Comme vous l’avez certainement remarqué, cette saison, Endurotribe met les petits plats dans les grands pour vous offrir une couverture « compétition » originale et innovante. Au fil de ces derniers jours, vous avez pu découvrir nos articles sur les forces en présence aux avants-postes, les détails des tracés, les résultats en live, notre toute nouvelle analyse statistique « Entre les chiffres », sans oublier les infos précieuses et exclusives de Nicolas Filippi dans « De l’autre côté de la rubalise »…
Hier nous vous présentions les tracés argentins qui attendent les pilotes à Cerro Catedral, c’est désormais au tour de Nicolas Filippi, coach de Bryan Regnier, Yoann Barelli, Sébastien Claquin sur les EWS, de poursuivre sa chronique « De l’autre côté de la rubalise » !
Article mis à jour le 2/04 à 11h
Photos : Enduro World Series et Nicolas Filippi
Bienvenue en Argentine !
Cette première manche des EWS aura été particulièrement éprouvante pour l’ensemble des pilotes. Les 200km et 6000m de D+ avalés en 4 jours auront laissé des traces, et au lendemain de ce long week-end le mot d’ordre est : RÉCUPERATION ! Mais avant de vraiment se reposer et penser à récupérer, il faut remballer toutes les affaires et les vélos et prendre la route vers Bariloche (Argentine) de l’autre côté de la Cordillère des Andes, à environ 350km, pour la 2ème manche des EWS.
La route vers Bariloche se fait quasiment intégralement par une route nationale. Au début se sont de grandes plaines qui ressemblent vaguement à ce que l’on peut rencontrer dans les campagnes françaises en plein été. Puis au fur et à mesure que l’on se rapproche des montagnes, le paysage change, devient plus vert, parsemé de lacs et de grandes propriétés longent la route par ci par là. Nous arrivons à la frontière chilienne, il faut y faire un peu de paperasse, ça va assez vite (30min environ). Nous reprenons la route, et le décors devient fabuleux, à la fois beau et inquiétant… Quelques volcans ne sont pas loin et on peut largement imaginer qu’il y a eu une éruption quelques années auparavant en voyant tous ces arbres morts, figés, et ce sol gris cendre.
Après quelques dizaines de minutes de route nous voici maintenant au poste frontière argentin pour faire à peu prêt les mêmes papiers… 30 minutes plus tard nous reprenons la route… ça commence à être long et il est temps d’arriver ! Notre route longe le grand lac Nahuel Huapi et il faut en faire le tour pour enfin arriver à Bariloche.
Le paysage est ici totalement différent, c’est le début des grandes steppes de la Patagonie du Nord. Nous arrivons enfin, il fait nuit, nous trouvons assez rapidement notre logement, un bon repas et au lit !
Mardi 29
Après une bonne nuit de sommeil, réveil en douceur et on a enfin une matinée calme après 4 jours de course et 1 jour de voyage. Nous n’avons rien de particulier de prévu au programme, Bryan va se reposer, se reposer et se reposer ! Moi je vais nettoyer et réviser son bike. En fin de journée, l’organisation des EWS nous envoie un mail nous signifiant qu’on pouvait marcher les spéciales aujourd’hui, alors que c’est marqué sur le Race Book que les recos à pieds se feront mercredi… Après 4 ans d’existence, on est quand même toujours un peu dans le vague et si tu ne vas pas à la pêche aux infos à droite, à gauche, entre les pilotes, avec l’organisation, et bien tu es vite larguer ! Enfin bref, ce n’est pas grave de toute façon je voulais que Bryan récupère !
Mercredi 30
Mercredi matin, jour des recos à pieds, il pleut ! Une chance inouïe ici ! Car depuis 1 an, il n’a plu que 3 jours (info locale) !!! et il va pleuvoir presque toute la journée ! Tant mieux, car d’après Yo et Séb qui sont allés marcher les spéciales la veille, il y a 10 à 20cm de fech fech (sable/poussière très fine) quasiment partout ! Du coup, la pluie a freiné nos ardeurs pour aller marcher, en revanche Bryan ira faire un petit ride dans les chemins aux alentours de l’appartement (les chemins de la station de Cerro Catedrale étant fermés aux pilotes) pour sentir le terrain et faire un premier choix de pneus pour débuter les recos officielles demain. Une dernière bonne nuit et demain c’est reparti gaz en grand pour les reconnaissances.
Jeudi 31 – Premières recos
Jeudi, début des recos officielles de cette 2ème manche des EWS.
Ici la course se court sur un format différent de la semaine dernière. Comme à Corral, il y a 6 spéciales de prévues sur 2 jours. Avec un mix de liaisons à la pédale et d’autres en télécabine. Pas beaucoup de kilomètres, 22km et 1300m de D- le premier jour, et 28km et 1450m de D- le second jour… Vraiment beaucoup plus léger que la semaine dernière !
Pour les recos, les navettes sont autorisées sur les liaisons sur route en plus des liaisons en télécabine. Il reste juste une liaison de 5km à la sortie du télécabine pour rejoindre les départs des spéciales 1 et 3. De plus, des horaires de passage ont été instaurés dans chaque spéciale pour limiter le nombre de passage des pilotes sur un sol semble-t-il très meuble…
La première spéciale prévue au programme est la SP2. Une spéciale « sprint » de 1km avec une première partie assez technique sur de grandes dalles de pierre puis une seconde partie tout en sable au milieu de petits arbrisseaux. Une spéciale pas évidente mais idéale pour prendre les sensations de ce terrain atypique. Les pilotes enchaîneront ici 4 à 5 passages (il n’y a aucune liaison et les rotations s’enchaînent bien). D’après les pilotes, le terrain évolue à tel point que rien n’est pareil au passage suivant ! Bryan (en caméra embarquée ci-dessous), Séb et Yo ont tous les trois de très bonnes sensations et sont déjà bien dans le rythme.
Une « mini » pause puis c’est reparti vers la SP3. Cette fois la liaison prend nettement plus de temps, 20 minutes de télécabine plus 30 minutes de liaison à vélo pour rejoindre le départ de la spéciale. Lors de leur premier passage, les pilotes reviennent avec un large sourire et j’ai même pu entendre quelques pilotes se marrer sur leur bike et pousser des cris de joies à l’arrivée ! Ça a l’air vraiment bon !
Mais pas pour longtemps… Lors de leur 2ème descente, ils pensaient tous prendre leurs marques, mais le passage de plus de 300 pilotes a totalement transformé la piste et rien n’est identique ! Maintenant tout est dans l’improvisation, l’automatisme, le regard, cette course qui devait être « facile » physiquement devient en fait très exigeante mentalement et nerveusement ! Tellement la piste change, les organisateurs sont déjà obligés d’ouvrir de nouvelles traces en parallèle !!!
Une nouvelle petite pause et direction la SP1. A nouveau la même liaison avec une petite variante à la fin pour rejoindre le départ. Le haut de la SP1 est en partie commun avec la SP3. Au début ça roule dans un genre de steppe de montagne avec de grosses mottes d’herbes, du sable avec de grandes courbes et des appuis fuyants. Encore une fois le terrain évolue tellement vite qu’entre le 1er et le 2ème passage, la piste qui était vierge s’est retrouvée totalement défoncée avec par endroit d’ornières bien profondes ! La partie basse est plus plate et il va falloir pédaler fort et ne pas faire d’erreur pour claquer un bon chronos.
La journée se termine enfin, le bilan est plutôt bon, mes trois poulains ont eu de très bonnes sensations et se sont bien régalé sur un terrain très spécifique. Demain recos des spéciales 4, 5 et 6, on ne devrait pas avoir trop de surprise au niveau du terrain 😉
PS: Jared Graves a fait une grosse chute à la fin de la SP3 et se serait abîmé l’épaule. Il est allé à l’hôpital, rien de cassé mais il ne peut apparemment pas courir ce week-end… Note de la Rédac’ : Jared Graves est officiellement forfait ce week-end…
Vendredi 1er – 2ème journée de recos
Après le premier jour de recos qui aura réservé de belles surprises au niveau du terrain, les pilotes savent maintenant à quoi s’attendre sur les 3 autres spéciales d’aujourd’hui. Ce qui était « rigolo » à rouler hier l’est beaucoup moins aujourd’hui. Donc au menu du jour, reconnaissances des spéciales 5, 4 et 6. A la vue de la dégradation des pistes, l’organisation a décidé de limiter à 2 runs de reconnaissances par spéciales… (en même temps ce n’était pas possible d’en faire plus dans les 2 heures accordées).
A 8h30 nous nous rendons donc au départ de la liaison vélo pour aller à la SP5, il y a pas mal de givre et il fait bien froid ! Ça n’aide pas à se réveiller tout ça… mais bon il faut y aller ! Le team Giant avec Josh Carlson et Yo sont toujours là pour blaguer un peu et détendre l’atmosphère, ce qui ne les empêche pas d’être pros ! Cette SP5 est sans doute la spéciale la plus physique avec une première partie très pédalante et une seconde partie un peu plus technique. Comme les spéciales de la veille, le terrain travaille beaucoup. Mais par sa topographie, pose d’avantage de problème. La plupart des top pilotes avait choisi hier des pneus avec beaucoup de grip et des amortisseurs à ressort, mais sur cette spéciale il faut du rendement au maximum, on teste donc des pneus, des amortisseurs plus légers avec blocage au guidon, chacun optimise son bike au maximum car la course pourrait à nouveau bien se jouer sur la spéciale la plus physique du weekend…
Après cette SP5 bien physique, place maintenant à la SP4 plus dans la pente. Dès le premier run la piste se dégrade très vite et il y a beaucoup de chutes avec les énormes trous qui se forment ! Théo Galy en fera les frais dans le schuss final avec une énorme chute, mais fort heureusement sans gravité. A la suite de ce 1er run, Bryan fera modifier sa RockShox Lyrik pour la passer en 180mm relevant ainsi le poste de pilotage et augmentant le débattement dans les fortes compressions. Sur le run suivant il s’est senti nettement mieux avec un meilleur feeling sur le vélo.
Enfin la SP6, sensiblement identique à la SP4 puisque tracé quasiment en parallèle de celle-ci. Après les 2 derniers runs de recos, les pilotes sont bien contents d’en finir car la fatigue mentale dans un premier temps et physique du haut du corps dans un second, est bien plus importante que d’habitude.
Les recos sont finies, et ce weekend annonce une sacrée course ici à Cerro Catedral en Patagonie ! J’ai entendu de ci de là quelques noms de pilotes qui ont l’air plus vite que les autres et sans surprises se sont les mêmes que le Top 5 de la semaine dernière à une ou deux exceptions près…
NB : Juste un petit mot sur l’éternel question des recos. Personnellement, comme beaucoup de pilotes, j’adore rouler « à vue » ! Mais il faut bien comprendre que ce sont des World Series et qu’il est totalement impensable pour des raisons d’équité et surtout de sécurité d’envoyer des pilotes professionnels (pour le Top 30) sur des pistes méconnues ! Ces pilotes roulent vraiment au maximum de leurs capacités, et il est normal qu’ils connaissent un minimum les pistes. Nous sommes loin d’être en DH où il y a une seule piste que les pilotes connaissent par cœur, en Enduro World Series, les recos se limitent à 1 ou 2 passages par spéciales dans la plupart des cas, et il y a de nombreuses spéciales dans lesquelles il faut connaître les gros pièges. En aucun cas les pilotes n’essayent de tout connaître par cœur. Evidemment nous sommes loin du format enduro originel, mais nous sommes ici en Amérique du Sud, et peut être bien que l’Enduro est vue comme cela ici. Et étant donné qu’il n’y a pas de cahier des charges précis sur le parcours, chaque organisateur fait sa course comme il veut. D’un certain côté c’est très bien, car ça permet de diversifier les types de courses. Donc les recos, c’est « obligatoire » sur les enduro de haut niveau et nettement moins sur les courses régionales ! Et le problème des « limeurs » du quartier restera toujours et ça rien ni personne ne pourra rien y faire !
Nico – perfoptimal.fr