Que devient la gamme All Mountain & Enduro Cannondale ?! La question occupait encore récemment les commentaires Endurotribe. On connait désormais la réponse : les Cannondale Jekyll & Trigger rempilent !
Certaines évolutions ont déjà été entraperçues sur les montures des pilotes de la marque. D’autres étaient bien gardées. Toutes méritent quelques précisions : en quoi consistent-elles ?!
Cap sur Finale Ligure, en ce début de printemps 2017, pour en savoir plus au contact des chefs produits et ingénieurs de la marque. Éléments de réponse et compte rendu des premiers roulages au menu…
Temps de lecture estimé : 9 minutes / Photos : Ale Di Lulo /Cannondale
Ces derniers temps…
Le Cannondale Jekyll premier du nom est apparu en 2000. La dernière version était sur le marché depuis 2011. Deux ans plus tard, le Cannondale Trigger apparaissait à son tour, en 29 pouces. Une monture destinée à épauler le Cannondale Jekyll sur une pratique All Mountain, aussi fun mais plus sage.
Depuis, les deux ont toujours partagé l’usage d’un amortisseur DYAD, tiré et non poussé. Un dispositif contenant non pas un, mais deux amortisseurs, avec leurs propres débattements et réglages de SAG/détente.
« Le détail n’avait échappé à personne, et pourtant..! »
Dans tous les cas, des modèles qui commençaient à dater. Sept ans pour l’un. Presque une exception dans notre milieu trop habitué au renouvellement perpétuel. Pourtant, depuis le printemps 2016, Jérôme Clementz participe aux Enduro World Series sur une monture abandonnant ce fameux principe.
Il n’en fallait pas plus pour attiser certaines attentes, et avoir un impact sur l’accueil de cette nouvelle version du Cannondale Jekyll. Lignes et changements à priori connues de longue date, on a donc abordé cette présentation dans l’expectative : quelles sont les réelles évolutions ?!
L’évidence…
Les Cannondale Jekyll & Trigger utilisent désormais bien, tous les deux, un amortisseur poussé…
Qu’apporte cette configuration ? C’est Jeremiah Boobar, l’ingénieur suspension Cannondale (un ex-RockShox), qui nous en dit plus. Il rapporte avoir ainsi pu travailler sur la répartition linéarité/progressivité de la suspension…
Bien dans la tendance du moment, les amortisseurs des Cannondale Jekyll & Trigger comptent donc sur la présence de réducteurs de volume pour ajuster la progressivité de la suspension…
Gemini
Surfant sur cette vague, Cannondale va plus loin, et en profite pour mettre à jour ses propres principes. Notamment le concept 2 en 1 des amortisseurs DYAD…
Cette idée très simple implique qu’en fonction de la commande, le volume d’air compressé diffère. Donc, que la progressivité ne soit pas la même. (cf. publication Didactiques Endurotribe « linéarité vs progressivité) Cette simple astuce permet de jouer sur différents aspects du comportement…
Dans le cas du volume le plus faible, l’intensité du choc nécessaire à prendre tout le débattement est énorme. Usuellement, le débattement disponible est donc réduit. La raideur initiale est par contre toujours faible et la suspension garde toutes ses caractéristiques en début de course.
Voilà comment, sans inventer quoi que ce soit de très spécifique, mettre à profit des éléments devenus courants – corps additionnel, came de commande. Le principe des deux débattements cher à Cannondale demeure. À l’arrière, le Cannondale Jekyll dispose de 165 à 130mm de débattement, le Cannondale Trigger de 145mm à 115mm.
Long devant, court derrière…
Les nouveaux Cannondales Jekyll & Trigger marquent aussi une évolution en matière de géométrie. Une idée clé : plus long devant, plus court derrière. Sur le papier, les chiffres sont effectivement parlant dans la manière de concevoir ces nouvelles géométries…
L’empattement du Cannondale Jekyll reste globalement le même – à 5mm près. Mais l’empattement avant – distance boitier <> axe de roue avant – gagne 25mm, les bases perdent 20mm. À l’évidence, l’intention est belle et bien de créer une nouvelle répartition des masses et des appuis du pilote, sur le vélo.
À l’avant, reach et stack évoluent de concert pour y parvenir, 10 et 15mm respectivement. L’angle de direction plus couché, à 65°, participe également. Objectif avoué : rendre le vélo plus sécurisant face aux ruptures de pente, lorsqu’il faut plonger dans le raide et faire face à ce qui suit.
Une quête et donc des tendances partagées par les deux montures présentées ici. Le Cannondale Trigger, disposant tout juste d’un degré d’angle de chasse en plus, et d’un centimètre de reach en moins…
Une autre manière de voir le boost
Bases plus courtes et poids déporté à leur aplomb… Des éléments qui ont forcément un impact sur le train arrière. Plus robuste, plus rigide, plus précis : les besoins sont nombreux pour espérer que cette géométrie puisse être pleinement exploitée.
Cannondale joue sa propre mise à profit du Boost. Comme le stipule ce standard, le moyeu mesure 148mm de largeur. Soit 6mm de plus que l’ancien. L’évidence pousse la plupart des fabricants à répartir cet excédent de manière symétrique : 3mm de chaque côtés. Cannondale la joue différemment…
Cette méthode a plusieurs conséquences heureuses…
Cette particularité signifie par contre que d’origine, une roue arrière du commerce n’est pas directement compatible avec les Cannondale Jekyll & Trigger. Il faut la décentrer pour qu’elle le devienne.
Les ingénieurs Cannondale indiquent qu’en moyenne, l’opération consiste à 2 tours de clé à rayon sur l’ensemble des roues essayées en cours de développement. Une valeur qu’une bonne partie des produits du marché doit pouvoir accepter.
Jekyll & Mr Hyde ?!
Les Cannondale Jekyll & Trigger partagent donc des similitudes : cinématique, amortisseur, double débattement arrière, géométrie, asymétrie… Sans parler des montages où certains choix communs – amortisseurs à bonbonne ou non, plateaux de 30 dents partout – peuvent semer le doute parmi les adeptes de l’analyse des fiches produits.
Gamme Cannondale Jekyll 2018
Gamme Cannondale Trigger 2018
Une similitude qui trahit une tendance qui peut nous plaire : Cannondale considère la pratique All Mountain comme quelque chose de fun, aux valeurs proches de l’Enduro. Le Cannondale Trigger s’inscrit clairement dans cette idée.
Pour le reste, c’est bien sur le terrain que les meilleurs repères existent pour différencier les deux montures.
Cannondale Jekyll, premiers repères…
À l’assaut des trails de Finale Ligure pour cette prise en main, les premières impressions ne se font pas attendre.
Les choix en matière de géométrie ont bien un impact sur le positionnement du pilote. Debout sur les pédales prêt à piloter, les côtes ont tendance à placer le bonhomme de lui-même. Bassin et jambes naturellement à l’aplomb du boitier.
L’angle de direction me donne le sentiment de devoir rester dans cette zone pour en tirer pleinement parti : buste relevé et regard au loin ! ce qu’il faut pour charger dans l’axe de la fourche au moment où l’appui se présente, et taper dedans !
En un sens, la position me rappelle celle engendrée par la Forward Geometry Mondraker, avec un côté moins exclusif. Ici, la position ne nécessite pas de prendre l’initiative d’engager les épaules au dessus du cintre pour jouer du terrain et générer la vitesse.
Les transferts de masses restent donc raisonnables. Ce qui explique, avec les bases courtes, l’agilité avec laquelle la roue avant se lève. Pour initier un bunny-up notamment. Le coup de rein suffit pour faire l’essentiel quand d’autres demandent un mouvement plus ample et/ou coordonné.
Quand les résultats convergent…
Le Cannondale Jekyll semble aussi devoir beaucoup au comportement de ses suspensions. Normal lorsque l’on dispose d’autant de débattement (165mm arrière – 170mm avant) et d’une géométrie au reach important.
Le moindre mouvement d’assiette est scruté. Les suspensions doivent y répondre. Sur le terrain deux jours durant, j’ai beau jouer des réglages, une constante persiste : la sensation de maintien, d’amortissement et de fermeté. Plus très loin de suspensions parées pour la compétition.
Jeremiah Boobar confie avoir mené des essais suspensions de manière totalement indépendantes et cloisonnées entre compétiteur et pilotes plus raisonnables. À sa grande surprise, les deux plébiscitant les mêmes réglages. Ceci explique cela…
Dans tous les cas, l’idée de la géométrie fonctionne et le comportement des suspensions suit : bien planqué derrière le cintre au moment de basculer dans la pente, il ne peut rien arriver…
Effet Gemini ?!
Quelques tours de roue sur le Cannondale Trigger me conforte dans cette impression. On y retrouve une partie de l’intention de la géométrie, et le bon maintien des suspensions. Mais les premiers gros obstacles rappellent que le vélo a effectivement moins de débattement.
D’ailleurs, les capacités respectives en la matière différencient véritablement les deux vélos. Surtout lorsque l’on utilise le Gemini. Dans tous les cas, on sent clairement que les vélos ne perdent pas en sensibilité. Le grip à la roue arrière garde le vélo entièrement exploitable.
Mieux, l’assiette du vélo est aussi bien conservée. Il semble que la progressivité entre en jeu suffisamment tard après le SAG pour garder un bon équilibre. Débattement réduit, la fourche ne plonge pas sur les réglages préconisés utilisés lors de cette présentation ! Alors que c’est le cas lorsque l’on bloque l’amortisseur avec le levier de compression.
Jekyll vs Trigger : quelles différences ?!
Avec le Cannondale Jekyll, réduire le débattement peut avoir un apport indéniable en spéciale : dès que les mouvements de terrain font de la trace une pump-track géante. Ceux qui connaissent Roller Coaster à Finale, savent de quoi on parle. À pousser des jambes, le vélo a du peps et prend une vitesse phénoménal. Presque trop. Temps d’adaptation nécessaire.
Sur le Cannondale Trigger, l’apport est un peu différent. En débattement réduit, le vélo a le dynamisme et le maintien d’assise d’un vélo de XC confortable. Il pousse donc à attaquer toutes ces sections sinueuses, parfois chaotiques ou trialisante au pédalage, avec un certain enthousiasme.
« large spectre sur une idée clé : le VTT, c’est fait pour s’amuser ! »
À débattement complet, ses capacités d’encaissement ne sont plus très loin de celle du Cannondale Jekyll, à petit débattement… Telle est la répartition logique entre les deux montures, couvrant un large spectre sur une idée clé : le VTT, c’est fait pour piloter et s’amuser !
Le Cannondale Jekyll est effectivement « stage ready », dans le bon moule pour satisfaire les enduristes compétiteurs et ceux parmis nous qui aiment rouler fort. Le Cannondale Trigger est plus sage et prend le relais, pour des profils où le ratio D+/D- s’égalise, où les pentes s’amenuisent et où les enchaînements montée / descente sont plus nombreux au point de ne plus être clairement lisibles.
La suite ?!
Dans tous les cas, les deux plateformes mettent à profit des concepts communs assez facilement perceptibles et utiles sur le terrain. Toutes deux sur une conception drôle et amusante de la pratique du VTT. Comme on l’aime.
Suffisamment pour rapporter de bons ressentis, et soulever de bonnes questions pour la suite : jusqu’où pousser l’usage du Gemini ? dans quelles configurations de spéciale ? quels sont réellement les réglages de compression et détentes utilisés/utilisables ? existe-t-il des limites d’usage et de réglage à ce principe ?
Des questions qui peuvent justifier un essai plus poussé. D’autant plus si la lecture de ces lignes en font apparaitre d’autres toutes aussi pertinentes. Les vélos sont disponibles dès à présent. Il ne faut donc plus tarder.
À vos claviers 😉
Ajout du 24/04/17 : Gamme et détails désormais disponibles sur le site de la marque Cannondale