saute…
Comment se comporte le dérailleur ?
En conditions réelles, le nouveau dérailleur XTR fait bonne figure. Lorsqu’on le tape (volontairement ou pas), il encaisse, dévie, et revient en place à la manière de la concurrence. Rien de spectaculaire, mais la promesse est tenue. En cours de route, le micro-ajustement est un vrai plus : réalisable d’un doigt, sans s’arrêter, avec un système d’appui long + gâchettes très bien pensé. Le seul hic, c’est le manque de feedback clair : pas de bip, pas de clignotement franc, on devine qu’on est en mode réglage plus qu’on ne le sait. Résultat, on fait ça sur une portion lisse, à l’oreille et à l’intuition, pour être sûr de faire les choses proprement. En réalité, c’est la diode du dérailleur qui indique si l’on est passé en mode micro-ajustement. Mais quand on roule, on ne la voit pas…
Et sur le cœur du sujet – le passage de rapport – ça passe, et ça colle. Surtout sous charge, où l’on sent que la chaînereste bien enroulée autour de la cassette, aidée très probablement par la tension de chaîne majorée du ressort de chape. Le résultat, c’est un comportement propre, qui rappelle en partie les bons points de la concurrence T-Type, à savoir une chaine qui ne « saute » pas de la cassette. Versus l’équivalent mécanique Shimano, qui a une tension de chappe plus faible, c’est assez sensible. Reste que le changement de rapport avec chaine et cassette Hyperglide+ garde une saveur Shimano. À savoir qu’à l’oreille, le son est plus tintant, plus métallique, plus audible aussi. Et que dans les pieds, au changement de rapport, les à-coups me paraissent plus présents, plus marqué que la concurrence T-Type particulièrement souple.
Versus l’équivalent mécanique, que donne le nouveau Shimano XTR ?
Personnellement, longtemps, l’électronique m’a laissé sceptique. Trop cher, pas assez d’avantages par rapport à un bon câble bien entrenu. Et puis… ces dernières semaines ont fait évoluer ma perception. En passant d’une Shimano mécanique à cette nouvelle électronique, avec les mêmes dentures, cassettes et chaînes, une chose saute aux yeux : le traitement du changement de rapport est différent. Moins de « à-peu-près » avec la tension du câble pas toujours bien maîtrisée avec la gâchette, plus de régularité, moins d’à-coups, du coup…

Jusqu’ici, j’avais attribué ça aux profils de dentures plus favorables des transmissions T-Type, mais là, force est de constater que c’est bien l’électronique et la tension de chaine revue, avec ses composants mécaniques classiques – chaines et cassettes Hyperglide+ – qui s’en sort mieux que sa propre version à câble. La différence ? Peut-être la tension de chaîne renforcée, ou simplement la précision chirurgicale du moteur. Là où la main humaine peut trop ou pas assez tendre, le moteur, lui, vise juste. Et ça se sent.
Appli & réglage de rapidité, ça donne quoi ?
Le réglage de la rapidité de passage via l’application E-TUBE est un outil puissant… mais pas toujours limpide. Entre intitulés flous (« niveau 1 », « niveau 2 ») et logiques d’interface discutable, on peut mettre un petit moment à piger ce qu’on ajuste vraiment. Une fois qu’on a compris, en revanche, on découvre une vraie marge de manœuvre : du très lent au très vif, en passant par un milieu de plage qui semble bien calibré, équivalent à la concurrence. Intéressant, ça veut dire que l’on peut aller chercher plus rapide si on le souhaite…

Mais attention à ne pas faire d’amalgame : ce qui change selon le réglage, c’est l’intervalle entre les passages en rafale, pas le temps que met la chaîne à grimper une couronne. Autrement dit, sur le changement d’un seul rapport, le gain est nul – la chaîne a besoin d’un minimum de rotation de la cassette – que de l’électronique soit en jeu ou pas – pour engrener. Mais quand on passe plusieurs vitesses à la suite, c’est là que le réglage de rapidité a le plus d’influence. Et c’est là aussi qu’une observation fondamentale vient pondérer les choses. Plus c’est rapide, plus c’est brutal. Si on pousse trop loin vers quelque chose de rapide, on sent que la qualité d’engrenage se dégrade, que la transmission souffre et que la promesse de passage de rapport sous charge et sans encombre s’envole.
En clair ? Oui, avec son ressort plus tendu, cette nouvelle transmission Shimano XTR colle davantage la chaine à la cassette, ce qui apporte un petit gain en matière de qualité d’engrenage et donc, de changement de rapport sous charge. À condition de passer les rapports uns à uns, ou de rester en milieu de plage du réglage de rapidité des changements de rapports multiples – réglage équivalent à la concurrence SRAM. Sans quoi, l’apport de la précision de l’électronique disparaît, et la capacité de changement de rapport sous charge avec.
Quel est l’encombrement de cette nouvelle transmission Shimano XTR ?
De longue date, l’encombrement a été un point d’accroche entre Shimano et sa concurrence la plus directe. Pendant longtemps en effet, les dérailleurs mécaniques Shimano ont avancé un argument de poids – si j’ose dire – en adoptant le profil Shadow – littéralement dans l’ombre des bases – c’est-à-dire dessiné de manière à ne quasi-pas dépasser du cadre latéralement, se plaçant donc le plus à l’abri possible des obstacles qui bordent le terrain. Il n’empêche que ce nouveau dérailleur XTR a beau tenter de se glisser dans la continuité du mouvement enclenché par la marque – le profil en biseau de sa partie avant est lui-même appelé Shadow ES – ça reste discutable. Embarquer un moteur, sa mécanique, son électronique et sa batterie ne se fait pas sans casser d’œuf.

Placé sur le petit pignon, le nouveau dérailleur Shimano XTR dépasse davantage que ses équivalents mécaniques. Et pour ceux qui trouveraient le placement de la batterie concurrence disgracieux à l’arrière – même si la tendance instaurée par les derniers produits sortis est à la placer à l’intérieur de la patte de montage Full Mount… – le nouveau dérailleur Shimano XTR exploite aussi largement cet espace disponible, en y plaçant son moteur et son électronique. Globalement donc, le nouveau Shimano XTR n’échappe pas à la nécessité de prendre du volume, même si sa version compacte fait le maximum pour limiter la chose. La suite des essais nous en dira plus à ce sujet 😉

En conclusion…
Si l’on met de côté l’effet de nouveauté, que reste-t-il du nouveau groupe Shimano XTR Di2 sans fil une fois confronté aux tendances actuelles du marché ? En s’alignant sur certains standards — transmission sans fil, micro-ajustement au vol, personnalisation via appli — Shimano ne cherche pas à tout révolutionner, mais plutôt à offrir une lecture alternative, fidèle à sa culture technique. Ce tableau récapitule les principaux critères d’évaluation de cette nouvelle transmission, et replace Shimano face aux points forts de la concurrence, aux zones d’attaque possibles… et aux sujets qui restent encore discutables. Une grille pour mieux situer ce que ce groupe apporte, et ce qu’il laisse en suspens. Les ✅ peuvent être considérés comme acquis, les ⚠️ encore discutables, les ❌ en passe d’être perdus… Tout ça méritant maintenant un match à proprement parlé versus la concurrence pour être précisé. On s’y attèle, sur FullAttack 😉
✅ / ⚠️ / ❌ | Critère d’analyse | Positionnement Shimano XTR électronique & sans fil |
---|---|---|
✅ | Transmission sans fil | Sans fil propre et stable, protocole BLE maison, autonomie satisfaisante. Appairage simplifié. |
⚠️ | Poids | Environ 100g de moins qu’un SRAM T-Type X0, mais il faut une version compacte pour en profiter… |
✅ | Tarif d’upgrade | À 899,99 € le kit complet, Shimano devient très concurrentiel pour les utilisateurs 12v existants. |
⚠️ | Robustesse | Conception sérieuse (Shadow ES, limiteur de couple, auto-reset…), mais conserve une patte de dérailleur classique qui peut faire débat. |
⚠️ | Ergonomie générale | Peu d’évolution par rapport aux shifters mécaniques. Placement amélioré mais pas révolutionnaire. |
⚠️ | Passage sous charge | Efficace dans la bonne plage de réglage, mais perd nettement en qualité si on pousse la rapidité. |
⚠️ | Réglages & micro-ajustement | Fonctionnel à une main, mais manque de feedback visuel ou sonore clair. |
⚠️ | Encombrement général | Pas vraiment plus discret que la concurrence. Dépasse sur le petit pignon, composants bien visibles. |
⚠️ | Qualité sonore & perception au roulage | Sons mécaniques plus présents que sur T-Type. Plus tintant que feutré. |
❌ | Suppression de la patte de dérailleur | Shimano conserve une patte classique. Pas de Full Mount. Choix conservateur. |
❌ | Réparabilité | Peu d’éléments démontables ou remplaçables. Maintenance limitée. |
❌ | Intercompatibilité | Écosystème fermé, réservé aux composants Shimano Hyperglide+. |
⚠️ | Prix complet du groupe | Près de 1960 € pour une transmission complète. Vivement les déclinaisons plus abordables 😉 |