Pour Rachel Atherton « devenir mère et gagner à nouveau pourrait être un nouveau challenge… »

Sur la scène internationale, la dernière apparition de Rachel Atherton en compétition remonte à la coupe du monde des Gets, en juillet 2019. Elle s’y était rompue le tendon d’Achille. Depuis, on pourrait penser que la longue convalescence – 9 mois – et le covid – en 2020 – l’ait simplement éloignée du circuit. Mais en s’exprimant, il y a quelques temps, dans le podcast anglophone de Matt Barr Looking Sideway et chez nos confrères de Pinkbike, elle nous apprend que sa réflexion va au delà et porte sur des sujets qui animent notre société. Le propos de l’une des plus grandes championnes de notre sport méritait donc d’être partagé…

Rachel Atherton nous livre tout d’abord une analyse précise et franche du fonctionnement qui l’a tant fait dominer son sport durant sa carrière, ponctuée de hauts et de bas. Elle livre notamment sa peur, passée, de ne pas être capable de gagner à nouveau après une blessure, et les charges d’entrainement qu’elle pouvait s’infliger pour être certaine de l’emporter à nouveau. Le choc émotionnel d’une défaite lui semblait alors trop important pour risquer d’être vécu. Puis, son propos porte sur une vision d’ensemble à plus long terme sur le déroulement d’une carrière…

Au début, tu as énormément de choses à apprendre. Tellement que je pense que ça doit être quelque chose dans lequel tu t’engages à 100% […] Ensuite, quand tu as atteint plusieurs objectifs, il faut s’interroger, trouver de nouvelles choses pour s’épanouir et s’accomplir […] J’ai fini par me demander à quoi je voulais que ressemble ma vie après […] C’est pour ça que j’ai arrêté de voyager l’hiver en quête d’endroits propices à l’entrainement. Que je me suis installée au Pays de Galles, où je passe tout l’hiver dans le froid et sous la pluie, mais avec ma famille et mes proches ! […] Réaliser que mon compagnon m’aime quand même en cas de défaite m’a fait un bien fou !

Rachel Atherton

Naturellement, Rachel évoque donc ce vers quoi ces derniers temps l’ont amené, sa grossesse. Elle nous apprend notamment qu’elle a hésité à rendre la nouvelle publique, craignant en partie les regards et jugements hâtifs du net et des réseaux sociaux… Mais ce sont à la fois ses besoins et sa conception du rôle d’athlète de haut niveau qui l’ont finalement convaincue. Elle a notamment cherché des athlètes et modèles dont s’inspirer à ce sujet, mais n’en a pas trouvé autant qu’espéré, notamment dans le VTT Descente. Et puisqu’elle a toujours pensé qu’une championne devait être une source d’inspiration pour les jeunes générations, elle espère que ce qu’elle partage actuellement pourra servir à celles qui ont 10 ou 15 ans de moins qu’elle, et qui viendront à se poser les mêmes questions…

Je veux en parler et en faire une chose positive, parce que c’est forcément quelque chose de particulier : quand une athlète féminine est enceinte ou devient mère, elle ne peut forcément pas continuer exactement sur la même trajectoire qu’avant. Que ce soit juste ou pas, nous ne sommes pas l’égal des hommes sur ce point. Nous ne le seront jamais. C’est simplement différent. Une femme a l’honneur de devenir mère, ce qui, inévitablement, influence une carrière.

Rachel Atherton

Une influence qu’elle conçoit donc comme une opportunité, une étape, plutôt qu’un obstacle. Se prêtant donc au jeu du partage d’expérience, Rachel Atherton aborde notamment le fait de continuer à rouler, ou non, durant le début de sa grossesse…

Devais-je arrêter de rouler immédiatement après avoir appris ma grossesse ? […] J’ai trouvé très peu de choses pour me renseigner au sujet de ma pratique très spécifique. […] Alors j’ai décidé que je devais continuer à faire ce que je fais habituellement : écouter mon corps et mon instinct. J’ai décidé de continuer à rouler avec la même confiance et application. La peur et l’hésitation rendent les choses plus dangereuses. Au final, j’étais la même personne avec les mêmes compétences à vélo. […] Entre la blessure, la guérison et la grossesse, ça a été une année tellement chargée d’émotion ! […] Étonnamment pour moi, j’ai totalement accepté de ne pas rouler de mon mieux, acceptant qu’il ne s’agissait pas « juste » de la sortie du jour, mais d’une image plus large. J’ai une vie en moi que je nourris et que je fais grandir, c’est si spécial !

Rachel Atherton

Une sorte de sagesse et de tranquillité d’esprit que Rachel Atherton précise ensuite à travers ce que le rôle de mère peut avoir tendance à impliquer. Une vision, un engagement à long terme qui amène d’autres questions…

En tant qu’athlète, il s’agit d’être focus sur sa performance et sa récupération chaque jour. Donner le meilleur journée après journée. [… Avec la grossesse] il y a un côté autorisation de ne pas travailler à fond, de lever le pied, sans avoir à culpabiliser […] Une grossesse demande d’envisager la vie de manière plus globale. Ça permet de réaliser davantage que les attentions d’un jour permettent de construire un lendemain meilleur.

Rachel Atherton

À propos de lendemain justement, Rachel Atherton conclut en acceptant d’évoquer l’avenir, même s’il n’est pas encore fixé à ses yeux. Entre le Dyfi Bike Park et la marque Atherton Bikes, les opportunités sont multiples et ses choix définitivement en suspens. D’autant qu’elle n’élude pas la question d’un retour à la compétition. Lucide, raisonnable et confiante, elle confie que…

C’est impossible à dire. Je ne veux pas être naïve et dire « je vais revenir et remonter direct sur la plus haute marche ! » Je sais qu’il va y avoir un grand changement bientôt, en ayant un enfant. Même si j’avais envie de revenir, pour l’heure c’est l’inconnue totale. Il y a toujours en moi un feu qui veut me challenger, revenir et voir jusqu’où je pourrais remonter sur le podium. Le faire après avoir un bébé et un nouveau challenge de la vie… […] Et puis, je n’ai jamais cherché à battre des records. […] C’est des choses dont on me parlait en cours de saison […] Je n’en était pas vraiment consciente avant que ça arrive […] Mais désormais, j’ai 39 victoires en coupe du monde. Le record est celui d’Anne-Caroline Chausson, la plus grande des VTTistes. Elle en a 42. […] C’est alléchant et ennuyeusement proche !

Rachel Atherton

Alors, reverra-t-on Rachel Atherton au départ d’une coupe du monde de Descente ? Après de tels propos, la question mérite d’être posée, mais la réponse appartient à la principale intéressée. Lorsque le moment sera venu, et qu’elle trouvera sa place dans la réflexion livrée ici. Jusqu’à présent, le propos et la démarche semble posée, paisible et juste. Tout porte donc à croire qu’elle sera pertinente, quelle qu’en soit l’issue.