Nouveauté – Le Last Tarvo, pas si léger qu’il en a l’air ?!

Ah là là… Marketing, quand tu nous tiens ! Soyons francs, dans notre petit milieu de passionnés, il ne se passe jamais longtemps sans qu’un standard, une tendance, ou plus simplement un progrès nous fasse passer pour des chèvres. Un phénomène bien aidé par les arguments que les marques tentent parfois de pousser avec un certain aplomb… 

« Le Last Tarvo, le vélo d’Enduro le plus léger jamais produit ». En voilà un exemple parfait ! Pour tout dire, on a presque même failli glisser ça directement dans la corbeille. Derrière cet argument, il y a pourtant du bon, du très bon, dans la conception du dernier Last Tarvo. Des choix techniques, une production et jusqu’à un process de vente qui a de sérieux arguments… 

 


Temps de lecture estimé : 9 minutes – Photos : Last


 

Au sommaire de cet article :

 

 

Marketing, quand tu nous tiens…

Après une telle introduction, on doit forcément quelques explications. Pour nous, au fil des années, le poids est devenu un sujet qui n’a plus de sens, tant il a été usé à tort et à travers. Pendant une longue période, on nous a vendu le poids comme argument principal d’un paquet de progrès, tandis que la pratique Enduro se développait avec des besoins de performance et de fiabilité à contre-courant de la cure du moment.

Alors certes, un poids contenu a de bons arguments en matière de rendement, d’économie d’énergie, et tout ce qui peut permettre d’aller plus loin, plus haut, plus longtemps, ce qui fait partie de l’ADN de l’Enduro. Mais on peut s’en méfier tant parfois un kilo de plus réparti entre les pneus, les roues, le cadre, les suspensions, la transmission, les périphériques et/ou les freins ont apporté un gain tel que le poids en deviendrait secondaire. On l’a constaté à différentes occasions d’essai.

Raison pour laquelle l’argument principal du Last Tarvo, ses 12,4kg complet et son cadre à 2,08kg pourraient presque paraître frêles sur la balance. À quoi bon, si c’est pour avoir un vélo qui ne se tient pas, qui vibre, qui rebondit, ou à l’inverse, qui se tortille, fait la saucisse ou s’ouvre en deux au premier impact ?! On grossit forcément le trait, comme au comptoir autour d’un verre, mais c’est pour dire… Dire qu’une fois de plus, il ne faut ni se fier aux premières impressions, ni se laisser aller à la facilité !

 

 

[divider]Last Tarvo[/divider]

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  • Usage Enduro
  • Roues en 29/27,5 pouces
  • 160/170mm, RS Lyrik & Super Deluxe
  • Triangle avant & arrière carbone
  • Reach 485mm en 185, offset court 42mm
  • Roues DT EX 1501, 30mm

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  • Maxxis Assegai, jusqu’à 2.5
  • Sram Code, 200/180mm
  • à la carte, 4 tailles, à partir de 5799€
  • 2,08kg / 12,4kg, (cadre / complet) annoncés
  • Dispo 175 & 185 mai 2020, 165 & 195 août 2020
  • Fiche du vélo sur www.last-bikes-shop.com

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Dans les grandes lignes…

D’abord, parce qu’au premier coup d’oeil, le Last Tarvo peut paraître simple mais travaillé. Ce genre d’équilibre qui ne laisse pas indifférent tant il est toujours difficile à atteindre sans pervertir le produit. Ici pourtant, c’est de bon ton, dans des détails qui fleurent le bon goût, sans être ostentatoires pour autant…

Avec ce premier coup d’oeil, le Last Tarvo se dévoile tranquillement. Passés la première impression mesurée et l’argument choc qui paraîtraient presque trop faciles, on commence à toucher du doigt certains points qui promettent… Voyons maintenant plus en détail !

 

 

Dans les (bons) détails !

C’est qu’en introduction de cet article, le tableau qui livre les principales caractéristiques du Last Tarvo participe à l’intrigue : différentes tailles de roues, un offset court, des noms de tailles singuliers… Comment tout ça prend corps, devient cohérent et pourrait définir une identité propre et attrayante ?! Réponse, point par point !

 

[toggler title= » L’usage du carbone » ]

On commence par le cadre et l’usage de la fibre noire à laquelle il fait appel. Notamment pour aller au delà de l’argument trop facile du poids. C’est qu’en chassant les grammes, le Last Tarvo fait aussi appel à des caractéristiques et procédés que notre enquête carbone a déjà mis en évidence par le passé.

En premier lieu, la maîtrise de la raideur et des capacités de filtration du matériau dans différentes directions. Plusieurs indices permettent de constater un niveau certain. Le Last Tarvo se passe par exemple de l’articulation bases/hauban, jouant sur la flexibilité du matériau pour assurer jusqu’à 170mm de débattement !

Pour y parvenir, la marque produit le triangle arrière, comme le triangle avant, en un seul élément monocoque sans aucun raccord collé/sablé, là où parfois 2 voir 3 parties sont assemblées pour constituer un unique élément à l’oeil. Elle y fait usage de fibres mono et bi-directionnelles, autre argument pour une maîtrise des raideurs et capacités de filtration.

De la matière première produite au Japon, enduite en Italie, avant d’être assemblée, cuite et peinte en différents endroits d’Allemagne. Des triangles avant et arrière qui sortent du moule sans besoin de reprise/sablage. Et un cadre certifié ASTM niveau 5, le plus élevé, soit celui que doivent habituellement respecter les vélos… de Descente ! Voilà qui est posé…

 

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[toggler title= »Roulements et articulations » ]

Outre l’usage de la fibre de carbone, les autres éléments qui composent le cadre du Last Tarvo ne sont pas en reste. En premier lieu, une partie de la visserie et surtout les inserts filetés qui permettent certaines interfaces avec les éléments du vélo font usage du Titane, en lieu et place de l’habituel aluminium.

En matière de roulements, on ne pourrait imaginer autre chose que des produits Endurobearing, marque réputée pour proposer notamment un nombre de billes plus important pour supporter les charges spécifiques aux roulements de nos suspensions qui ne font jamais un tour complet dans leurs vies…

 

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[toggler title= »Géométrie » ]

Voilà pour la réalisation du cadre, visiblement de haut niveau. Encore faut-il qu’elle s’appuient sur de bonnes cotes. On commence par celles qui régissent la géométrie du vélo. Notons que la marque résonne en gabarits pour définir les quatre tailles disponibles. Logique dirions nous, mais on va voir que ça va assez loin…

Tout d’abord, ici, on parle des tailles 165, 175, 185 et 195, soit les hauteurs de pilote moyennes pour chaque taille. On peut suggérer +/- 5cm par tailles. Ensuite, dans le pur respect de la notion de répartition des masses dont on a pu parler dans nos Didactiques récents, les côtes varient logiquement d’une taille à l’autre. Ici, le Last Tarvo fait varier les bases, le reach, l’empattement avant et total pour offrir un résultat similaire à tous les pilotes.

Au passage, l’angle de selle est un peu plus redressé pour les grands gabarits, afin de charger un peu plus l’avant et ne pas les asseoir sur la roue arrière. Pas de crapaud sur une boite d’allumette ?! Tant mieux ! Dans les chiffres, c’est le 185 qui se rapproche le plus d’une taille L classique, sachant que les mesures sont généreuses et dans une bonne tendance du moment. D’une taille à l’autre, on note de sacrés écarts, peut-être dû à des certitudes amenées par d’autres travaux…

 

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[toggler title= »Anti-squat et Anti-rise optimisés » ]

On pense notamment à ceux sur ces deux caractéristiques de suspension. Après nos dernières parutions didactiques au sujet des Anti-rise et Anti-squat, on entre là dans le coeur de la meule ! On y découvre que leur calcul s’appuie directement sur la position du centre de gravité. Une notion qui suggère logiquement que Anti-squat et Anti-rise soient optimisés en fonction des tailles. Un exercice sur lequel peu de marque communique pourtant.

C’est ce à quoi s’aventure le Last Tarvo ! La marque indique avoir pris parti de proposer des valeurs d’Anti-squat similaires d’une taille à l’autre. Dans les faits, les points de cinématique sont différents d’une taille à l’autre, pour garantir un résultat optimisé. L’Anti-squat est voulu le plus proche possible pour un plateau de 30 dents, et sur toute la moitié haute de la cassette. Pour l’Anti-rise, c’est carrément des valeurs quasi identiques pour tous les gabarits. On comprend mieux, aussi, pourquoi l’étrier de frein prend une position si spécifique entre bases et haubans désormais…

 

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[toggler title= »Cinématique très progressive » ]

Non content de poser deux arguments clés en matière de cinématique, le Last Tarvo enfonce le clou ! En matière de ratio, une fois de plus, ça participe à établir une sacrée identité à la marque et au vélo en question…

Le Last Tarvo se veut hyper progressif ! La marque communique sur une valeur de 55% sur la totalité du débattement, et 34% restants entre le SAG et la fin de course. Le Last Tarvo va ainsi chercher un ratio de départ à 3,4, et avoisine toujours les 3 à 30% de la course. Pour quelle sensibilité, quel maintien, quelle dynamique et quel amortissement ? Intéressant !

 

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[toggler title= »Compatibilité MX » ]

Tiens tiens, le marketing nous rattrape… Depuis quelques temps, la question du mulet bike, 29 pouces à l’avant et 27,5 pouces à l’arrière taraude les esprits. Ça aurait certaines qualités en terme de maniabilité, et ça procurerait le meilleur des deux mondes. Reste que l’appellation mullet n’est pas sexy pour un sous. Attendons nous à ce que MX – pour le clin d’oeil aux motocross qui font usage d’un principe proche – soit le nouveau terme à la mode dans les mois à venir… 

Le Last Tarvo ne loupe pas non plus le coche. Et là aussi, ce n’est pas fait à la légère… Pas un simple flip-chip pour adapter vite fait la géométrie et la cinématique. On parle ici d’une biellette complète, dédiée à l’usage d’une roue arrière de 27,5 pouces. Elle fait passer à 170mm de débattement pour compenser le plus petit diamètre qui tape plus.

Elle ajuste aussi la hauteur du boitier et de l’angle de direction. Sur le papier, les différences sont minimes, on préfère même ne pas les évoquer. Tout bonnement parce qu’ici il faut surtout comprendre que mêmes si ces variations sont fines, la biellette ajuste aussi en tenant compte du SAG, et des valeurs d’Anti-squat/Anti-rise qui doivent à nouveau s’équilibrer. Bel exercice ! 

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Qu’en penser ?!

Woaw ! C’est sacrément ambitieux ! De prime abord, on serait tenté de prendre le Last Tarvo à la légère. Pourtant, ça mérite le détour. Notamment parce qu’après avoir détaillé de nombreux concepts dans nos colonnes, les retours en commentaires ont pu poser des questions logiques, voir mettre en lumière des attentes nouvelles : des vélos plus optimisés d’une taille à l’autre, que ce soit en matière de géométrie ou de cinématique, un poids travaillé, un usage du carbone plus précis et maîtrisé, un tarif plus justifié… 

Bref, un nouvel ratio prix/prestation que le Last Tarvo semble tenter d’établir. Et si les tarifs sont hauts de gamme, ils ne sont pas délirants pour autant : 3599€ cadre sans amortisseur, premier montage à 5799€. Ce sont des sommes, mais la prestation est soignée. On disait que ça pouvait mériter le détour… Jusqu’au Showroom de Dortmund ?! Last propose des essais, des visites, des réglages, des choix custom de peinture et de montage… Bref, jusqu’au bout, ça promet, et ça tente de faire bouger les lignes ! 

Rédac'Chef Adjoint
  1. Très heureux possesseur d’un Last Glen, je ne peux que recommander le sérieux dans l’ingénierie et la fabrication de leurs cadres. Ce vélo, c’est une véritable claque par rapport à ce qu’ils ont fait, et même par rapport à la concurrence (des vélos jolis full carbone qui pèsent 15 kg, ça fait parfois penser à un raté certain). Ils ont poussé très loin le curseur en matière d’innovation: les choix technologiques sont osés pour ce type de bike, peut-être que ça ouvrira le chemin pour d’autres. J’espère en tout cas que ce Tarvo trouvera son nouveau marché (haut / très haut de gamme), et que les prix se tasseront s’ils franchissent certains seuls de production.

  2. Même si on est d’accord sur le fait que le poids est devenu secondaire sur les VTT modernes, j’ai quand même l’impression que les gens ont oublié ce que c’était de rouler sur un vélo léger… même si ça va pas plus vite en descente, c’est tellement plus agréable et dynamique pour tout le reste ! Et malheureusement, si les enduros haut de gamme font maintenant un bon 14kg, les modèles « entrée de gamme » atteignent certains 16kg !

    1. Je n’ai pas envie de voir les choses aussi négativement, comme si le vilain marketing avait une fois de plus réussi son coup. Oui, c’est indéniable, c’est agréable quand on peut en profiter. Mais est-ce primordial pour autant ? Faut-il dévaloriser les entrées de gamme et stigamtiser ceux qui roulent dessus pour autant ? Actuellement, et déjà par le passé, j’ai eu à l’essai des vélos qui accusent le coup sur la balance. C’est parfois de bonnes surprises, et c’est souvent quand même sympa à rouler, faut pas non plus en faire tout un plat 😉

  3. J’aime bien l’idée d’une progression sur la légèreté. C’est facile (donc peu coûteux) de faire un vélo lourd et robuste (c.f. gammes SC, yeti, transition), ça l’est beaucoup moins de faire un vélo léger et robuste. Donc je peux comprendre le surcoût.
    Ce que je ne comprend pas, c’est l’intérêt d’avoir des valeurs d’AS si élevées (qui plus est couplées à un ratio très progressif – c.f. orbea rallon avec modif biellette) pour un vélo qui gagne déjà en rendement grâce à son poids.
    Les valeurs d’AS/PK élevées + le ratio très progressif vont jouer négativement sur la traction, en particulier sur les montées raides et trialisantes, et donc nier le bénéfice de la diminution pondérale puisque perte d’énergie par manque d’adhérence…
    Il ne faut pas oublier qu’en terme d’énergie, un vélo dont les mouvements du châssis seraient parfaitement annulés par l’AS au pédalage serait … un hardtail – donc plus aucun bénéfice d’avoir une suspension au pédalage.

    1. Salut Adrien, je reviens sur ton commentaire après coup. Dans la mesure ou certaines marques utilisent un anti-squat plus haut comme argument/artifice/solution pour compenser un poids important, on peut effectivement penser que conserver un anti-squat élevé alors que le poids est réduit n’a pas de sens… Mais on peu aussi voir les choses à l’inverse > pourquoi une marque qui parvient à sauver du poids, devrait-elle finalement face à cette logique, gréver une partie de son bénéfice en rabaissant l’anti-squat ?! Avec ces raisonnements, n’encourage-t-on pas finalement à en arriver au même ? ne fait-on pas obstacle au progrès en ayant une seule vision, un statu-quo ? Je suis par ailleurs curieux de voir ce que le ratio de départ très élevé apporte là-dedans. Et ce que Last a obtenu en matière de settings d’amortisseur pour faire fonctionner l’ensemble…

      1. Je suis bien d’accord, c’est une question de préférence, de philosophie.
        « pourquoi une marque qui parvient à sauver du poids, devrait-elle finalement face à cette logique, gréver une partie de son bénéfice en rabaissant l’anti-squat ?! »
        Voilà ce que j’en pense.
        Peut-être parce que vu sa géométrie et son débattement, le programme du Last est avant tout tourné vers le all-mountain ou les courses d’Enduro, donc clairement vers le côté down de la force, pour lesquels un AS/PK réduit est bénéfique ?
        Pourquoi ne pas donner à la suspension toute la liberté que mérite un tel programme en descente, alors qu’un effort massif à déjà été fait pour rendre le vélo performant en monté en réduisant le poids ?
        En plus, il est avéré qu’une suspension donnant plus de traction au pédalage (donc AS/PK réduit) permet de diminuer la fatigue sur les montées techniques ou l’adhérence est critique et ou on attaque justement la zone cardio anaérobie, celle qui va générer de l’acide lactique donc de la fatigue musculaire ?
        D’autant plus qu’il est déconseillé de monter des roues libres avec beaucoup de point d’engagement sur des vélos a AS élevé, ce qui est est clairement un désavantage dans le lent/trialisant (j’ai des expériences de première main là-dessus).
        Enfin la question de l’absence de point de pivot sur les haubans, qui quelque soit la manière dont elle est implémentée, ne sera pas neutre sur la suspension, même si on fait le bilan des forces à la roue arrière.
        Si je regarde l’ensemble de ces paramètres de mon bureau (on est bien d’accord là-dessus 😉 ) j’ai l’impression que le Last est plus un XC à grand débattement qu’une vraie machine de all-mountain.
        Pour en revenir à la philosophie, ma sensibilité, mon expérience et mes terrains de jeux m’orientent vers des vélos avec AS/PK faible et ratio régulier et très progressif (à géométrie équivalente).
        Donc effectivement je trouve regrettable d’avoir un AS/PK élevé sur un superbike ou un gros effort de conception a été fait sur le poids, mais sans doute que cela conviendra très bien à d’autres.

  4. Et en plus de ça, en l’absence de point de pivot sur les haubans, ils vont travailler en flexion, ce qui est probablement calculé par Herb mais va parasiter la suspension (rajouter de la progressivité au ressort à la compression et de la vitesse à la détente).

    Donc AS/PK élevé, ratio élevé, progressivité du ressort élevée … => plutôt resssort métallique que air pour récupérer en sensibilité par diminution des frictions et linéarité du ressort… => augmentation pondérale => absence de bénéfice du gain de poids sur le cadre…
    La perfection n’est pas de ce monde…

    1. Pour ce qui est de la raideur ajoutée par le cadre, je serais tenté de ne pas tomber dans le piège marketing des infos qu’ils transmettent. Notamment la courbe de ratio, qui est un outil pour résonner sur des déplacement, des vitesses, des accélérations, mais pas des efforts ou des raideurs. Last indique avoir tenu compte de cette raideur, pourquoi pas. S’ils ont aussi travaillé avec la courbe de Force/raideur à la roue arrière, qui elle peut intégrer cette raideur supplémentaire, et se rapporche beaucoup plus du rendu que l’on perçoit sur le terrain, ça se tient..

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