On l’a dit en introduction du premier chapitre Didactique consacré à la transmission VTT : n’ayant pas fondamentalement changé depuis ses origines ou presque, le concept de transmission par chaine et dérailleur(s) fait figure d’ancêtre dans le milieu. Si bien que toute optimisée qu’elle soit, la transmission telle qu’on la conçoit actuellement a largement eu le temps de toucher à ses propres limites. Lesquelles ?! On a préparé une petite sélection des plus intéressantes d’un point de vue technique. L’occasion d’en apprendre une nouvelle fois plus en la matière…
Rapports utiles
On commence par un sujet qui parle à tout le monde en matière de transmission VTT : le nombre de vitesses, ou rapports. Le marketing et sa fâcheuse tendance à jouer sur les chiffres et le toujours plus n’a pas manqué de s’en emparer. Dans les années 90, avoir le plus grand nombre de vitesses était un must ! À cette époque, le dérailleur avant et les double ou triple plateaux permettaient de multiplier les pains à souhait ! Rebelotte lorsque le mono-plateau s’est développé, dans un souci de simplification certes, mais avec une nouvelle course au nombre de rapports disponibles à la cassette : 9, 10, 11 et désormais 12 vitesses…
Dans tout ça, une question évidente se pose pourtant : de combien de rapport a-t-on réellement besoin ?! La réponse est pourtant assez facile à dénicher. Une simple petite étude empirique permet de tirer certaines conclusions utiles. Il suffit pour cela de se pencher en détail sur les rapports de réduction que les différentes transmissions de ces dernières années nous ont proposés…
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Voilà donc comment quelques calculs seulement suffisent à démontrer que la logique du toujours plus, appliquée à la transmission VTT, n’a pas de sens. En réalité, 13 rapports seulement semblent suffisants pour couvrir une large gamme de rapports – aussi bien pour grimper aux arbres que battre des records de vitesse – sans pour autant se cramer les jambes à chaque changement de rapport. Raison pour laquelle la tendance du mono-plateau actuelle – à 12 vitesses – a toutes les chances de perdurer. Et en même temps, réponse à la question les marques de transmission ont-elle encore intérêt à faire grimper le nombre de pignon sur leurs cassettes ?! Le jeu du 13° rapport ne semble pas en valoir la chandelle..!
Effet de corde & Transmission VTT…
D’autant que s’il faut chercher un énième rapport, il faut sans doute tenter de jouer des dimensions des pignons de la cassette. Or, en la matière, la transmission VTT par chaine se heurte à une limite. Un syndrome connu et reconnu en la matière : l’effet de corde. Il s’agit d’un phénomène qui se produit lorsque le pignon utilisé descend sous un certain diamètre…
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Dans l’esprit, une chaine et sa grosse centaine de maillons articulés les uns aux autres, vue de loin, ça s’apparente à une ficelle capable de se déformer pour épouser la forme des pignons, plateaux et galets de la transmission… Mais ne l’oublions pas, à une échelle plus fine, une chaine, ça reste surtout un enchainement de maillon qui, chacun, constituent un segment indéformable ou presque. Bout à bout, sur un pignon de grand rayon, pas de problème. Mais sur un pignon de faible diamètre, que se passe-t-il en sortie ?! En fonction des instants, la distance varie entre le centre du pignon et le point principal de tension !
Au delà d’une certaine valeur, et de certaines vitesses de rotation, cet écart créé des vibrations qui ont un effet sur le rendement, et sur la durée de vie du système. Heureusement, cet effet de corde dépend de la vitesse de rotation du pignon, et à VTT, couramment, ces vitesses restent contenues. Il n’empêche qu’à haute vitesse, certains d’entre nous en ont déjà certainement fait l’expérience avec les pignons de 9 ou 10 dents expérimentés ces dernières années. L’effet reste contenu et la fréquence à laquelle on y fait face reste globalement peu utilisée, mais ça explique tout de même qu’à l’heure actuelle, et avec le pas des chaines actuelles, 10 dents soit une limite à laquelle les transmissions fassent face.
Diamètre de la roue arrière
Un autre phénomène peut faire toucher aux limites de la transmission VTT telle qu’on la conçoit actuellement : le montage Mullet/MX, tendance depuis quelques temps. Sur certains vélos compatibles, il s’agit de faire usage d’une roue arrière plus petite, pour favoriser le dégagement et la maniabilité du vélo, utiles dans certaines situations. Ces derniers temps, il s’agit donc d’utiliser une roue arrière de 27,5 pouces en lieu et place d’une roue de 29 pouces. Mais en matière de transmission VTT, cette différence a son importance…
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Elle a déjà son importance en matière de développement, notion abordée au premier chapitre. À transmission strictement identique, une roue de 27,5 pouces parcourra 12 cm de moins qu’une roue de 29 pouces, à chacun de ses tours. Ça parait rien, mais si l’on roule en groupe, et que l’on a l’habitude de se caler sur le rythme de ses potes, ça peut vite mettre la pagaille ! D’autre part, en matière d’efforts, la roue arrière de plus faible diamètre a aussi son influence. Elle parait plus favorable cette fois-ci, puisqu’à transmission strictement identique, elle réduit cette fois les efforts à fournir sur les pédales. Si la roue est plus petite, le couple à fournir à la roue arrière l’est également. D’un rapport de 0,95 précisément.
Alors que faire dans ce cas ? Ne rien toucher ? C’est ce que la majorité des marques semblent suggérer actuellement, si l’on en croit les specs et/ou les préconisations qu’elles jugent utiles de communiquer autour des vélos compatibles Mullet/MX. Pourtant, quelques calculs simples permettent une fois de plus d’y voir plus clair… La solution se situe au niveau du plateau !
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En matière de développement, les calculs sont favorables ! Pour compenser la différence de développement entre roues de 27,5 pouces et 29 pouces, il suffit de jouer de 2 dents. Si l’on passe d’une roue de 29 à une roue de 27,5 pouces, il suffit d’augmenter la taille du plateau de 2 dents. On pourrait penser qu’un plateau 2 dents plus gros puisse poser souci puisqu’à tout autre paramètre égal par ailleurs, il exige des efforts plus importants à la pédale. Mais la roue arrière, plus petite, a justement réduit les efforts à fournir par rapport à la roue de 29. Les deux se compensent. On n’y perd donc pas. En bonus, un plateau 2 dents plus gros a aussi un effet sur l’effet de chaine/l’anti-squat du vélo. Il le réduit de quelques pourcents. Ça peut légèrement réduire la giclette du vélo à la relance, mais ça peut être compensé par la roue arrière de plus petit diamètre plus vive, et surtout, ça peut compenser cette même petite roue qui a tendance à taper davantage dans le sol et les obstacles, faisant perdre en sensibilité…
Voilà pourquoi, bien que les marques ne communiquent pas excessivement sur le sujet, on peut suggérer d’utiliser un plateau 2 dents plus gros en montage Mullet/MX. C’est cadeau 😉
Les autres formes de transmission VTT
Voilà pour les principales limites que l’on peut prêter à la transmission classiques par chaine, appliquée au VTT. Oh, bien sûr, il y a aussi toutes celles liées à l’exposition de l’ensemble des éléments de la transmission. Les câbles, les gaines, la chaine, la cassette, les plateaux, les dérailleurs et leurs pattes qui font fusibles sont clairement à la merci des éléments : l’eau, la poussière, la boue, les racines et rochers environnants se régalent de toute cette belle mécanique.
Tant et si bien qu’à intervalle régulier, des initiatives dissidentes tentent de mettre la transmission actuelle au placard. C’est qu’en matière de mécanique, d’autres principes existent pour transmettre la puissance. On a donc vu d’autres solutions voir le jour au cours de l’histoire. On finit donc ce chapitre sur une sélection des solutions pour l’heure restées atypiques.
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En mécanique, et en matière de transmission de puissance, l’arbre en rotation reste un principe lui aussi très répandu et utilisé. Certaines initiatives ont tenté d’en faire usage. Mais les usinages nécessaires, le poids que ça représente, le rendement de certains éléments et finalement l’exposition toute aussi critique, n’ont pas convaincu jusqu’ici. Outre la chaine, la courroie fait partie des principes de transmission très utilisés en mécanique. Elle a pour elle d’être plus silencieuse qu’une chaine. Nul doute que nos cadres apprécieraient davantage d’avoir à faire à son caoutchouc qu’aux maillons qui ont la fâcheuse habitude de flinguer les peintures insuffisamment protégées. Reste que la courroie a beau être renforcée, elle a la mauvaise tendance à s’allonger, plus qu’une chaine, si bien que la giclette en prend un coup. Qui plus est, une courroie c’est bien moins précis et sûr à faire dérailler qu’une chaine, et ça nécessite un encombrement plus important pour transmettre les mêmes efforts. Il faut donc travailler à d’autres solutions pour en faire usage. C’est le cas des moyeux qui intègrent le système de réduction. Rohloff et Nexus en sont les plus fameux. Dans les deux cas, des trains épicycloïdaux se glissent entre l’axe, le pignon et le corps du moyeu. Le poids, le rendement et la complexité de fabrication de l’ensemble n’ont jamais fait mouche. D’autant qu’au centre de la roue arrière, ça reste exposé, et un poids pas nécessairement bien réparti pour un usage sportif. D’autres ont donc retenu un temps le train épicycloïdal, pour tenter de remplacer les plateaux. C’est le cas du pédalier Truvativ Hammerschmidt, qui n’a pas fait long feu… Le mono-plateau s’est imposé ! Certains ont aussi fait usage de ces moyeux à trains d’engrenages au niveau du pédalier, en guise de boite de vitesse. D’ailleurs, des boites de vitesse existent sur certains chassis. C’est le cas de la boite effigear, chez les Français de Effigear. La boite fait usage de trains d’engrenages dans l’esprit de ce que l’on connait dans les boite de vitesse automobile. Ici aussi, ça reste complexe à fabriquer, d’autant que ça fixe quelques contrainte en matière de cinématique de suspension, alors que le milieu est habitué au sacro-saint pédalier et la patte de dérailleur. En matière de boite de vitesse enfin, les trains d’engrenages ont la primeur, mais à VTT, certains ont travaillé sur des solutions à chaine. C’était notamment le cas de la boite de vitesse du prototype Honda de Greg Minnaar dans les années 2000. La transmission actuelle, n’était alors qu’enfermée dans une boite, à l’abris des regards, et des éléments déchainés. Quitte à revenir à la transmission par chaine, on peu se pencher sur une autre initiative. Celle de placer la roue libre au niveau du pédalier, plutôt que du moyeux arrière. Plusieurs raisons à ça : comme avec certains moyeux et boites, la possibilité de passer les rapports sans pédaler. Ici, à la simple condition que la roue arrière tourne. Intérêt aussi en matière d’anti-squat puisque lorsque l’on ne pédale plus, le brin supérieur de la chaine devient le brin mou de la transmission, ce qui diminue l’effet de chaine. Et enfin, quitte à parler des variantes de transmission par chaine, concluons sur les variantes au sacro-saint ensemble câble et gaine pour la commande du système. On a notamment noté des tentatives de commande hydrauliques et pneumatiques, avant que l’électronique, via fils ou sans, fasse son entrée sur les segments haut de gamme des leaders du marché…
L’arbre, la courroie, la boite de vitesse, le moyeu Rohloff, le pignon fixe, la roue libre au boitier… Des solutions différentes, sans qu’aucune ne soit parvenue jusqu’ici à s’imposer. Chacune a ses avantages, mais aucune n’est encore parvenu à mettre à mal la transmission telle qu’on la connait, et sa simplicité, au bon comme au mauvais sens du terme qui semble avoir encore de beaux jours devant elle… À moins que ?!
Ce troisième chapitre consacré à la transmission VTT fait partie d’un ensemble d’articles Didactiques FullAttack plus vaste, consacrés également à la suspension, la géométrie et la rigidité/raideur notamment. Ils sont disponibles ici : https://fullattack.cc/rubrique/matos/didactiques/