Si l’on résume à l’extrême les propos détaillés dans sa présentation, le Giant Reign 2018 est plus long, et doit être plus rapide que la précédente génération du modèle phare du segment enduro de la marque américano-taïwanaise.
Qu’en est-il sur le terrain ? Quelles sont les premières impressions à son guidon ? Quels usages inspirent-elles ? Début de réponse à travers cette prise en main de haut vol réalisée à l’occasion du lancement du vélo, et sur invitation…
Temps de lecture estimé : 6 minutes – Photos : Giant / Sterling Lorence
De haut vol…
Tâche à laquelle on s’est attelé, deux jours durant, sur les pentes de Santa Caterina Valfurva (ITA) : dans l’ambiance du Parc National du Stelvio, à mi-chemin entre Livigno et Val di Sole, et dans la roue de Josh Carlson, pilote Enduro World Series du Giant Offroad Factory Racing Team.
L’occasion de mettre à profit un ensemble de trails résolument alpins, où gros blocs et sentiers d’alpages, mais aussi épingles et sections boisées dans la pente se succèdent sans grand répit. Héritage de la contrebande et des affrontements de la première guerre mondiale. Un terrain de jeu non sans rappeler La Thuile (ITA), haut lieu des joutes Enduro World Series l’an passé, et encore SuperEnduro cette année.
… et de bon rang !
Dans ce contexte, les capacités des suspensions sont forcément scrutées. Et d’emblée, le Giant Reign 2018 tient son rang. Dans sa manière de lire le terrain et de s’en affranchir, je ne peux m’empêcher de faire le parallèle avec le Orbea Rallon R5 découvert il y a peu.
Sensibilité, réactivité… Les phases de compression et de détente se montrent redoutables d’efficacité pour affranchir le pilote d’un bon nombre des aspérités du terrain. Le terme suspendu est particulièrement à propos. Il suffit de laisser faire le vélo pour soi.
Des progrès en suspension que je louais il y a peu pour les 29 pouces nécessitant de plaquer les roues au sol, mais qui profitent ici aussi à un 27,5 pouces qui doit, lui, s’affranchir d’autant plus des obstacles sur lesquels ses petites roues buttent davantage. Statu quo ?!
Hautes sphères…
Aussi singulier que cela puisse paraître, c’est au pédalage que ces capacités commencent par se faire sentir. Dans la manière de ne pas s’arrêter à chaque obstacle, le rendu est assez similaire aux grandes roues. L’intérêt du Giant Reign réside aussi dans la bonne liberté de coup de pédale qu’apporte le peu de kick-back.
Seule l’inertie des grandes roues, pour profiter d’un moment de répit ou jouer de l’élan, peut manquer. À première vue, le Giant Reign a une meilleure assiette que le Rocky Mountain Slayer sur terrain chaotique. Il avale mieux que les Santa Cruz Nomad et Transition Patrol qui figent plus sous la tension de la chaîne.
Le Giant Reign 2018 dénote quelque peu avec la réputation de son prédécesseur, pas toujours des plus valorisé lorsqu’il s’agit de pédaler. Une bonne chose d’autant que je parle bien ici de prestations avec amortisseur à ressort, débloqué. Dans le fond, il me fait penser au Mondraker Dune et au Commençal Meta V4.2 roulé de cela il y a quelques temps déjà…
Manque pas de ressort…
Le Giant Reign utilisé ici ne manque donc pas de tirer parti de la très bonne sensibilité du RockShox Super Deluxe à « ressort ». Il se permet surtout d’aller au delà. Habituellement, ces ressorts m’offrent de la fermeté très tôt dans le débattement, au point de ne pas avoir la sensation de disposer de réserve.
Pourtant, pour la première fois, je reconnais ne pas ressentir cette impression. Et en y réfléchissant bien, ça parait même logique que cette sensation intervienne à l’usage du Maestro, réputé pour donner le sentiment d’offrir plus de débattement que les systèmes à course équivalente.
Avec d’un ressort hélicoïdal, le Giant Reign 2018 semble donc offrir autant de réserve que certains concurrents équipé d’air. Et puisqu’il pédale bien dans cette configuration, je ne vois plus vraiment de raison de s’en passer.
Il faudrait essayer l’air pour s’en assurer, opportunité absente de cette présentation, mais je comprends le sentiment de ceux qui sont à l’origine du vélo. Dans l’équipe Giant, du chef produit aux pilotes, tout le monde a adopté le ressort hélicoïdal, et n’a aucune envie de faire marche arrière…
Effet secondaire intéressant…
Effet secondaire intéressant, ces nouvelles dispositions du Giant Reign 2018 me permettent d’utiliser un tarage de ressort plus faible pour obtenir les 30% de SAG habituels : 350lbs sur le Giant Reign, contre 400lbs sur les Santa Cruz Nomad et Orbea Rallon R5, 500lb sur le Canyon Spectral. L’impact doit être le même sur les pressions d’un amortisseur à air. On en connait les bienfaits…
Sur ce réglage, la course qui suit les 30% de SAG reste souple. Aucune difficulté donc à s’inscrire dans le vélo, plutôt qu’au dessus. Un atout dans la pente, et dans les longues courbes, où il vaut mieux pousser le vélo vers l’avant que peser simplement dessus : plus de dynamique, plus de sensations aussi.
D’autant que le bon maintien qu’offre l’hydraulique de l’amortisseur permet de se jouer de l’assise et des appuis sur les jambes. Ce qu’il faut pour réagir promptement face à l’imprévu. Notamment celui que la vitesse du vélo génère assez naturellement.
Nouvelle dimension ?!
Tout semble donc évoluer de concert, et dans le bon sens. Même constat avec la géométrie du Giant Reign, plus longue que la précédente version. Je n’ai pas le sentiment d’un vélo trop grand. Juste bien proportionné pour la vitesse naturelle dont il dispose.
Peut-être est-ce aussi parce que le Giant Reign 2018, taille L, partage certaines côtes avec le Orbea Rallon R5, taille XL, sur lesquels j’ai roulé les trois semaines précédentes cette prise en main : empattement, hauteur de boitier, reach (potence incluse)…
Qu’importe, le parallèle est intéressant. Après tout, s’il partage les mêmes côtes, et ne parait pas plus grand, c’est bien qu’il doit être aussi rapide ?! C’est en tout cas le sentiment que j’ai, tant je laisse travailler le vélo pour me concentrer sur l’instant où ce sont mes propres limites qui sont atteintes…
Petits secrets…
Reste une question évidente que soulève cette tendance aux vélos toujours plus longs : qu’en est-il au moment de tourner ?! Un régal tant que les courbes sont longues et rapides, quelle que soit la pente. Toujours intéressant lorsqu’elles se referment un peu, à plat, jusqu’à 90°. Dans ce domaine, il semble jusqu’ici faire jeu égal avec le Cannondale Jekyll et le Commençal Meta V4.2.
27,5 pouces rules baby ! Il faut mettre de l’angle, se poser sur les crampons latéraux et faire parler la charge sur le pied extérieur et sur le cintre. Quand les courbes seresserrent encore, jusqu’en épingles, le Giant Reign 2018 se rapproche par contre du Mondraker Dune : Nose turn en entrée ou wheeling en sortie, l’exigence étant de prendre l’initiative au bon moment.
Finalement, c’est dans la pente, lorsqu’il faut tourner à l’équerre pour taper un appui étroit, que je n’en mène pas large. Élargir au maximum, même si c’est pour gagner 5cm, en vaut la peine sans quoi, temps mort assuré.
Qu’en penser ?!
Capacité des suspensions, vitesse naturelle, prestation au pédalage, géométrie qui suit… Sur le papier, comme dans les faits, le Giant Reign semble profiter des certaines avancées concurrentes pour relancer les roues de 27,5 pouces dans la bataille.
De quoi mener front au côté des Commençal Meta V4.2, Cannondale Jekyll, Transition Patrol, Santa Cruz Nomad, Rocky Mountain Slayer et Mondraker Dune pour défendre une conception de l’Enduro en roues de 27,5 pouces… Un signe intéressant pour ceux qui craindraient que ce format disparaisse sous peu.
Le Giant Reign 2018 ne creuse pas un monde d’écart vis-à-vis de sa précédente version, mais ne manque pourtant pas d’intérêt. Il réussit un tour de force toujours élégant : faire évoluer ses prestations sans compromettre les principales qualités qu’on lui connaissait jusqu’alors. À considérer…