Cécile Ravanel

Quand une actrice ou un acteur du monde du VTT nous offre son autoportrait en se prenant en photo et en se soumettant à un petit questionnaire décalé, c’est l’interview Selfie !

Aujourd’hui, place à la triple Championne du Monde d’Enduro, Cécile Ravanel…

 


Temps de lecture estimé : 9 minutes – Photos : Cécile Ravanel / DR


 

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Cécile Ravanel – Hot Rode !

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« Je suis une personne spontanée, qui dit ce qu’elle pense, un peu sans filtre… »

 

Comment te décrirais-tu ?

Un peu autiste sur les bords, ça te va comme réponse (sourire) ? Non, disons que je suis une personne spontanée, qui dit ce qu’elle pense, un peu sans filtre, quoi ! Je suis aussi hyperactive et je ne supporte pas de rester sans rien faire. Mais surtout, j’aime avoir des objectifs et faire tout ce qui est en mon pouvoir pour les atteindre… Qu’ils soient sportifs, artistiques ou d’ordre privé.

 

Le vélo a changé quoi dans ta vie ?

J’ai commencé jeune, alors aussi loin que je me souvienne, le vélo a toujours fait partie de ma vie. Ça m’a plus formée que changée, en fait. Le vélo m’a donné une hygiène de vie et m’a permis d’atteindre un niveau de forme physique que peu de personnes parviennent à avoir. Par la suite, c’est une passion qui est devenue un métier. De plus, être une athlète professionnelle dans le monde du VTT m’a permis de voyager énormément et de découvrir des endroits extraordinaires un peu partout dans le monde… Je pense que c’est ça qui a le plus changé ma vie. Sinon, je n’aurais peut-être jamais quitté le village de Montauroux et mes collines varoises (rires) ! La compétition de haut niveau à vélo m’a également aidé à moins m’éparpiller et à me calmer. Sur les courses, par exemple, du premier jour des recos au départ de la première spéciale, je ne pense qu’aux trajectoires. À ce moment-là, je sais rester concentrée, je m’enferme dans mon monde et il n’y a pas grand-chose qui peut me distraire… D’où le petit côté autiste.

 

La position du curseur sur ta balance personnelle boulot/loisirs ?

J’ai l’esprit qui bouillonne et le cerveau qui tourne à 100 à l’heure continuellement, alors comme je vis de ma passion, c’est difficile de placer le curseur à un endroit précis… Du moment que je suis sur mon vélo et en plein air, il n’y a pas de contrainte. C’est du plaisir, en fait. Je dirais donc 90 % plaisir et 10 % boulot. La part la moins agréable restant celle de l’entraînement dans des secteurs où je ne prends clairement pas mon pied… Aller à la salle pour faire de la muscu ou rouler sur un vélo de route, par exemple !

 

Quand tu n’es pas sur ton vélo, tu fais quoi ?

Faut que je m’occupe ! Je fais mes décos de casques, je dessine des trucs… C’est d’ailleurs l’un des rares moments dans la vie où je peux rester enfermée toute une journée sans voir le temps passer. J’aime bien bricoler aussi. Dernièrement, lors de ma rééducation après ma blessure aux vertèbres, dès que j’ai eu le feu vert pour enlever le corset, je me suis lancée dans la construction d’une terrasse en bois à la maison. Je suis difficile, je sais ce que je veux et si, par exemple, j’ai besoin d’une table ou d’un canap’, je peux aller jusqu’à le dessiner pour obtenir ce que je souhaite vraiment. Le design, ça me plaît.

 


« J’ai connu pas mal d’échecs dans ma carrière, alors s’il avait fallu que je sois gênée à chaque fois… »

 

Mécanicien ou mécaniquer ?

Comme je viens de le dire, je suis plutôt bricoleuse, alors je n’ai aucun problème à entretenir moi-même mon vélo. Seulement en tant que pilote pro, j’ai toujours eu un mécanicien pour s’occuper de mon bike. Sur les courses de Descente, c’était Cédric Martin et en Enduro, depuis des années, c’est Nicolas Padovani. Et à la maison, c’est quand même souvent Cédric (Ravanel, son mari, vainqueur cette année de la Coupe du Monde d’Enduro en catégorie Master) qui monte les vélos.

 

La dernière fois que tu as été embarrassée…

Je suis un peu « no shame », comme on dit… Je m’arrange bien avec la honte (rires) ! Et puis des échecs, j’en ai connu pas mal dans ma carrière, alors s’il avait fallu que je sois gênée à chaque fois, j’te dis pas… Du coup, je ne m’embarrasse pas avec grand-chose. Mais attention, il faut quand même faire gaffe, car dans la communication, surtout avec les réseaux sociaux, le regard des autres est de plus en plus important.

 

Dernier coup de cœur…

J’ai un cœur de pierre, tu savais pas (sourire) ? Non, on va dire le partage avec les jeunes du club VTT et les coureurs comme Antoine Vidal (NDJ : vainqueur de la Coupe du Monde d’Enduro et vice-Champion du Monde de DH en Junior)… Transmettre à quelqu’un de réceptif qui utilise une partie des outils que tu lui apportes pour progresser et gagner, ça fait forcément chaud au cœur. Le titre Master de Cédric après son retour de blessure, c’était cool aussi.

 

Dernier coup de blues…

Je ne peux pas dire que c’est mon accident, car je me sens chanceuse de l’état dans lequel j’en suis ressortie… Mais sinon, je dois avouer que cette année, sur les courses, au bout d’un moment, je commençais à avoir les boules de regarder les autres rouler. Heureusement, après Whistler, j’ai pu faire de plus en plus de recos avec les gars sur le vélo et ça m’a redonné le moral. Le plus dur, en fait, ça a été pour Cédric qui a dû s’occuper de moi quand j’avais mon corset… J’étais un vrai boulet (rires) !

 

Dernier coup de gueule…

Même si je me suis assagie, j’ai toujours du mal avec les tricheurs…

 

Dernière bonne nouvelle…

Les résultats du team avec Cédric et Antoine. En mon absence, ils ont grave tenu la baraque !

 

Ton premier VTT…

C’était un Scott semi-rigide… De toute façon, à l’époque, il n’y avait pas de tout-suspendu ! J’avais 13 ans quand je suis entrée au club et ensuite, dès que je me suis mise à la compétition, mes parents m’ont acheté un Sunn.

 

« Je ne suis pas fière de moi ni de mon parcours. Disons plutôt que je suis satisfaite. »

 

Le plus beau spot pour rouler…

Ah, je pense que c’est quand même Whistler pour la diversité des trails et la possibilité de rouler aussi bien sur des pistes tracées que sur des sentiers « naturels ». Tout cela dans un périmètre assez restreint et en s’envoyant des grosses bosses tellement bien shapées que tu as l’impression d’être une tueuse dans les airs ! Sinon, j’aime bien aussi Vallnord pour la Descente pure et, plus près de la maison, San Romolo, en Italie, dans la caillasse.

 

L’endroit où tu rêves de poser tes roues…

L’île sud de la Nouvelle-Zélande. On a fait le Nord, c’est déjà très bien, mais il paraît que plus bas, c’est encore mieux.

 

Une addiction…

L’adrénaline ! Une fois que tu y as goûté, c’est difficile de s’en passer… Des journées « shuttle » à faire des navettes et enchaîner les runs en DH ou en Enduro pour aligner le plus de dénivelé négatif possible, c’est carrément jouissif ! Ça ou partir avec des potes comme Thomas Estaque ou PEF (Pierre-Edouard Ferry) et se lancer des défis en essayant des trucs de débiles. Bon, j’ai bien fait d’en profiter, car même avec les supers vélos qu’on a aujourd’hui, ce n’est pas sûr qu’à l’avenir je puisse toujours le faire.

 

Ton plus grand regret ?

De m’être acharnée aussi longtemps à tourner en rond en X-Country et de ne pas être passée à la Descente plus tôt… J’ai été Championne du Monde Junior et deux fois Championne de France de XC, mais je n’avais pas le niveau pour aller chercher le podium en Mondial. Alors qu’en Enduro et même l’an dernier en DH, j’étais nettement plus dans le coup… Bon, quand on voit ce que ça a donné, j’aurais peut-être fait une carrière moins longue, hein ! Surtout que j’étais encore plus débile étant jeune (elle se marre)… Je regrette aussi de m’être blessée avant la première épreuve de la Coupe du Monde de Descente 2019… J’avais vraiment bien bossé, j’avais profité de l’expérience des Championnats du Monde à Leinzerheide pour corriger mes erreurs et progresser et j’aurais bien aimé voir où je me serais située dans la hiérarchie…

 

Une fierté…

Celle d’avoir eu l’opportunité de pouvoir continuer à vivre comme une ado jusqu’à presque 40 balais. Et j’espère que ce n’est pas fini ! Mais tout ça, c’est aussi grâce à mon entourage et en premier lieu à mes parents qui m’ont toujours soutenu dans mes projets et mes choix. C’est une grande chance et sans cela, je n’aurais pas eu la même vie, c’est certain. Je ne suis pas fière de moi ni de mon parcours. Disons plutôt que je suis satisfaite.

 

Un talent caché…

Le design… Après, je ne sais pas si j’ai du talent, mais en tout cas, ça me branche. On va dire une certaine créativité artistique.

 

Une erreur de jeunesse…

Après avoir été Championne du Monde de Cross Junior, l’année suivante, j’aurais peut-être dû essayer directement d’aller décrocher le titre en Descente.

 

Un plat…

Désolée, ça ne va pas plaire aux vegans, mais je ne peux pas résister à une bonne côte de bœuf bien saignante !

 

Un concert…

Le dernier en date notable, c’était Marylin Manson à Vancouver cet été.

 

Un livre…

Houlà, je ne suis pas une grande lectrice et le peu de livres que j’ai lu, c’était à l’école et sous la contrainte…

 

« Il vaut mieux fermer sa gueule et passer pour un con, que l’ouvrir et prouver que t’en es vraiment un ! »

 

Une série…

Non, deux ! Dexter et Breaking Bad…

 

Un film…

Je préfère de loin les séries et ça fait longtemps que je n’en ai pas vu un…

 

Une insulte…

Putain, con, enculé… Mais ce ne sont pas des insultes. Dans le Sud, c’est de la ponctuation (rires) !

 

Un TOC…

Il faut toujours que j’ouvre les fenêtres. J’ai un problème avec les odeurs… Surtout quand je remonte en navette avec un chargement de garçons (rires) !

 

Un conseil qui t’a particulièrement marquée…

Un jour, quelqu’un – je ne dirais pas qui – m’a dit : « Il vaut mieux fermer sa gueule et passer pour un con, que l’ouvrir et prouver que t’en es vraiment un ! » Je ressort souvent cette phrase aux jeunes.

 

Une devise…

« Le mieux est l’ennemi du bien » Bon, c’est un peu un truc de feignant, mais malheureusement, ça se vérifie assez souvent. Dans la vie, vouloir toujours plus – de victoires, de sous ou de pouvoir – n’est pas la solution pour être heureux.

 

Merci Cécile ! 😉