Entre les chiffres – EWS Whistler 2018, enfin !

Oui, enfin ! Ce sixième round des Enduro World Series 2018 de Whistler s’achève enfin. Et enfin une nouvelle tête au sommet du podium.

Cette fois n’est pas coutume, mais la période y est propice, nous aborderons rapidement les résultats du weekend, avant de les analyser en profondeur, pour un nouvel opus d’Entre les chiffres…

Malgré une seule journée de course, Whistler est une manche redoutable. Les vainqueurs l’ont-ils été eux aussi ? Que s’est-il vraiment passé ? Fut-elle une manche mouvementée et disputée ?

 


Temps de lecture estimé : 9 minutes – Photos : Enduro World Series


 

Au sommaire de cet article :

 

 

La course, les résultats

Après deux jours de reconnaissance, Jesse Melamed, le local et l’ultra favori de cette manche, pointe absent au départ… Une chute pendant les recos de la SP1 lui vaut une main cassée. De plus, la pluie de la veille n’aura même pas réussi à coller la poussière, à faire briller les racines ou encore glisser les rockfaces typiques du coin. Les Enduro Wet Series, ce n’est pas pour cette fois !

Finalement, et après deux années à accumuler un nombre impressionnant de seconde place, c’est Martin Maes, qui renoue avec la victoire. Le leader australien, Sam Hill, termine sur la seconde marche sereinement. Et enfin, Ed Masters continue sur sa lancée avec un second podium cette année. Il semble avoir trouver le bon rythme pour l’Enduro.

Comme chez les Pro, un des favoris chez les U21, le leader Elliott Heap ne s’aligne pas au départ le dimanche matin. Lui aussi a chuté pendant les recos. Sonné et endolori, il laisse le champ libre au pilote Commencal, Théotim Trabac s’impose une nouvelle fois. Chez les filles comme d’hab’. Cécile Ravanel l’emporte et Isabeau Courdurier toujours seconde. Mais une nouvelle tête fait son apparition sur le podium, l’israélienne Noga Korem est troisième.

Bon c’est bien beau de lire la feuille de résultat, mais que s’est-il vraiment passé ? Quels sont les faits de courses intéressants ? Que peuvent nous révéler les graphiques et quelques secondes de réflexion ? Place à l’analyse Entre les chiffres…

 

Format de course

Comme toujours on commence par l’analyse du format de la course. Il est important, surtout à Whistler : tout se joue sur une seule journée, pas de second jour pour se rattraper, et le départ depuis le mythique sommet Top of the World entraine toujours une énorme spéciale !

Ici, c’est flagrant, Top of the World ne déroge pas aux habitudes canadiennes. La dernière spéciale est énorme ! Un monstre de plus de 20 minutes. Ce qui en fait la spéciale la plus longue au chrono des EWS 2018. Elle représente à elle seule 50% du temps de course total. Elle fait donc la part belle aux endurants et aux stratèges. Commencer tout doux pour finir à fond !?

Mais d’abord il fallait survivre aux quatre premières spéciales. Ridicules face à la dernière mais pas moins intéressantes pour faire la différence. Les trois premières sont assez pentues – de 190 à 210m/km – mais surtout défoncées et techniques. Effectivement, faciles d’accès, elles font parties des classiques d’un trip à Whistler et sont donc très roulées ! Il faut y être solide et puissant pour tirer son épingle du jeu.

La quatrième n’est vraiment pas pentue et son nom – Heavy Flow – laisse penser à un sentier plutôt lisse, plat mais rythmé ! Une chose rare mais appréciable, qu’en bon rider français il est difficile d’imaginer. Alors, à ce petit jeu, qui a su tirer parti du format de course ? Ont-il plutôt attendu la fin de course pour prendre l’avantage ? Ou lâcher les chevaux d’entrée de jeu dans le technique ?

 

Une longue attente

Sa dernière victoire remonte à Finale Ligure en 2016, Martin Maes s’impose joliment ici, au Canada. Mais a-t-il été perturbé ou a-t-il véritablement dominé ?

Comme on le voit, sa courbe reste plate et au plus haut dès la deuxième spéciale. Martin a su rester constant et s’est montré complet puisqu’il a gagné son avance autant sur les spéciales courtes que sur la monstrueuse dernière spéciale. Il a dominé. Il l’emporte logiquement.

Derrière, Richie Rude refait surface. Mais telle une bulle, une fois à la surface, il éclate… un pneu ! On remarque facilement que la courbe de Richie plonge beaucoup plus que celle des autres sur la fin de journée. Alors second, il crève dans la dernière spéciale et perd toute ses chances de podium, voir même de victoire puisqu’une seule seconde le séparait de Martin.

Trop généreux, trop gourmand ou juste malchanceux ? Rien ne nous permet de le dire, mais l’histoire semble se répéter souvent cette année… La gestion du matériel est primordiale en Enduro. Pour gagner, il faut déjà finir 😉

Dans ce trio de tête de cette manche, le troisième larron n’est autre que le leader, le boss, Sam Hill. Sa courbe semble assez plate, presque nonchalante, comme si, sentant Martin intouchable ce jour là, il assurait cette seconde place et les points qui vont avec.

Visiblement, sur cette dernière spéciale, la course peut plus se perdre que se gagner, mais qu’en était-il derrière ? Certains en ont-ils tout de même profité ?

 

Jusqu’au bout…

Pour désormais y voir plus clair et comprendre l’impact d’une si longue spéciale parmi d’autres bien plus courtes, il faut s’attarder sur l’évolution au classement.

En effet, sur la fin, beaucoup de courbes se croisent, certaines plongent fortement quand d’autres remontent d’autant. La plus frappante : celle de Jared Graves. On le croyait aux oubliettes, loin de son ancienne domination… Sa courbe remonte énormément sur la dernière spéciale, longue et au coeur du bikepark. Il bondit ainsi de la 19ème à la 7ème place. De loin sa meilleure performance cette année !

A l’image de Jared, Yoann Barelli, Max Leyen 😉 , Damien Oton, Ruaridh Cunningham et Curtis Keene ont aussi profité de la dernière spéciale pour gagner 3 ou 4 places d’un coup !

Comme aucune courbe ne semble plonger aussi vite que les leurs remontent, il semble donc que cette fois, aux avant-postes la course ne se gagne pas sur une seule spéciale, même si elle est très longue, mais peut s’y perdre. Alors que dans la meute, où le rythme frôle certainement un peu moins la limite, certains ont su en tirer parti et grapiller de nombreuses places.

 

Au top !

Puis l’analyse du rythme en spéciales nous révèle encore quelques faits intéressants et confirme même nos précédents propos…

La courbe verte, celle d’Ed Masters, pointe au sommet de la SP2. D’une part, ce pic est particulièrement isolé, loin de toutes les autres courbes, ce qui prouve qu’il a vraiment dominé cette spéciale. Le run parfait certainement ! Il en sort victorieux. Il ne reste donc plus qu’à le reproduire plus souvent. D’autre part, il confirme alors notre pressentiment : il a bel et bien trouvé le bon rythme pour performer en Enduro.

De plus, le creux de sa courbe en SP3 traduit une chute. D’ailleurs, la comparaison avec la courbe de Sam Hill, plus souvent en dessous qu’au dessus de celle d’Ed Masters, laisse entrevoir qu’il aurait pu prétendre à la seconde marche du podium. Mais les chutes font partie du jeu… Reste qu’Ed est donc un nom à garder en tête et à suivre à l’avenir.

D’autres courbes se démarquent des autres : celle de Greg Callaghan qui part de très loin après la SP1, est par la suite plus haute et constante, il aurait pu prétendre à un top 10. Et celle de Max Leyen qui pointe en SP3 très haut, 4ème de la spéciale. Mais qui est-il ? Inconnu pour la plupart d’entre nous, j’ai eu la chance de le rencontrer en Slovénie. Il est Canadien et ce n’est autre que le vainqueur U21 de l’an passé à Whistler, 29ème du général. Il termine cette fois 15ème !

 

Etape redoutable

Whistler a battu sa réputation autour d’une manche toujours redoutable, sans merci. Elle réitère sans broncher. Le tableau des places en spéciales le confirme.

Les cases claires se démarquent facilement. Comme pour Rémi Gauvin – victime d’ennui mécanique – ou Ed Masters, Richie Rude, Greg Callaghan. Ils sont peu nombreux, mais tous ont occasionnellement eu un soucis. Qui leur a coûté cher à chacun.

Les cases foncées se distinguent aussi facilement pour Thomas Lapeyrie, Dimitri Tordo, Jared Graves et Shawn Neer. Tous sur la dernière spéciale, ce qui confirme que certains ont su y gagner du temps et des places !

Enfin on remarque que la ligne de Jared Graves monte en puissance. Plus la journée avance, plus il performe. Serait-il devenu un diesel ? Je ne pense pas vu son expressivité ! C’est aussi, peut-être, une volonté pour se préserver, gérer sa course et pouvoir terminer sans tout broyer avant l’arrivée. Une discussion s’impose avec son ancien teammate 😉

 

Chez les U21

En l’absence du leader anglais, la compétition était plus ouverte et la victoire plus accessible à d’autres prétendants. Qu’en disent les chiffres et notamment l’évolution des écarts ?

La courbe de Théotim Trabac plafonne toute la journée de course. Il s’impose d’entrée de jeu et dominera la partie de bout en bout. A voir la différence d’écart entre sa courbe et celle des autres, il était intouchable !

Comme nous le montre le rythme en spéciale, les courbes de ses concurrents s’entremêlent, forment plusieurs pics et se recoupent souvent.

La courbe de notre frenchie Elliot Baud, par exemple, est vraiment en dent de scie. La courbe du canadien Max Mcculloch est ascendante puis descendante, elle forme un pic. Il reflète sa victoire en SP4, la seule chipée à Théotim. Donc derrière le vosgien victorieux la bataille fut plus rude, plus serrée, plus disputée

 

Filles = sellif ?

Chez les filles l’histoire se répète encore une fois. L’ultra domination de Cécile Ravanel et d’Isabeau Courdurier continue. Mais l’analyse du rythme en spéciale nous révèle parfois une seconde place un poil plus disputée qu’à l’accoutumée.

En effet la courbe d’Andreane Lanthier Nadeau se rapproche et recroise celle d’Isabeau en SP1, 3 et 4. En terre canadienne, ALN se montre donc plus vigoureuse. Mais elle ne termine pas troisième !

Oui, c’est bien Noga Korem qui complète le podium. Après la courbe de Cécile et d’Isabeau, c’est la sienne qui oscille le moins. Une régularité qui paye donc, puisque sa courbe passe au dessus de celle d’ALN à la dernière spéciale. Mérité !

 

 

Le ranking

La victoire de Martin rompt les habitudes et lui permet de reprendre du terrain sur le leader australien. Cependant, si à la prochaine manche, Sam Hill termine juste derrière Martin Maes aux avant-postes de la course, il est fort probable que le plus tatoué du paddock s’adjuge le général avant même la manche finale !

Par la même occasion, Martin subtilise de peu, de 40 points, la deuxième place au ranking à Damien Oton, dans le dur ce weekend, mais qui reste dangereux sur les deux dernières manches à Ainsa et Finale. Un duel qui s’annonce intense !

Alors que le ranking féminin évolue peu, chez les juniors, l’abandon prématuré du leader Elliott Heap rebat les cartes. Avec seulement 10 points d’avance sur Cole Lucas, tout le travail est à refaire. Derrière, les frenchies Elliot Baud et Nathan Secondi, 3ème et 4ème, se tiennent en 40 points seulement. Là aussi un duel risque de voir le jour. Qui sera le premier français U21 ? 

 

A quoi s’attendre ?

Entre ceux qui dominent avec pas mal d’avance et ceux qui se font dangereusement talonner ou dépasser juste avant les deux dernières manches, la fin de saison s’annonce vraiment palpitante et tumultueuse.

Alors que la fin de saison rime souvent avec usure et fatigue, il n’est jamais facile d’avoir à lutter psychologiquement pour faire sa place. Encore moins à cette période de l’année… Qui tiendra bon ? Qui saura se dépasser ? Qui s’imposera ?

Nous verrons bien mais pour l’heure rien n’est joué. Il n’y a plus qu’à attendre la manche d’Ainsa et la manche de Finale, dans la foulée, le tout fin septembre. D’ici là, stay connected ! 😉