On a pu le suivre tout au long du week-end, l’étape Enduro World Series 2017 de Madère a été riche en rebondissement. Au bout du suspens, Greg Callaghan signe la troisième victoire d’étape de sa jeune carrière. La première hors de ses terres de Wicklow.
L’euphorie de la course désormais retombée, il est temps de lire Entre les chiffres de cette nouvelle bataille à couteaux tirés. Notamment pour mieux saisir le déroulement des débats, et tenter de comprendre les éléments clés qui ont décidé du sort de chacun…
Qu’est-ce qui a pesé dans la balance ? Qu’est-il arrivé aux favoris ? Comment les meilleurs ont construit leur place finale ?! Réponse en mots et en couleurs pour compléter, une nouvelle fois, notre maîtrise de la discipline, et de son évolution…
Temps de lecture estimé : 8 minutes / Photos : Enduro World Series
Format de la course
Pour ce faire, coup d’oeil au format de la course. Les données clés qui permettent de bien saisir ce que le parcours, et le programme des deux jours – 4 spéciales de samedi, 5 le dimanche – offraient comme terrain de jeu aux prétendants…
L’épaisseur des traits, d’abords – qui s’appuie sur la distance des spéciales – est révélateur d’un fait important : cet Enduro World Series 2017 de Madère alterne spéciales courtes et longues. Point important tant on sait comme il est risqué de faire un écart dans les premières, tant il peut être bénéfique mais usant de le faire dans les secondes.
Des dimensions d’endurance et de résistance remarquables puisque 3 des 4 longues spéciales du week-end se situent tôt dans la course. D’entrée de jeu, le premier jour comme le second. Des spéciales que l’on coche forcément au programme puisque à elles seules, elles représentent tout de même 65% du cumul final…
Les pentes moyennes appuient ces propos d’autant que 2 des 3 spéciales les plus plates sont ces fameuses longues spéciales. À ce petit jeu, on note donc la première spéciale très longue et plate, pain noir pour certain, terrain de prédilection pour d’autres.
On note ensuite grâce à ces chiffres le profil presque idéal de la spéciale 3. Longueur, pente, durée, vitesse moyenne… Tout va de paire avec ce que l’on sait du terrain : un chemin ancestral où toute la culture de l’île et ce qu’elle a de plus exigeant défile sous les roues.
Évolution du classement
Pas étonnant donc de retrouver ces instants clés au moment de lire le déroulement de la course à travers l’évolution du classement :
On note bien l’impact de la première spéciale très physique et les noms des accoutumés du fait : Thomas Lapeyrie, Jared Graves et François Bailly-Maitre que l’on connait notamment pour leur qualités et/ou leurs origines dans ce domaine. Damien Oton, Mark Scott, Greg Callaghan, Nicolas Lau, Jesse Melamed et Jérôme Clementz marquent ici des points et démontrent leur forme du moment.
Mais c’est bien à l’issue de la spéciale 3 que la physionomie de la course change une première fois. Thomas Lapeyrie, Pierre-Charles George, Jérôme Clementz, Nicolas Lau et François Bailly-Maitre y payent un lourd tribu. Certains crèvent, d’autres subissent la dure loi du terrain.
Qu’importe, c’est l’instant choisi par les costauds et les favoris du week-end pour passer à l’offensive. Jesse Melamed, particulièrement technique, prend les commandes. Adrien Dailly, leader du général, lui emboîte le pas. Martin Maes y est de retour aux avant-postes. Théo Galy s’exprime sur un terrain qui l’inspire. Yoann Barelli aussi, débarrassé de ses déboires de début de saison. Richie Rude, tenant du titre, et Justin Leov, ancien leader du général en 2015 avant blessure, se montrent à la hauteur de leur palmarès.
Autant de courbes qui se hissent vers le haut et prennent le dessus au moment de cette fameuse spéciale 3. Seuls Damien Oton et Greg Callaghan, visiblement très en forme, gravitent continuellement sur les sommets du classement, toujours placés.
On retrouve l’impact de ces longues spéciales à nouveau dès le début du second jour. Nouvelle forte progression pour Martin Maes, Sam Hill, Damien Oton sur la spéciale 5. Celle aussi qui permet à Jared Graves et Jérôme Clementz de revenir dans le jeu après leurs crevaisons du premier jour. D’autres tentent aussi d’en profiter – Joseph Nation, Justin Leov, Matteo Raimondi – mais payent certainement leur débauche d’énergie par la suite.
Cette spéciale clé est aussi et surtout le début de l’écrémage aux avant-postes. Adrien Dailly chute et perd tout espoir de bien figurer. Robin Wallner dégringole également à cette occasion. Jesse Melamed en profite et continue de marcher sur l’eau…
Jusqu’à la spéciale 6, courte mais technique, qui accueille habituellement les championnats de Descente du secteur. Adrien Dailly y crève et abandonne tout espoir de remonter dans le top 10. Jesse Melamed y connait pire désillusion encore en passant plus de 30 minutes en spéciale pour solutionner les dégâts causés par sa crevaison.
Au bout de ce deuxième jour de course, les pilotes techniques et costauds dans la pente pointent le bout de leur nez et profitent de cette spéciale particulière pour porter l’estocade. S’il y avait une courte où poser une banderille, c’était celle-ci, à en croire Jared Graves, Sam Hill, Théo Gally, Lewis Buchanan et Yoann Barelli !
Évolution des écarts
L’aspect stratégique mis en évidence, l’évolution des écarts permet de donner du corps à ces propos, et relativiser certains aspects la course…
Cette fois-ci, la mésaventure de Jesse Melamed, dans la spéciale 7, démontre à quel point il dominait la course et marchait sur l’eau avant ses déboires. Il n’y a qu’à voir la grande tendance de toutes les autres courbes : définitivement plongeantes tant qu’il occupait la tête, soudainement revigorées pour réduire les écarts une fois le Canadien hors du coup.
Puis, spéciale 7 passée où tout le monde profite du fait de course, les spéciales 8 et 9 sont l’occasion de régler les derniers comptes en vue du classement final. C’est là, sur les ultimes portions d’énergie disponibles, que Martin Maes fait la différence sur Damien Oton pour la seconde place. Là aussi que Jared Graves prend le dessus sur Sam Hill. Et que Richie Rude passe d’un souffle devant Théo Galy et ses poursuivants directs.
Avant ça, juste avant ça, Greg Callaghan a pris les devant, et a fait un écart décisif pour s’extirper du chassé croisé qui l’oppose à Damien Oton depuis le début du week-end. Certains ont donc fini en trombe, mais c’est bien une estocade portée plus tôt dans la journée qui s’avère payante pour le vainqueur final.
Rythme en spéciale
On l’a dit et répété, le week-end Enduro World Series 2017 de Madère s’avère particulièrement riche en rebondissement. Le profil très particulier du rythme en spéciale en est la parfaite illustration…
En haut, proche du sommet, un amas de courbes qui se tiennent finalement dans un mouchoir de poche : les 25 meilleurs dans 5 à 6% du meilleur temps en spéciale, on obtient parfois les 10 à 15 premiers dans 10% du meilleur temps. C’est dire si les débats sont serrés…
Et se joue finalement en partie à l’usure, à l’élimination. Sur le terrain exigeant de Madère, le moindre écart se paie cash ! Les pointes acérées vers le bas sont autant de péripéties qui ont touchés ceux qui se sont fait sortir du combat direct pour la victoire…
Richie Rude, sur crevaison dès la SP2. Thomas Lapeyrie, Jérôme Clementz et Jared Graves sur la même avarie dans la spéciale 3. Adrien Dailly, sur chute dans la spéciale 5, crevaison dans la spéciale 6. Et, bien entendu, le plus cruel du week-end, les 30 minutes rédhibitoires passées par Jesse Melamed dans la spéciale 7.
Places en spéciales
En définitive, on pouvait s’en douter pour cette première compétition de deux jours de la saison, il fallait avant tout tenir la distance sans hécatombe, miser en partie sur la régularité pour bien figurer. C’est ce que le tableau des places en spéciale démontre en partie…
Greg Callaghan et Martin Maes, dont les cases sont sombres sur toute la largeur, expliquent ainsi que la régularité et la persévérance finissent par payer. C’est déjà moins le cas pour Damien Oton, en pleine progression actuellement, à qui il a manqué un peu pour être au top et contester la victoire jusqu’au bout.
Ensuite, la vision de lignes de plus en plus clairsemées, de manière uniforme et répartie, appuie le fait que plus la constance s’échappe, plus le résultat suit la même spirale. Aussi simple et logique que cru et évident sur cette Enduro World Series 2017 de Madère.
Conclusion
Marge d’erreur pour ceux qui ont connu des péripéties en début de course, défaite plus cruelle encore pour ceux qui tiennent les avant-postes depuis le début du week-end ou presque, la première étape Enduro World Series 2017 n’a pas manqué à la réputation de ces courses particulières sur deux jours de course.
Alors que tout s’enchaîne et que la dynamique, donc la victoire, se joue sur quelques détails lorsque la compétition se déroule sur une journée, il en est autrement ici. Des dimensions d’endurance, de résistance et de persévérance à une autre échelle viennent s’ajouter aux ingrédients avec lesquels composer pour performer…
Et briller ! On comprend mieux pourquoi, s’il fallait que certains favoris au titre se replacent dans la course, cette étape de Madère était bien le moment au jamais d’y procéder. C’est ce que l’on appelle l’expérience, la vraie. Cette fois-ci, elle a parlé !
Une idée d’autant plus gratifiante pour Greg Callaghan, vainqueur du week-end. De par ses prestations, l’Irlandais commençait sérieusement à faire partie des leaders du circuit, au point que l’on aille au delà de son statut de vainqueur à domicile.
Avec cette victoire, il démontre avec la manière qu’il fait bien partie des prétendants au titre. Un succès qui ne pouvait pas mieux, ou pas pire tomber, c’est selon. Dans moins de quinze jours, il remet son titre de double vainqueur de l’étape de Wicklow, la sienne, en arrivant sur place en tant que leader provisoire du général !
Quid de la pression, ou de la confiance supplémentaire, que ce succès peut lui conférer ? Réponse sous peu ! On suivra ça avec attention 😉