On l’a longtemps attendu, on l’a suivi avec intérêt, et elle a livré ses premiers éléments de réponse : la première manche de la saison Enduro World Series 2016 vient de s’achever à Corral, Chili. C’est donc désormais l’heure de l’analyse et des premiers enseignements !
À ce sujet, Endurotribe continue sa couverture atypique de la compétition, en se livrant cette fois-ci à l’exercice de l’analyse statistique : représentations graphiques visuelles et commentées des données représentatives du format de la course et du déroulement de la compétition.
Photo : Enduro World Series
Une course à l’usure…
Au Chili, l’organisation EWS expérimentait la prise de mesures GPS au sein du Top 30. En attendant d’avoir accès à ce niveau de détails précieux, au cœur de chaque spéciale, voici donc l’analyse à l’échelle du week-end, préalable indispensable pour mieux cerner où et quand chercher ce qui a fait la différence. Une occasion originale et objective de revenir sur les moments forts qui ont scellé le destin des pilotes les plus rapides de la planète. Pour cette première, voici les destins croisés des pilotes du Top 10 Scratch…
Pour profiter au mieux de l’expérience, utilisez pleinement les capacités d’affichage des graphiques en survolant et en cliquant sur les courbes et barres. Infos-bulles et isolement de chaque donnée permet en effet de mieux cerner les informations essentielles. 😉
Le format de la course
Rapides, sinueuses, plates, pentues, longues, courtes… Autant de mots qui reviennent lorsqu’il s’agit de décrire les spéciales qui composent une course. Les données du parcours permettent de mettre des chiffres sur ces mots. On peut ainsi s’intéresser à la pente moyenne de chaque spéciale. Plus cette valeur est élevée, plus la spéciale est pentue. Le temps passé en spéciale est alors un indicateur précieux. Il permet à la fois de se faire une idée du temps passé à fournir les efforts, leurs types mais aussi la vitesse à laquelle ils sont fournis.
À Corral, les deux jours de course formaient un ensemble cohérent. Mis à part la première spéciale un peu plus pentue que les suivantes (166m/km contre 125m/km en moyenne) et la dernière plus rapide que les autres (37km/h contre 30km/h en moyenne), les données sont homogènes et représentatives de ce parcours qui exploitait chaque versant de ce massif en péninsule. Il ne s’agit pas là d’un parcours alpin, mais bien de chiffres semblables à ceux que l’on peut retrouver sur des zones de littoral comme à Finale, par exemple.
La représentation graphique met en évidence un format similaire et intéressant pour les deux journées de courses : plus la journée passait, plus les spéciales devenaient courtes et rapides. Le second jour forçait même le trait, puisqu’il débutait sur la spéciale la plus longue du week-end, et terminait par la plus rapide, et de loin. Un format impliquant d’abord une forte dépense d’énergie, avant d’exiger une attention et une précision toujours plus forte à haute vitesse.
Comme si la fatigue et l’usure d’une longue semaine ne suffisaient donc pas, le parcours lui-même dressait face aux pilotes des chiffres et des écarts toujours plus importants pour faire grandir encore une difficulté bien palpable. Un préalable intéressant pour une course à l’usure…
Les écarts en spéciale
Les écarts en spéciale mettent en évidence cette particularité du format de course. Exprimés en pourcentage du temps de la SP, ils permettent de mettre en évidence à quel moment l’engagement et/ou la prise de risque ont permis de de se détacher du rythme des autres, et créer la différence.
À Corral, on constate que les deux jours se sont bien déroulés comme l’analyse du parcours s’y prête : chaque jour, les écarts présentent un comportement similaire. Dans les deux premiers chronos du jour, ils sont faibles et resserrés. Sur des spéciales plutôt longues, ils mettent en évidence à quel point les pilotes sont préparés et affûtés. Nicolas Filippi nous le dit lui même à plusieurs reprises : de l’autre côté de la rubalise, le Top 30 lui semblait parfois rouler à la même vitesse…
Ce ne sont pas des écarts de forme ou de rythme, mais bien des petites approximations commises sur le fil du rasoir qui ont donc créé la différence. Des petits détails qui ont plus d’importance sur des spéciales courtes où elles se paient cash. S’il n’avait s’agit que de rythme et d’état de forme, les pourcentages auraient été les mêmes, quelque soit la durée des spéciales. Or, ils sont bien plus étalés sur les spéciales courtes, 3 et 6, ce qui confirme l’intuition…
La course a donc été serrée tout le week-end et s’est jouée à l’usure, notamment entre les Frenchies aux avants-postes. Quels que soient les spéciales et leur caractéristiques : Vouilloz, Clementz, Nicolaï et Barelli n’ont jamais été séparés d’un écart au delà de 1,5% ! Leurs rythmes, leurs engagements, leurs capacités d’adaptation et leurs gestions des efforts ont suivi les mêmes évolutions et variations pour s’adapter au parcours. Florian Nicolaï a eu beau s’offrir un festival d’épingles dans la spéciale 5, il n’a pas empêché Nicolas Vouilloz d’être le seul à se détacher du lot dans la dernière spéciale du week-end. C’est là qu’ET a su trouver les ressources que d’autres n’ont pas eu : être le seul à coller au rythme de Richie Rude pour asseoir sa place sur le podium au détriment de ses compatriotes.
L’évolution des écarts
Si l’on observe maintenant l’évolution des écarts en temps, au cumul du week-end, certaines tendances en disent long sur ce qu’a été la course de Corral.
Notamment sur le rythme instauré par Richie Rude lui-même. Le jeune américain, tenant du titre, s’est installé aux commandes dès la seconde spéciale du week-end, et ne s’en est plus détaché. Pire, il a imposé un rythme infernal qui a inexorablement fait plongé toutes les courbes de ses concurrents, les écarts se creusant presque systématiquement et régulièrement au fur et à mesure de la course. Le seul sursaut de ses adversaires est intervenu sur la spéciale 5 du week-end, et pour cause : c’est Richie lui-même qui a chuté et offert une occasion à ses adversaires d’infléchir leurs courbes.
Finalement, seul Martin Maes a été capable de reprendre du temps au vainqueur sans profiter de ses erreurs. De quoi consolider sa faible avance de fin de premier jour, et prouver qu’il méritait bien sa deuxième place du week-end.
Derrière, les courbes très similaires de Vouilloz, Clementz et Barelli sur les 5 premières spéciales démontrent une nouvelle fois à quel point la course a été serrées entre eux. C’est bien la capacité de Nicolas Vouilloz à s’accrocher au rythme de Richie Rude, dans les spéciales 2 et 6, qui lui ont offert une place méritée sur le podium. Ces deux-là semblent avoir trouvé quelque chose dans le rythme de course que les autres n’ont pas vu ou su maitriser…
C’est ici aussi, que l’on perçoit ce que le classement définitif ne laisse pas présumer : Si Clementz, Barelli et Nicolaï semblent infiniment proches au final, il n’en reste pas moins qu’ils n’ont pas fait preuve des mêmes qualités. Si L’enthousiasme de Yoann lui a permis de rouler vite le premier jour, c’est la persévérance de Jérôme qui a permis à ce dernier de passer devant au dernier moment. Surtout, c’est ici que l’on constate que Florian a su rattraper son retard à l’allumage de la spéciale 1 en s’offrant un festival dont il a le secret dans les épingles de la spéciale 5. Sans quoi, il aurait très certainement fini 6ème, à un écart de 3 ou 4 seconde du Top 5…
Au rang des suppositions, celles concernant le résultat final de Jared Grave devraient rapidement trouver réponse dans les compétitions à venir, tant il semble en forme. Avant de casser sa chaîne dans la spéciale 5, l’Australien était le seul à suivre le rythme, non pas de Richie Rude, mais de Martin Maes, notamment sur le premier jour où seul un écart important dans la première l’a détaché du jeune Belge. Un écart qu’il n’a eu de cesse de réduire sur les Frenchies, avant qu’il ne connaisse son incident de course, le faisant plonger inexorablement.
Les tops et les flops
Des comportements indéniables que le denier graphique du week-end Corralien, les places en spéciale, permet de confirmer.
Fort dans quasi toutes les spéciales, sauf dans la 5ème où il tombe, Richie Rude a dominé ce week-end de la tête et des épaules.
Derrière, Martin est bien le seul a avoir été aussi consistant que Richie Rude pour la gagne. Il est surtout le seul à voler un scratch « à la régulière » le deuxième jour de course, sans profiter d’une erreur de son adversaire.
Nicolas Vouilloz a effectivement trouvé quelque chose pour suivre le rythme de Richie Rude dans les spéciales 2 et 6. Pour la deuxième du week-end, notamment, c’est du côté du run de Damien Oton (2ème) qu’il faudrait chercher ce qui a permis de tenir la cadence infernale imprimée par le tenant du titre.
Tandis que Florian Nicolaï a confirmé son statut de meilleur pilote d’épingle au monde, tant son scratch dans la spéciale 5 a éclaboussé la course de son talent, Jared Graves a démontré qu’il effectuait une course solide avant ses soucis mécaniques de fin de week-end.
Lui, comme son matériel et les autres pilotes de la course, ont subi la dure loi imposée par Richie Rude : celle de profiter d’un parcours qui avait tout, des proportions, au format et aux conditions météo pour faire de cette ouverture de la saison EWS 2016, une course à l’usure…
Tout ce beau monde est désormais en route pour l’Argentine où se déroule la seconde manche de la saison. Une destination à priori plus alpine dans ses tracés et son format. Mais ça, il suffit désormais de lire entre les chiffres pour le savoir… 😉