Deux jours face aux Écrins

Amoureux du vélo de montagne et des belles traces, Ambroise Mondon nous raconte pour FullAttack ses dernières aventures alpines. Après le Tour des Combins, direction l’Oisans…

Texte et photos : Ambroise Mondon

La saison des tours en montagne est à nouveau ouverte. Pour ce séjour planifié la veille, direction l’Oisans : un classique ; une valeur sûre pour mi-juin ; des paysages d’altitude déjà dépourvus de neige.

Pour ce retour dans les hauteurs, on a monté une équipe 100 % drômoise…

L’idée est de rouler deux jours tranquille, sans trop charger kilomètres et dénivelé pour que Thomas et JF prennent bien le temps de découvrir les paysages de ce secteur qu’ils ne connaissent pas. Pour ma part j’y ai roulé en août 2019, pour mes premiers tours de roue au-dessus de 2000 m d’altitude. Ça m’avait d’ailleurs bien marqué donc j’avais vraiment envie d’y retourner !

Jour 1 – Plateau d’Emparis – Cime de la Buffe

18 juin : Arrivés à 11h sur Besse-en-Oisans avec le camion, on prend la direction du camping pour se garer. Des travaux et des engins bloquent le passage, les ouvriers nous disent qu’ils doivent laisser les machines sur le site. Demi-tour inévitable, on échoue sur un parking.

On monte les vélos et on démarre.

On part sur une piste qui nous fait vite prendre de la hauteur.

On domine déjà Besse. C’est avec plaisir qu’on s’éloigne encore de la vallée de la Romanche que l’on a traversée en camion quelques heures plus tôt.

Cette enclave oppressante habillée de nombreux pylônes électriques et de barrages ne fait pas rêver. Le paysage face à nous est complètement différent. Notre vue s’étend sans contrainte sur les sommets alentours et les longues prairies.

On monte tranquillement les 700 mètres de dénivelé, sur une piste forestière. Nous voici face aux 3984 mètres du Pic de la Meije.

On poursuit. Sur le chemin, des randonneurs demandent des précisions géographiques à Fabrice, ils sont tombés sur la bonne personne.

Une fois le renseignement partagé, on reprend la direction du plateau.

Ce qui m’avait marqué six ans plus tôt est toujours aussi beau.

Le plateau d’Emparis nous donne une place d’honneur face aux glaciers de la Meije. On se sent embarqués au milieu de ces sommets qui frôlent les 4000 m. 

Les petits lacs autour de nous magnifient le décor. Thomas et JF valident très largement la destination et savourent la découverte.

On avance pour trouver un spot à pique – nique. Le Lac Noir nous semble pas trop mal. Vu que je suis parti à l’arrache sans trop me préparer je n’ai que quelques bonbons à manger mais Thomas me donne un bout de banane qui relève la prestation du « repas ».

On remballe nos affaires et on se laisse descendre en direction de la Grave. Aux abords du lac Lérié, certains ravins laissent entrevoir la route qui longe la Romanche 1000 mètres plus bas. On garde le bon cap, toujours en vis à vis du Pic de la Meije.

Les chemins qui bordent le plateau d’Emparis attirent beaucoup de monde : randonneurs, cyclistes, traileurs etc.

À cela s’ajoute aussi le passage des moutons. On constate une fois de plus, comme dans d’autres endroits très fréquentés, que les traces se démultiplient au milieu de l’alpage : une fois que le chemin d’origine est devenu une ornière, il s’en crée un nouveau.

La suite de la descente est un chemin plus évident qui nous amène virage après virage au village du Chazelet. Les sols sont déjà très secs, la poussière recouvre rapidement nos vélos.

On continue notre descente dans une belle face de terre noire bien meuble, en contrebas d’une petite chapelle. On se retrouve au bord de la Romanche, sur l’axe routier qui la suit de près. L’atmosphère de La Grave ne nous retient pas. Il fait très chaud, les gens font la queue derrière les fontaines à eau et nos discussions sont entrecoupées par le souffle incessant des camions qui nous frôlent. Le décalage avec le calme du plateau d’Emparis est trop grand. On entame vite la deuxième ascension de la journée. Une petite route nous ramène au Chazelet et plus précisément devant une petite épicerie qui nous tend les bras.

On fait correctement le plein et pour sécuriser la suite des événements je prends un quatre-quart « Pur Beurre ».

Ça fait du bien de manger autre chose que des oursons Haribo défigurés, à moitié fondus. On retrouve aussi un peu de tranquillité. Ici, le seul bruit est celui du malinois du magasin qui presse un jouet entre ses dents. On a échangé la multitude de voitures du fond de la vallée contre un chien qui s’amuse sereinement en plein milieu de la route.

Ça repart pour une bosse de 700 mètres de dénivelé. Derrière nous les derniers hameaux du Chazelet et leurs petites cabanes en pierre. La piste longe le torrent du Gâ et s’enfonce dans les terres. À mesure que l’on monte, les marques de l’Homme se font de plus en plus rares. Pour Thomas, JF et Fabrice, les étendues verdoyantes que l’on traverse rappellent un séjour dans les Highlands écossaises.

Après la « Baraque de la Buffe », on traverse le torrent et la piste devient un petit sentier. Le chemin passe à travers les prairies et nous rapproche du sommet.

Après un bon effort, nous y sommes. Cime de la Buffe 2400 mètres.

Le torrent et la piste que l’on voit en contrebas soulignent le chemin parcouru. Les sommets de la Meije veillent toujours sur notre avancée. On prend le temps de profiter du panorama, seuls sur cette Cime de la Buffe. La suite du parcours s’annonce pas trop mal non plus. Une belle sente dessine la prochaine descente.

On se laisse glisser au milieu des grandes étendues d’herbes. On surprend beaucoup de marmottes qui ne doivent pas être souvent dérangées. Retour sur l’entrée du Plateau d’Emparis sur laquelle on est passés 4 heures auparavant. On plonge dans la dernière descente de la journée. Besse n’est plus très loin. Cette partie flow du « GR54 – Tour des Ecrins » nous ramène vite au village.

De retour sur le parking qui nous servira de gîte, la boucle est bouclée.

Bilan du Jour 1 : 62 km, 2800 D+   

Petite douche minimaliste, on se change et on se pose un peu avant de se lancer dans l’élaboration du repas.

Thomas et JF reviennent d’un séjour à Campo Ligure, les pâtes que l’on mange sont donc italiennes, et le dessert aussi. De quoi faire oublier qu’on va dormir à même le bitume, devant des garages.

Après ce bon repas, on prépare le terrain. En installant le campement on comprend que les moutons qui nous entourent bêlent sans arrêt, sûrement même la nuit. Malgré le lampadaire qui nous éclaire, on est bientôt prêts à dormir.

Conclusion : le bitume ce n’est pas super confort ; un mouton ça bêle toute la nuit ; le lampadaire est resté en mode plein phare toute la nuit, avec option flash stroboscope.

Jour 2 – Vallon du Ferrand – Chemin de la Cheminée

19 juin – 6h30

Je n’ai rien dormi mais je suis content que le soleil se lève pour commencer une nouvelle journée de beau vélo.

Au-delà du parking, le paysage redonne le sourire. En attendant que tout le monde se lève je fais un tour dans les pentes du village. Par dessus le bruit des moutons, un ancien aiguise sa faux et coupe l’herbe avec une gestuelle parfaitement maîtrisée.

9h30

Prêts à quitter Besse, l’eau et la nourriture sont dans le sac, il n’y a plus qu’à rouler.

Une montée sur piste nous amène rapidement devant l’Echine de Praouat qui brille sur notre gauche. Ce dôme de schistes argentés qui se prolonge en une arête très marquée attire notre attention. Le soleil tape sur les ardoises et se reflète sur nous.

En rejoignant les bordures du Torrent de la Valette, une grosse pelleteuse bloque le passage.

Le conducteur n’entend pas nos sifflements donc on contourne par le talus par crainte de se prendre un méchant coup de pelle. On s’étonne de voir un si gros chantier dans un espace si calme et sauvage. En cherchant un peu, on comprend qu’une centrale hydroéléctrique va se construire sur la commune de Clavans-le-Haut et que la conduite forcée acheminant l’eau prendra pied dans le torrent de la Valette.

On réalise alors que la montagne, de la même façon que les territoires plus urbains, se doit d’exploiter ses richesses (en particulier l’eau des torrents) pour développer son autonomie financière et énergétique.

C’est l’équivalent, dans une moindre ampleur, des installations de la basse Vallée de la Romanche qui fournissent notamment les stations de ski et le bassin grenoblois en électricité (barrage ; centrale hydro-électrique ; lignes haute-tension).

On sort bientôt du lit du Torrent de la Valette. Cap sur le Col de la Valette, sur notre gauche.

On s’attaque à un bon morceau de montée, dans les ornières à vache. 

Il faudra rapidement pousser le vélo. Après une bonne heure de montée on rejoint le col. En contrebas on aperçoit les virages pentus que l’on a grimpés.

Petite pause figolu avant le last-push pour atteindre le point culminant du jour.

L’ascension se termine par un portage, le Col de la Valette est déjà bien plus bas. Nous voilà à 2470 m.

Aire protégée du réseau Natura 2000, le Vallon du Ferrand nous attend.

Une grande prairie s’ouvre et nous mène à la source du Ferrand, alimentée par la neige des sommets à 3000 qui l’entourent.

Passerelle après passerelle on suit le courant.

Le torrent s’élargit à mesure que l’on descend, on roule au plus près des remous qui se font de plus en plus puissants. La descente s’étale agréablement. On arrive sur la fin.

La cascade du Ferrand en fond sonore, une série d’épingles relie le Pont Ferrand qui nous attend plus bas.

Passage validé, personne n’a fini dans le torrent. On continue notre tracé en direction de Clavans-le-Bas. L’appel du bar commence à monter, d’autant plus qu’on a perdu 1000 mètres de dénivelé et la fraîcheur qui va avec. La chaleur écrasante nous amène dans une auberge en plein cœur de Clavans-le-Bas. Ricko, le chien du resto est bien le seul à bouger partout malgré le chaud. On se fait une bonne pause. Mention spéciale aux « frites montagnardes » accompagnées de reblochon et de lardons.

14h00

Le soleil tape fort mais il faut repartir. À ce moment-là JF remonte en direction de Besse pour rejoindre le van alors qu’avec Thomas et Fabrice on part à l’Ouest pour récupérer un sentier en balcon.

Ce chemin à flanc de falaise domine la Romanche et nous amène au hameau de Puy-le-Bas. On poursuit notre montée jusqu’à la station d’Auris. La lumière tombe un peu, la chaleur diminue.

L’ambiance fantomatique des stations en période creuse ne nous retient pas longtemps. On bascule vite sur la Balme où l’on fait un dernier plein d’eau.

Les câbles électriques omniprésents annoncent bientôt un retour sur la vallée de la Romanche. Plus bas, on plonge dans un sentier appelé « Chemin de la Cheminée ». En effet, la trace passe dans un couloir resserré, entre deux piliers de roche. Bien ancrées dans la pente d’une falaise, les épingles se suivent.

Chaque virage est soutenu par un mur de pierres sèches. On profite de ce beau travail et on serpente entre les dalles. C’est vraiment incroyable de rouler ce petit joyau, gros coup de cœur ! Le chemin a été fraîchement entretenu, une vraie moquette.

Peu après, on passe juste à côté d’un pylone qui indique une arrivée imminente sur la Romanche et les installations électriques.

Avant tout, on profite encore des dalles parfaitement disposées et d’une belle portion finale en sous-bois.

Le sentier s’ouvre sur un pont romain qui traverse la Romanche. En remontant jusqu’à la route, le tracé de la descente apparaît devant nous, derrière une toile de câbles électriques.

Bilan du Jour 2 : 54 km, 2300 D+

Notre petite excursion dans l’arrière pays de l’Oisans s’achève ici. Ce morceau panoramique des Écrins aura largement satisfait notre retour en montagne. Un contraste bien équilibré entre les paysages bruts du Plateau d’Emparis et du Vallon du Ferrand mêlés à des terrains plus transformés mais pas moins plaisant à rouler.

Comme chaque bon séjour, celui-ci renforce encore ma motivation à découvrir et explorer les hauteurs.

Ambroise

Mon matériel pour cette aventure

Un SCOTT Spark 900, 130/120 mm de débattement, parfait pour du beau vélo de montagne !

Des pneus HUTCHINSON Wyrm Racing Lab 29×2.40, une valeur sûre.

Remerciements : Merci aux copains du magasin Hors-Catégorie  pour leur soutien et pour l’entretien du bike !

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