Depuis quelques temps, nos essais tendent à conclure qu’entre 27,5 et 29 pouces, tout n’est pas affaire de chrono, mais de tempérament. Ou plus exactement, de techniques différentes qui puissent convenir plus à certains, qu’à d’autres.
On s’est penché sur les prestations des meilleurs pilotes mondiaux pour en savoir plus. L’Analyse Vidéo Endurotribe pose donc un regard sur un secteur sinueux de l’Enduro World Series 2018 de Finale. Action !
Temps de lecture estimé : 12 minutes – Images : Hugo Domenech & Enduro World Series
Au sommaire de cet article :
Qu’observer ?!
Avant toute chose, une question s’impose : qu’observer au passage des meilleurs pilotes mondiaux ?! Outre l’impression globale d’aisance et de vitesse, c’est un coup d’oeil attentif sur certains paramètres qui permet de mieux comprendre leurs techniques de pilotage à l’occasion de L’Analyse Vidéo Endurotribe.
[toggler title= »La trajectoire » ]
Somme toute logique, la notion de trajectoire est la première différence notable. Où chacun place ses roues ? L’endroit a beau être un passage sinueux et étriqué au milieu de la végétation, différentes options existent.
La pluie et/ou les passages semblent avoir creusé une rigole au centre du chemin, qui serpente de virage en virage. Ses rebords ne sont pas toujours clairement visibles, recouverts d’une épaisse couche de poussière levée par les passages successifs.
De part et d’autres existent des espaces exploitables, pour peu que l’on s’en donne la peine. Alors, rester au centre ou s’en extraire ? Dans tous les cas, pourquoi ?! La suite doit nous en dire plus. Il faut pour ça recouper avec d’autres critères d’observation…
[/toggler]
[toggler title= »L’angle » ]
L’angle d’inclinaison du vélo en courbe est ici très intéressant. Je dirais même fondamental. Je reviendrais sur le pourquoi plus tard. Il s’agit de l’angle que forme la verticale du vélo avec la verticale du lieu au moment de tourner.
À comparer certains passages successivement, on perçoit clairement que certains pilotes parviennent à coucher leur vélo plus que d’autres. De combien ? Et pour quelle incidence ? La question mérite d’être posée…
[/toggler]
[toggler title= »L’adhérence » ]
Notamment parce qu’elle est en lien avec celle de l’adhérence au sol. Qui n’a pas déjà perdu l’avant ou l’arrière par excès d’angle, au point d’en demander trop à l’adhérence latérale de ses pneus ? Ici, observons avec attention comment le contact au sol se comporte durant tout le secteur.
Plutôt constant et continu ? Plutôt saccadé et virulent ? Assiste-t-on à un toucher très fin ou au contraire, le vélo est-il en glisse par moment ? Si oui, de quelle manière décroche-t-il ? Est-ce soudain et rédhibitoire ou progressif et rattrapable ?!
[/toggler]
[toggler title= »Changement de bord » ]
Avec l’angle et l’adhérence, observons également les changements de bords : la manière avec laquelle le vélo parvient à passer d’une position à l’autre, d’un angle pour un virage donné, à l’angle opposé pour le virage suivant.
De quelle manière s’initie le mouvement ? Facilement ou non ? Le vélo parait-il lourd ? Ou au contraire, léger ? La distance à parcourir semble-t-elle importante ? Les mouvements du pilotes semblent-ils précis ou non ? Aisés ou non ? d’Où viennent-ils ? Bras ? Épaules ? bassin ? Jambes ?
[/toggler]
Piloter en 27,5 pouces…
On ouvre le bal par une successions de passages féminins et masculins, tous à bord de vélos équipés de roues en 27,5 pouces de diamètre. Les points communs à tous finissent par sauter aux yeux et définissent certaines caractéristiques du pilotage en 27,5 pouces que L’Analyse Vidéo Endurotribe met en évidence…
[toggler title= »Contact au sol » ]
Premièrement, le point commun entre les passages de Morgane Jonnier, Julie Duvert, Inès Thomas, Isabeau Courdurier, Joe Barnes et Dimitri Tordo : remarquons comme les roues buttent frontalement dans les obstacles, notamment au passage de la racine. Bien sûr, d’autres paramètres peuvent réduire ce phénomène : suspension, roues…
Mais ici, c’est aussi flagrant de voir qu’Estelle Charles, Kevin Miquel, Florian Nicolaï et Sam Hill s’en affranchissent en optant pour une autre trajectoire et/ou en allégeant le vélo au passage de ces pierres au sol. Ils leur faut pumper, et ils le font avec brio.
[/toggler]
[toggler title= »Prise d’angle » ]
Observons à nouveau Morgane Jonnier, Inès Thomas, Isabeau Courdurier et Joe Barnes, notamment dans le dernier virage, en bas du secteur. On remarque que certains arrivent avec trop de vitesse et/ou en retard dans le timing. Leurs épaules se décentrent vers l’intérieur, ils/elles sont en retard et ne peuvent manœuvrer proprement le vélo. Ils tournent alors un peu carré et ne peuvent pas mettre d’angle. Le vélo reste très vertical et vire un peu comme un bus. Pourtant, dans l’exécution, le vélo tourne sans réel temps mort. C’est une caractéristique des 27,5 pouces : ils savent tourner à plat, sans prendre d’angle.
Pourtant, et c’est tout le charme de ce format, ils savent faire l’extrême inverse. Regardons à nouveau Estelle Charles, Kevin Miquel, Florian Nicolaï et Sam Hill : la prise d’angle est maximale à différents endroits. Là où le sol le permet parce que la rigole formée par les passages offre un appui à toute épreuve. On note au passage les différences de style : Florian Nicolaï et ses grands segments qui jouent du vélo pour le coucher comme jamais, Sam Hill qui reste très naturellement dans l’axe du vélo, quoi qu’il arrive.
[/toggler]
[toggler title= »Changement de bord » ]
En lien direct avec la prise d’angle évoqué précédemment, les changements de bord des 27,5 pouces semblent à la fois naturels et aisés. Certains comme Julie Duvert, Estelle Charles, Joes Barnes et Florian Nicolaï semblent clairement pouvoir prendre des largeurs vis-à-vis de l’enchaînement de virages pour revenir dans le coup l’instant d’après.
L’appel/contre-appel de Florian Nicolaï en bas du secteur en est l’exemple même. En exagérant un peu, on le penserait presque hors jeu, à deux doigts de finir dans la rubalise, mais l’instant d’après, le vélo est inscrit dans la courbe et l’appui, la vitesse emmagasinée rendu dès la sortie de virage pour gicler vers la suite…
[/toggler]
Piloter en 29 pouces…
Place maintenant aux vélos équipés de roues en 29 pouces. L’occasion ici de noter certains points communs, et quelques différences fondamentales qui définissent eux aussi ce que piloter un 29 pouces signifie…
[toggler title= »Prise d’angle » ]
Il suffit cette fois d’observer Becky Cook, Katy Winton, Ruaridh Cunnigham, Richie Rude et Damien Oton dans le dernier virage du secteur pour se rendre compte d’une chose fondamentale : sans mettre de l’angle, un 29 pouces ne tourne pas ! Il n’y a qu’à voir le léger temps de décalage qu’ils ont à l’abord du virage : il créé le même phénomène de vélo qui tourne comme un bus que certains 27,5 pouces ont observé, mais cette fois-ci, le temps mort est bien plus flagrant. Il faut alors lutter pour s’en sortir, repartir…
Alors que dans le même temps, les autres démontrent que non seulement un 29 peut prendre de l’angle, mais qu’en plus, il peut tourner dans ce cas. C’est ce que les genoux de Cécile Ravanel démontrent, tout comme Alex cure et Thomas Lapeyrie qui se faxent sous l’arbre. Techniquement, Yoann Barelli et Youn Deniaud démontrent ce qu’il faut faire. Observez comment ils se servent du cintre pour faire bras de levier et initier le mouvement. Comment ils jouent de la hauteur des épaules et du bassin pour s’asseoir sur la roue arrière et être le plus compact possible au moment de tourner.
[/toggler]
[toggler title= »Adhérence » ]
Observons maintenant les niveaux de glisse et de poussière globaux générés entre les 27,5 pouces et les 29. La différence est flagrante ! Moins de poussière soulevée en 29 pouces et surtout : moins de dérapages latéraux. Les 29 sont clairement plus comme sur un rail et filent vers l’avant, là où les 27,5 pouces peuvent godiller – en référence au monde du ski.
Quand les 29 pouces perdent l’adhérence, ils la retrouvent assez naturellement, comme si ce n’était pas dans leur nature de glisser, alors qu’en 27,5 pouces c’est l’inverse : il faut les contenir pour ne pas décrocher. D’ailleurs, ceux qui tentent de faire déraper les 29 pouces y mettent du coeur, sans quoi, les roues restent collées au parquet.
[/toggler]
[toggler title= »Changement de bord » ]
Une impression renforcée par le fait qu’en matière de changement de bord, même brutalisés, les 29 pouces ne sont pas vifs comme les 27,5 pouces. Rondeur et fluidité prennent allègrement le dessus sur l’instantanéité. Les passages de Cécile Ravanel, Alex Cure et Yoann Barelli en sont les parfaits exemples.
Cécile Ravanel, dans son style #fullattack voudrait en faire plus, mais force est de constater que le vélo a son rythme et qu’elle a l’intelligence de le laisser filer, voir de s’y accrocher. Alex Cure laisse aussi le vélo aller prendre un appui que ses épaules n’ont pas prévu, avant de se remettre en ligne.
D’ailleurs, globalement, on note des trajectoires de 29 pouces un peu plus directes alors que les plus arrondies d’entre-eux démontrent que ça passe proprement et qu’il faut de la rondeur pour tourner. Fatigue ? Prise de risque ? Engagement ?!
[/toggler]
À retenir ?!
Alors, que retenir de ces observations ?! Plusieurs idées clés qui peuvent permettre à chacun de mieux piloter son propre vélo, ou bien de mieux saisir les spécificité de chaque format…
[toggler title= »Savoir doser l’angle » ]
On le voit, la clé dans ce genre de secteur se situe au niveau de l’inclinaison du vélo. Plus on est capable de le coucher, plus on est à l’aise. Et plus on sait passer d’un bord à l’autre, plus on augmente l’aisance. Dans ce domaine, les 27,5 et 29 pouces se différencient.
Le 27,5 pouces est plus tolérant : il sait tourner, à minima, sans mettre d’angle. Le mieux est tout de même d’en mettre, mais dans ce cas, son adhérence au sol rend la manœuvre critique. Il permet de coucher le vélo, mais ne fait rien pour sauver l’adhérence. Toute la finesse de pilotage est là.
Le 29 pouces, lui, est plus exigeant : pas d’angle ? pas de virage ! Il faut savoir faire à son rythme pour virer de bord dans les temps, ou bien clairement le brusquer. Par contre, il a la bonne idée d’offrir l’adhérence nécessaire pour tenir l’angle qu’il exige.
[/toggler]
[toggler title= »Choisir la trajectoire en conséquence » ]
Tout ceci, bien sûr, à partir du moment où l’on choisit la trajectoire adéquat. À ce petit jeu, on voit que le 27,5 pouces permet de tourner plus court et donc, de changer de direction de manière plus vive dans le même espace/temps. Il offre à cette occasion une marge de manœuvre que les plus talentueux exploitent pour en faire plus, et les moins bons pour se rattraper.
Le 29 pouces, lui, tourne plus rond, et impose autant sa ligne que le pilote. Le rapport de force est différent. Il faut savoir lâcher prise et laisser filer, avant de reprendre le dessus l’instant suivant. Dans ces circonstances sinueuses, il ne pardonne pas les erreurs de trajectoire ou de timing que le 27,5 pouces permet… Mais il montre la marche à suivre et a la bonne idée de ne pas se mettre en travers.
[/toggler]
[toggler title= »Les deux pardonnent, différemment » ]
Ainsi, on note que les deux formats exigent et pardonnent dans le sinueux. Ils ne le font simplement pas de la même manière. Le 27,5 pouces exige une lecture de la trajectoire, un toucher du sol et une dextérité importante pour tirer parti de sa capacité à générer de la vitesse. En cas de retard gestuel ou d’erreur de trajectoire, la correction est toujours accessible.
Le 29 pouces lui, exige un engagement et une application pour tourner court. Sinon, mieux vaut arrondir. Un choix et une mise de départ nécessaires pour profiter ensuite de sa capacité à conserver la vitesse. Il a la bonne idée de rester coller au sol et rattraper les dérobades quand le pilote, lui, est mal embarqué.
[/toggler]
Les meilleurs passages
Dans tous les cas, l’enseignement commun à ce passage stipule qu’il ne faut pas confondre vitesse et précipitation. Au delà du format, on rejoint ici la notion de Flow, ce savant équilibre entre ce que le chemin inspire et ce que le vélo peut y faire.
Qui dit rapport, dit plusieurs combinaisons possibles. C’est d’ailleurs la conclusion de cette analyse vidéo, au grès des meilleurs passages compilés ici. Ils ont ces Flows en commun, quel que soit le format de roues…
Le commentaire de chacun pourrait encore durer des heures. D’ailleurs, j’en soupçonne certains de regarder cette vidéo en boucle 😉 Reste qu’une seule dernière remarque me vient à l’esprit. Observons bien l’adhérence, la gestuelle, la trajectoire et le Flow de Sam Hill… Son passage diffère des autres 27,5 pouces, parce qu’il a tout de celui d’un 29 ! C’est ça la classe !
En appartée – Au chrono…
Certains l’ont remarqué, le chronomètre n’est pas présent à l’image dans cette analyse vidéo. C’est un choix délibéré. Pour différentes raisons, l’incertitude de mesure est importante sur ce secteur très court – 3,5s en moyenne. Or les écarts mesurés sont plus faibles que l’incertitude.
En clair, on ne peut affirmer que les écarts relevés proviennent de la réalité, ou de l’imprécision de mesure. Je pense notamment au possible écart mesuré entre les meilleurs temps 27,5 vs 29 pouces. La mesure n’étant pas significative, elle n’apparaît donc pas.