Le Tour des Combins en 3 jours

Amoureux du vélo de montagne et des belles traces, Ambroise Mondon (23 ans) nous raconte pour FullAttack sa dernière aventure alpine de la saison, réaliser le Tour des Combins en 3 jours…

Le Tour des Combins en 3 jours

Les derniers jours d’août et la rentrée de septembre annoncent la fin des excursions en montagne. Ce dernier séjour estival sonne donc comme un au revoir aux hauteurs, avant que la neige ne vienne recouvrir les chemins. Pour finir en beauté il fallait une équipe à la hauteur. Quoi de mieux qu’un guide pour m’accompagner à travers les sentiers alpins ? Une fois de plus, je m’apprête à partager une aventure avec Fabrice. Notre dernier périple remonte à février dernier, en Arizona. Fabrice alias Brice Trip c’est un peu le maestro du secteur drômois où j’ai commencé à rouler en 2017. C’est un guide de 56 ans donc il connaît un tas de trails un peu partout, il a des watts à faire tourner de l’œil et un état d’esprit qui colle bien au mien. C’est à lui qu’on doit la plupart des bonnes traces de BiiVOUAC et du Grand Rallye TransVerdon, les événements en itinérance de l’équipe FullAttack. Bref, avec lui c’est souvent marrant. Un Drômois peut souvent en cacher un autre : Simon est aussi de la partie. Simon c’est la passion de l’aventure mêlée à un mental solide, le tout dans un esprit de trentenaire fougueux !

28 août, jour 1

6h30 – Grenoble, parking de l’Esplanade… Fabrice et Simon me récupèrent, et voilà reformé le trio drômois de mes années lycée. On traverse les rues désertes de Grenoble en direction de Courmayeur.

10h – Nous voilà arrivés à Courmayeur.

Départ de la première journée qui fera office d’échauffement. Nous voilà partis pour une ascension de 1200 mètres de dénivelé au cœur du Val Ferret.

Premier constat : la beauté et la notoriété du secteur rassemblent bon nombre de touristes. On a parfois du mal à circuler entre les voitures et piétons. La route devenant piste et la piste devenant sentier le monde se fait plus rare.

Le vallon se referme, encerclé par les sommets et leur barrière de glace.

On bifurque en direction du Grand Col Ferret.

Le Grand Col Ferret est le 105e kilomètre du fameux UTMB qui débutera le 30/08, c’est aussi un passage très fréquenté par les randonneurs du Tour du Mont Blanc puisqu’il relie facilement l’Italie à la Suisse.

Tout au long de la montée, des piétons de toutes nationalités occupent les virages.

Mention spéciale pour un groupe de Japonais qui n’en revenait pas qu’on porte nos vélos sur le dos, ils nous ont même pris en photo en s’exclamant »strong men ! ».

De quoi poursuivre en rigolant, ayant conscience qu’on ne brille pas par la force de nos bras.

Voici le Grand Col Ferret, 2537 mètres, seuls vélos au milieu d’une trentaine de piétons.

On essuie la question classique « Elettrico ? Is that an e-bike ? C’est un vélo électrique ? ».

Les 6°C nous poussent vite dans la pente : direction la Fouly.

La descente est très rapide mais on se freine volontairement pour ne pas surprendre les randonneurs. Quelques kilomètres plus bas on laisse le Gîte de la Peule et sa terrasse bondée pour bifurquer sur le « sentier des bergers » qui nous amènera à Ferret. Sorti du balisage officiel du Tour du Mont Blanc, j’ai la sensation de changer radicalement d’univers : les sentiers se resserrent autour de mes roues, il n’y a plus personne.

Petite pause avant de s’attaquer à la 2e ascension de la journée.

Un coca bien frais fera l’affaire.

Ce temps d’arrêt me fait réaliser à quel point le tourisme autour du Mont Blanc est une véritable industrie. Il y a un flux constant de piétons et autant de véhicules un peu plus bas dans les vallées. Fabrice souligne que les chemins étaient bien moins larges il y a 10 ans de ça. Effectivement, on devine souvent une trace primaire et deux ou trois ramifications qui en découlent. Après avoir lâché 7 CHF (7,50 €) pour notre coca, on entame la montée en direction du Col du Bastillon. Ça pédale facilement jusqu’au Plan de la Chaux puis ça se corse.

C’est parti pour un portage de 700 mètres de dénivelé, entrecoupé de quelques portions pédalables qui font bien taper le cœur…

Au-delà du lac de la Fenêtre, on cherche un peu la trace au milieu des rochers. On devine finalement le sentier qui zigzague entre les dalles d’une paroi.

La dernière rampe d’accès est assez spectaculaire. Fabrice mène le train. Il pèse 57 kg et avance avec 14 kg sur le dos, soit 1/4 de son poids. Ce constat me fait rire.

Le Col de Bastillon est là, 2754 mètres, seuls au monde.

On plonge dans la descente. Ça ne manque pas de cailloux mais c’est marrant. On dérange quelques marmottes en filant sur Bourg St-Pierre sans trop s’arrêter car la journée rugueuse du lendemain sera bientôt là. Hôtel, mission douche, se changer avec le peu de vêtements prévus et à table !

Les prix nous font un peu serrer les dents, heureusement le plat de pâtes est suffisamment copieux.

Bilan du jour : 42 km et 2400 m de D+ pour passer de l’Italie à la Suisse, simple et efficace…

29 août, jour 2

6h30 – Bourg St-Pierre (Suisse)… Debout à 6h30 pour un petit déjeuner servi à partir de 7h, on quitte la chambre.

7h01 : on s’empresse de manger car nous sommes attendus sur le coup des 19h aux Etroubles en Italie.

À l’hôtel, l’eau est payante donc on part à vide. On s’élance pour une ascension de 900 mètres de dénivelé ; objectif col des Milles. On fait le plein d’eau dans le lavoir d’une ferme, face aux premières lueurs du jour.

Pour rejoindre le col des Milles on choisit une variante du parcours classique en prenant tous les balcons Est.

On progresse doucement mais le cadre est magnifique et très sauvage. J’arrive à franchir quelques passages techniques que j’espère ne pas payer plus tard.

Après 2h30 d’ascension au milieu des prés à vaches, on y est.

Col des Milles – 2471 m

On se lance dans la descente qui débute par un beau balcon bien flow. Direction Cabane Brunet.

On emprunte une nouvelle variante en balcon mais on se remet vite à pousser le vélo, c’est le moment « rando entre les vaches ».

Voilà la cabane Brunet et son refuge.

On décide de se poser un peu car la suite s’annonce coriace.

Coca classique et un cookie avant de repartir en direction du Grand Combin.

On se confronte rapidement à un portage qui nous rapproche des glaciers. Arrivés à 2300 mètres d’altitude, on devine un ravin qu’on va devoir traverser. Le bruit imposant du torrent annonce un large précipice à franchir.

En se rapprochant, on aperçoit un départ de passerelle qui s’élance dans le vide. La passerelle de Corbassière mesure 210 mètres de long et passe à 70 mètres du sol.

Les choses sont bien faites : cet édifice accueille facilement le passage de nos guidons. On enchaîne, cap sur la cabane de Panossières. On emprunte une série d’épingles pentues que je m’étonne à grimper sur le vélo.

Arrivée au refuge : l’équipement est vraiment à la pointe, ça ressemble plus à une maison qu’à une cabane !

On s’y pose un peu pour contempler les 4314 m du Grand Combin dressés face à nous.

Je n’ai jamais vu de glacier de si près. La langue du glacier de Corbassière pousse les montagnes et ouvre le paysage.

L’immensité de l’endroit remet mon mètre quatre-vingt à sa place d’humain. On refait le plein d’eau et en avant. Pour rejoindre le Col des Otanes, il faut une fois de plus mettre le vélo sur le dos.

Col des Otanes, 2880 mètres, validé. Reste à savoir comment sera la descente. On prend un premier balcon légèrement aménagé au milieu des dalles de roches. Jusque là tout va bien. La suite ne sera pas si simple. D’énormes cailloux rendent la progression souvent impossible. J’ai dû réussir à passer 30 % de la descente. On a joué et cette fois-ci on a perdu ! En plus des portages précédents, cette descente périlleuse sur Mauvoisin n’aura pas arrangé les choses et l’heure tourne.

On s’octroie une dernière pause. Un coca et ça repart. Le long tunnel de Mauvoisin nous amène au bord du lac.

On longe cette grande flaque en tournant enfin un peu les jambes, ça soulage !

La fin de la récréation a sonné, la dernière difficulté de la journée se présente à nous. On ne doit pas traîner car l’hôtel qui nous attend pour 19h est encore bien au-delà de la frontière. On se lance dans ces 500 mètres de dénivelé, évidemment il faut porter ! On serre les dents et on avance. J’ai faim mais je préfère ne pas interrompre ma lancée.

Je mène le train sans percevoir où sort ce fameux col. Les nuages font leur apparition. J’accélère un peu. J’ai très faim mais je me persuade que je peux tenir jusqu’au col. Chaque pas devient de plus en plus difficile. Je sens alors que mes jambes ont du mal à me soutenir, mon vélo et moi. Vite du glucose : j’engloutis 5 gels et je repars en suivant Fabrice et Simon qui sont maintenant devant moi. On aperçoit enfin le col. En quelques minutes je retrouve mes esprits, j’ai même de quoi accélérer, et je parviens à rester sur le vélo jusqu’au bout.

La Fenêtre Durand s’ouvre à nous et dévoile le Val d’Aoste. 2804 mètres. On profite un peu du soleil et on poursuit.

On laisse derrière nous de gros nuages lourds qui restent accrochés aux hauteurs du Grand Combin. Il nous reste 25 km de descente, il est 18h. Un peu plus bas dans la vallée, Fabrice prévient l’hôtel de notre retard. Heureusement on pourra décaler le repas à 20h30. La dernière descente de cette longue journée file entre les mélèzes sur un parterre d’aiguilles qui se laisse apprécier.

L’ensemble aura été exigeant mais nous sommes contents d’avoir emprunté des variantes plus sauvages, du vrai vélo de montagne.

On demande si l’on peut mettre nos vélos à l’abri : 6 euros par personne. La patronne ouvre un immense garage : on pose nos vélos entre une Maserati et une Mercedes. Fabrice note que c’est bien la première fois qu’on lui fait payer un supplément pour garer un vélo. Une pensée émue pour nos 6 euros. 6 euros c’est le prix d’un kebab et j’en ai rêvé longtemps aujourd’hui. Tant pis pour le kebab. On se contentera d’une polenta et d’un bon plat de gnocchi.
Photo gnocchi sauce tomate

Bilan du jour à Etroubles : 77 km pour 3700 m de D+

30 août, jour 3

Etroubles (Italie). Ce matin on prend un peu plus le temps car la journée qui nous attend est facile par rapport à celle de la veille.

Je me réjouis à la vue du petit déjeuner, il y a de tout et à volonté.

Pit stop au Carrefour pour prendre quelques provisions et feu !

On suit une longue route qui nous fait vite prendre de la hauteur. Après 2 heures de bosse et 1100 mètres de dénivelé on atteint une ferme qui marque la fin de la facilité.

Au-delà ça sera du portage. Au loin, on aperçoit la barrière rocheuse qui accueille le Col de Malatrà, notre prochain objectif.

Here we go again. Vélo sur le dos pour 600 mètres de dénivelé.

Les collines s’enchaînent et s’effacent, le Val d’Aoste est dans notre dos et nous voilà en tête à tête avec le Col de Malatrà.

Je me demande bien comment on va passer au-delà de cette faille, l’accès paraît un peu sport mais je fais confiance à Fabrice qui y est déjà passé quelques fois ici. Après une quinzaine de minutes on arrive dans la portion critique.

Heureusement, les dalles de roches sont aménagées et ça se passe plutôt bien.

On découvre une ouverture bâtie en plein cœur de la roche. Un grand coup de couteau au milieu de la falaise.

Col de Malatrà – 2925 m. Point culminant du séjour

Je remarque une balise du Tor des Géants, une autre course de trail mythique du Val d’Aoste. Cet événement se déroule début septembre et rassemble aussi grand nombre d’athlètes, de toutes nationalités. L’esprit du trail est vraiment présent mais c’est bien sur nos vélos que nous quittons le col de Malatrà.

Le chemin de la descente est bien installé dans les pentes du Mont Tsichette. On rejoint un petit torrent et on remonte en direction du Col Sapin.

Les dents du col de Malatra sont déjà loin derrière nous.

Il nous reste un dernier portage. La pause bonbon s’impose.

Il faut qu’on atteigne la tête de la Tronche à 2584 mètres en empruntant un énième chemin escarpé. J’ai un peu la flemme donc je pars fort dans cette montée, plus vite je vais plus vite j’arrive. Je prends le pas de deux traileuses suisses. En discutant en anglais avec elles, je comprends qu’elles sont en plein entraînement pour le Tor des Géants et ses 330 km. Elles me lâchent sur le haut.

La fin de la montée est là. Fabrice et Simon me rejoignent.

Les hauteurs s’échappent entre les nuages et le Mont Blanc se présente à nous.

4809 mètres d’altitude qui fascinent. On se réjouit de retrouver ce monument qu’on a quitté deux jours plus tôt. On se lance sur la crête du Mont de la Saxe. C’est lisse et rapide mais je prends le temps de poser mon regard sur le paysage grandiose.

Le versant Sud du Mont Blanc s’offre à nous, les Grandes Jorasses et la Dent du Géant.

On arrive sur le refuge Bertone et on bifurque sur la dernière descente de ce tour des Combins. Un sentier en balcon nous mène sur les hauteurs de Courmayeur. 4h30, 38 km et 2300 mètres de dénivelé, on retrouve le camion. Il est 15h00. Ecco fatto !

Notre tour des Combins s’achève ici, la boucle est bouclée.

Il nous aura fallu 18 heures pour parcourir 160 km et 8000 mètres de dénivelé positif.

A peine lancé sur la route du retour, je sens que mon esprit est resté dans l’univers de la montagne. Passer du monde sauvage au centre de Courmayeur en deux petites heures est un peu brutal.

Les lacets du Col du Petit Saint Bernard ne m’aident pas à me défaire des montagnes :

  • virage gauche et je me rattache au massif de la Grande Rochère
  • virage droite et je retrouve le Mont Blanc.

Même si la fatigue pèse, j’ai déjà envie de repartir là-haut. L’étendue infinie et la surprise de l’au-delà me rappellent.

S’habituer à la vue d’un col qui se rapproche et découvrir ce qui s’y cache derrière.

Monter, descendre, et recommencer.

Ambroise

Mon matériel pour cette aventure

Un SCOTT Spark 900, 130/120 mm de débattement, pour un gros rendement en montée et un vélo qui passe partout en descente !

Des pneus HUTCHINSON Wyrm Racing Lab 29×2.40 qui offrent un bon grip latéral et qui tiennent tête aux cailloux les plus tranchants. Sur 3 jours je n’avais pas le droit à l’erreur !

Remerciements

Merci au magasin Hors-Catégorie qui a préparé mon Spark pour cette aventure. Pour les curieux, le magasin a ouvert ses portes début août et se situe en plein cœur de Grenoble au 28 Boulevard Gambetta.

Pour suivre Ambroise sur les réseaux sociaux > Instagram / Strava