La transmission… Foutue transmission ! De tous les systèmes que nos montures embarquent, ne s’agit-il pas du plus rétrograde, conservateur et exposé ? Son composant emblématique, le dérailleur, est d’ailleurs régulièrement l’objet d’attaques, soient-elles, finalement, justifiées ou non.
Certes, ces dernières années, Sram a bien osé remettre en question tout un tas de principes établis, de longue date. Certaines manières de faire usage d’un tel système ont été revues. Certains aspects en ont été ajustés : nombre de vitesses, rapports utiles, utilité du dérailleur avant, profil des dents…
Des changements reposant et influant sur certains principes techniques inhérents à la transmission. Il n’empêche qu’il y en a un qui n’a pas bougé jusqu’alors, et auquel le système HXR Easy Shift, ose s’attaquer…
La remise en question
La roue libre ! Depuis son invention qui marque l’entrée du vélo dans l’ère moderne de la période industrielle, ce composant essentiel n’est autre que celui qui permet d’arrêter de pédaler, sans pour autant devoir arrêter de rouler.
Sa position, au moyeu arrière, fait partie d’un ordre établi. C’est usuellement entre la cassette et le corps du moyeu que la roue libre s’intercale pour interrompre, temporairement, la transmission du couple et du mouvement.
Bien… Mais est-ce potentiellement le seul endroit où l’on puisse installer un tel dispositif pour qu’il remplisse sa fonction première ?! C’est sur cette remise en question que se fonde le principe du système HXR Easy Shift. En l’occurence, la réponse laisse entrevoir une autre perspective…
Le parti pris
Mécaniquement, il existe un autre positionnement qui permette à la transmission de profiter de l’intérêt d’une roue libre : au pédalier, en jouant sur la liaison entre axe et plateau.
C’est précisément sur ce parti pris que le HXR Easy Shift repose. Non pas qu’au moyeu arrière, la roue libre ait des faiblesses particulières, mais bien qu’au pédalier, elle engendre un fonctionnement et des possibilités nouvelles.
Sur une transmission « classique », la chaîne est en effet animée par le mouvement de pédalage. En clair, il faut pédaler pour que la chaîne tourne… Et que l’on puisse la faire dérailler d’un pignon à l’autre, pour passer les vitesses.
Avec la roue libre au pédalier, le système HXR Easy Shift permet à la chaîne de tourner, sur l’élan, même sans pédaler. Dès que le vélo est en mouvement, et que la roue arrière tourne, la chaîne aussi.
Conséquence évidente, le HXR Easy Shift permet de changer de vitesse sans pédaler, pour peu que la roue arrière tourne. Une capacité que l’on ne connaissait jusqu’alors qu’à certains systèmes atypiques, tels que les iconiques moyeux Rohloff…
La mise en oeuvre
[cbtabs][cbtab title= »Prix »]449€ (kit n°1 = pédalier + Clear Protect ) / 589€ ( kit n°2 = kit n°1 + Vis + Plateau + Anti-déraillement) / 995€ (kit n°3 = Kit n°2 + Moyeux avant & arrière) [/cbtab][cbtab title= »Poids »]774g (pédalier + roue libre)[/cbtab][cbtab title= »Fiche produit »]http://hxr-components.com/nos-produits/461-pedalier-hxr-components-easy-shift-.html[/cbtab][/cbtabs]
Pour que la roue arrière, en mouvement, entraîne la chaîne, encore faut-il régler un détail : l’absolue nécessité que la cassette soit fixe. Entièrement solidaire du moyeu. C’est par là que débute la présentation, en détail, du Kit HXR Easy Shift qu’il nous a été donné d’essayer…
Le blocage de la roue libre reste une opération « sous-marine. » Les marques de roues et moyeux restent discrets à ce sujet, pour l’heure. Notamment en matière de garantie, sujet toujours sensible. Certaines infos circulent et remontent, en attendant qu’elles portent ou non leurs fruits au sein de communications officielles.
En attendant, l’autre coeur du dispositif se trouve au pédalier, là où la roue libre se loge…
À propos du montage : même avec un plateau au profil narrow/wide, HXR préconise l’usage d’un anti-déraillement. Pour deux raisons. La première, la présence d’un guide haut, qui assure que, quoi qu’il arrive, la chaîne engrène au plateau. La seconde, pour la présence d’un sabot de protection qui évite, en cas de choc du plateau avec un obstacle, d’endommager la roue libre. HXR exige d’ailleurs l’usage d’un sabot pour que la garantie soit applicable en cas de défaillance…
Premier contact, en liaison…
Pour un testeur, essayer un concept novateur ou qui, du moins, remette en cause bien des habitudes, est une aubaine. Une précieuse opportunité de bousculer l’ordre établi et être à l’écoute de nouveaux ressentis. Une occasion d’avoir une perspective nouvelle sur une pratique que l’on cherche sans cesse à analyser, comprendre, traduire…
Autant dire qu’à l’essai du HXR Easy Shift, je suis particulièrement attentif. Parti à la pédale pour une virée Enduro connue et reconnue, les premiers ressentis ne se font pas prier. La première liaison offre un répit de courte durée : après le sommet d’une bosse, une centaine de mètre à la descente, avant de reprendre l’ascension.
Avec une transmission classique, j’ai tendance à rester en haut de cassette : terminer la première ascension, laisser la gravité faire son oeuvre, attendre que l’élan s’estompe au pied de la montée suivante, et reprendre l’ascension sur le même rapport, au train. D’autant que parfois, avec la fatigue, je n’ai pas envie de pédaler dans le vide pour tomber quelques rapports.
Avec le HXR Easy Shift, je suis curieux d’exploiter, sans plus attendre, l’avantage du système. Je me prête donc au jeu de tomber les rapports sans pédaler. Mes jambes restent immobiles, en phase de récupération. Je sauve quelques fractions d’énergie. Pourtant, je descends tranquillement quelques vitesses.
Au moment de reprendre le pédalage, j’ai un rapport plus important à disposition. Il me permet d’entretenir l’élan. Je consacre le peu d’énergie sauvée au changement de rapport, pour conserver l’élan. J’accompagne la décélération en remontant, progressivement les rapports…
Ça n’a l’air de rien. Après coup, je me dis même que je devrais faire cet effort avec une transmission classique. Mais finalement, c’est déjà là un premier enseignement que cet essai du HXR Easy Shift m’apporte. Mine de rien, c’est surtout un instant référence…
Quelques mauvaises idées reçues
J’en tire effectivement quelques constats basiques, mais essentiels. C’est d’abord à la descente que l’intérêt du changement de vitesse sans pédaler se présente. Lorsque le vélo est lancé, et que l’élan évite de pédaler.
Et dans cette circonstance, première question, première réponse… Les galets du dérailleur, la cassette, la chaîne et le plateau sont entraînés en permanence. On pourrait penser que cet ensemble de masses à mouvoir puisse créer une inertie sensible, comme un frein. Il n’en est rien.
Je m’interroge ensuite à nouveau… Lorsque l’on pédale, le plateau entraîne la chaîne. Il tend le brin supérieur. Lorsque l’on arrête de pédaler, c’est la cassette qui entraîné la chaîne. Le brin supérieur devient « mou », le brin inférieur devient tendu. Que se passe-t-il à ce moment précis ?
À vrai dire : rien d’anormal ! la roue libre est très réactive. Notre modèle d’essai, qui a déjà roulé, tourne très librement. les deux brins de chaîne restent tendus. Même sur terrain défoncé, ils ne viennent pas heurter bases et haubans plus qu’à l’accoutumée.
Au coeur du sujet
Passées ces quelques vérifications de base, je poursuis donc l’essai au coeur du sujet : à la descente, en spéciale ! Mon attention porte plus particulièrement dans les transitions : entre deux enchaînements techniques. Au terme d’une section rapide juste avant un freinage…
Dans ces deux cas, il faut remonter les rapports pour anticiper la possible décélération et pouvoir, à nouveau, relancer sur le bon braquet. Une nouvelle fois, plutôt que de tourner à vide, les jambes restent immobiles.
À première vue, l’économie d’énergie ne parait pas. À la longue, elle est manifeste. Pour ma part, je le constate après dix minutes, sur un run connu qui en fait vingt.
Au freinage par exemple. Plus besoin de tourner les jambes pour remonter les rapports. Je clique au shifter, je garde les manivelles à l’horizontale, je casse les chevilles pour passer les talons sous l’axe de la pédale. Le grip et la stabilité, synonymes d’un bon freinage, n’en sont qu’améliorés…
Je connais le run par coeur. J’y ai mes petites habitudes. À certains endroits notamment, où être le plus ramassé sur le vélo permet de gagner en stabilité. Habituellement, manivelles en rotation, les pieds sont alternativement en appui sur la partie basse du coup de pédale. Immobiles, manivelles à l’horizontale, mes appuis semblent globalement plus hauts. Comme si, à cet endroit précis, le boitier me paraissait plus haut que d’habitude.
Pour avoir à nouveau la sensation d’être assis au coeur du vélo, sur l’arrière du vélo, au freinage, je m’assois davantage sur mes jambes. Une nouvelle fois, mine de rien, l’usage du HXR Easy Shift m’apporte autant d’avantage, que d’ajustements nouveaux sur ma pratique habituelle…
L’avantage bonus
Je ne m’y attendais pas, mais en la matière, l’usage du HXR Easy Shift va même plus loin. Je m’explique…
Tout bon pilote doit savoir qu’en courbe, il faut placer le pied extérieur en bas. On appui dessus pour générer l’adhérence. Lorsque deux courbes de sens opposés se suivent, il faut donc changer de pied. Parfois effectuer un demi-tour de pédalier en un laps de temps très court.
Sur une transmission classique, ce demi-tour entraîne nécessairement la chaîne. S’il est effectué vers l’arrière, le brin mou de la chaîne – celui du bas – devient celui qui engrène au plateau. Ce même brin mou qui se balade au grès des secousses. le risque qu’il passe à côté du plateau, et finisse par causer un déraillement, est grand.
On aurait donc tendance à dire que, traditionnellement, entre deux virages, il faut prendre l’habitude de changer de pied en pédalant vers l’avant.
Avec le HXR Easy Shift, inutile ! Quoi qu’il arrive, la chaîne est entraînée vers l’avant. Pédaler en arrière ne fait rien de plus ! La roue libre tourne un peu plus vite, l’espace d’un instant, voilà tout. Un avantage au système qui n’a rien à voir avec les changements de rapport qu’on lui prête, mais qui vaut tout de même son pesant d’or..!
Un certain rapport à la vitesse
Fraîcheur, liberté de mouvement en courbe… Peu à peu, j’en viens à considérer le système et modifier mon usage de la transmission pour en tirer parti. Plus précisément, je dissocie l’acte de pédalage du changement de rapport.
Je ne cherche plus à identifier à quel instant le chemin m’offrira le répit ou la configuration nécessaire pour pédaler. D’une part, je pédale lorsque ma progression le permet ou le demande. D’autre part, je change les rapports… En fonction de la vitesse !
Ou plutôt, en fonction du son émis par la roue libre. Elle me parait bruyante. D’une part parce qu’elle émet effectivement plus de bruit que ma roue libre habituelle. D’autre part parce qu’elle est désormais placée au pédalier, sous mes oreilles. Non plus dans mon dos, à la roue arrière.
En l’occurence, il s’agit d’un avantage. Dans une voiture, qui regarde vraiment le compte tour pour changer de rapport ? Le son du moteur est la première information sur laquelle nous basons notre conduite. Même logique avec le HXR Easy Shift. Le son de la roue libre, de plus en plus aigu permet, à la longue, de juger le bon moment pour changer de braquet.
C’est d’ailleurs la solution pour savoir quand et comment changer. Traditionnellement, nous sommes habitués à pédaler pour passer les vitesses. Et même inconsciemment, ce pédalage à vide nous permet de jauger si le rapport passé est le bon. Là, sans pédaler, il faut une certaine connaissance de sa transmission pour reprendre juste : ni dans le mou, ni dans le dur.
À force, comme en voiture, on développe une certaine sensibilité à l’accélération/décélération d’une part, et au son d’autre part.
Boite séquentielle ?!
C’est d’ailleurs là toute la subtilité du système. Pour tirer pleinement parti de l’Easy Shift, il faut raisonner en terme de vitesse. Même sans pédaler, lorsque j’accélère parce que la gravité m’entraîne, j’en viens à descendre les rapports, au fur et à mesure que la vitesse augmente. Pareil au moment de ralentir, que ce soit à cause du terrain ou du freinage.
Dans tous les cas, j’en viens à changer de rapport comme une boite semi-automatique le fait sur une voiture : en fonction de la vitesse, et de l’accélération souhaitée. Finalement, pédaler pour changer de vitesse sur une transmission classique, c’est un peu comme débrayer pour changer de vitesse sur une transmission manuelle..!
D’ailleurs, j’en viens presque à imaginer le mariage d’un tel système à un fonctionnement de type Shimano Di2. Supposons l’espace d’un instant que l’électronique puisse recevoir l’information de vitesse et de rotation de la roue arrière. Qu’est-ce qui pourrait alors empêcher un tel système de changer de rapport de manière autonome ? La transmission automatique à VTT ?!
En attendant, le HXR Easy Shift revient un peu à se passer de la pédale d’embrayage. Comme une boite séquentielle, à faire craquer quand bon nous semble ! Ou presque…
Les limites du HXR Easy Shift
Le système a pourtant bien des limites. Du moins, des exigences. En pédalant à vide pour changer les vitesses, nous percevons l’instant après lequel le rapport est passé. Où la chaîne est en ligne. Où l’on peut envoyer la purée. L’Easy Shift, et la tentation de ne pas pédaler pour changer de rapport, peut priver de cette information.
En courbe notamment. Curieux, je tente d’y changer de braquet. Un peu à l’image de ce qui peut nous arriver en roulant fort, à vue : la surprise de derrière les fagots ! Celle que l’on a pas vu venir… Tant pis, je clique au shifter, on verra bien !
Au moment de relancer, je ne sais finalement pas si le rapport est passé. Ma câblerie est un peu fatiguée, mon dérailleur aussi. Le braquet met un peut de temps à passer, mais rien ne me transmet l’information. Outch ! je fais craquer la chaîne…
Ah oui ! il est bien un point important pour lequel l’Easy Shift ne tolère aucun défaut : l’état et le réglage de la transmission !
On connait tous le cas de figure où, un peu fatiguée, la transmission gratte un peu au changement de vitesse. Le cas de la patte de dérailleur faussée que l’on compense, par une légère pression du shifter au pédalage, pour éviter que la chaîne ne saute. Dans pareil situation, ce n’est pas qu’au pédalage qu’il faut compenser. Impossible de rentrer silencieusement en maximisant les temps de roue libre.
Même exigence, voir au delà, au niveau de la butée basse du dérailleur. Avec une roue libre classique, il arrive parfois de coincer la chaîne entre le petit pignon et le cadre. Au pire, on rentre en roue libre…
Là, ce n’est pas la même histoire… Si la chaîne vient à s’y glisser, trois cas de figure possibles : la chaîne est broyée, la roue arrière se bloque ou le cadre est endommagé. Dans les trois cas, il vaut mieux prendre l’habitude de bien vérifier ses butées avant de partir..!
Enfin, si les deux cas de figures précédents s’avèrent être des exigences, il est bien un cas de figure où le HXR Easy Shift se heurte à une limite. Dans les herbes hautes, ou à travers une bassine de feuilles mortes. Qui n’a jamais rencontré le cas de figure, au fur et à mesure de ses pérégrinations ?
Cette situation précise où tout collègue de sortie averti conseillera de « passez sur l’élan ! Ne pédalez surtout pas ! » au risque de bourrer les galets du dérailleur d’herbes ou de feuilles, et de s’offrir une séance de débourrage gratuite… Il m’a suffit d’emprunter 100m d’un sentier peu fréquenté, gagné par les herbes hautes de ce début d’été, pour constater que les galets du dérailleur avaient fait leur récolte…
Facile, facile ?
Attention donc à ne pas tomber dans la « facilité. » Le nom du système en serait presque piégeur. Dans HXR Easy Shift, il y a « easy » = facile. Le HXR Easy Shift a beau offrir certaines nouvelles opportunités, il ne doit pas pour autant pousser au n’importe quoi. Ce n’est d’ailleurs pas parce que l’on peut passer les rapports n’importe quand, que tout instant est opportun.
C’est peut-être une évidence pour certains, une limite pour d’autres. toujours est-il que le système a pour lui l’avantage de faire bouger les lignes, même s’il ne fait pas tomber toutes les barrières. Des lignes qui peuvent avoir un intérêt à tous les étages, quelque soit le niveau de pratique, pour peut que l’on ne soit pas plus gourmand que raisonnable.
Des lignes qui peuvent aussi avoir un intérêt pour rendre la pratique accessible au plus grand nombre. En tant que moniteur, j’encadre parfois des publics débutants et loisirs qui n’ont pas l’ambition de devenir des pilotes aguerris. Leur faire accepter et intégrer qu’il faut pédaler pour changer de vitesse n’est pas toujours une évidence. le HXR Easy Shift ne permet pas de passer les vitesses à l’arrêt, mais il permet au moins de profiter d’un mince élan pour faire affaire.
Dans tous les cas, le principe a le mérite d’exister. D’autant plus sur un marché de la transmission où deux mastodontes s’affrontent. Un mérite d’autant plus louable que, dans sa présentation, le système Easy Shift est abouti. Il ne s’agit pas là d’une bricole artisanale. Bien d’un produit alternatif et cohérent. Après tout, certains mettraient bien 450€ dans une pièce d’orfèvrerie en matériaux nobles pour sauver quelques précieux grammes.
Pourquoi ne pas les mettre dans un système qui, en terme de fonctionnement, apporte une toute autre plu-value ?!