EWS 2014 de Whistler – Justin Leov nous raconte sa course

Texte : Justin Leov # Photos : Jérémie Reuiller

J’ai déjà eu des week-ends difficiles par le passé, mais celui que je viens de vivre à Whistler a établi un nouveau record ! Petit retour en arrière, après l’étape précédente du Colorado j’avais enchainé immédiatement avec deux jours de tests suspensions pour Fox et Trek. Puis direction le Québec pour la Coupe du Monde de Descente puisque je coach les pilotes du team Trek. Une semaine donc à fond et pas vraiment le temps de me reposer et de récupérer correctement après les efforts de Winter Park.

Aller-retour hôpital/EWS !

En arrivant à Whistler le lundi suivant je ressentais toujours des problèmes à mon genou, je commençais donc mon trip en réservant des séances de physio à Back in Action ainsi que des séances de massages. Sans oublier de l’acupuncture et du taping. Bonne décision, j’allais rapidement sentir les bénéfices de ces traitements les jours suivants.

Le jeudi matin, de retour d’un échauffement matinal où j’avais travaillé de courts sprints pour mettre mes jambes en mode « course », je me sentais fatigué et sans d’énergie. Je rentrais à notre appartement et me jetais au lit après une rapide douche. J’étais vidé, j’avais de la fièvre.

Vendredi matin je me réveillais avec un fort mal de gorge, mais moins de fièvre donc je décidais de participer aux reconnaissances du jour. Je parcourais les spéciales 1 et 2 deux fois, puis lentement la 5 en gardant mon rythme cardiaque en dessous de 120 battements par minute pour limiter au maximum le stress sur mon physique. Même en y allant doucement c’était vraiment très dur et mon corps m’implorait d’arrêter.

De retour à l’appartement je me rendais compte que ma gorge me faisait de plus en plus mal, je sentais des picotements dans mes doigts, avec en plus une éruption de boutons sur mon visage. La nuit fut courte et je me réveillais plein de douleurs. Malgré tout je me préparais pour la seconde journée des reconnaissances.

J’ai parcouru la spéciale 3 deux fois. Avec 40 minutes de montée pour y accéder, je faisais, comme la veille, attention à maintenir un rythme cardiaque bas. Pas simple dans une montée bien raide !

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Il me restait une spéciale à reconnaître et l’on y accédait depuis le haut de la 5. Je la faisais une fois et redescendais à l’appartement. J’étais détruit et tous mes symptômes avaient empirés. Les picotements dans mes doigts devenaient vraiment préoccupants, j’avais même du mal à enlever mes gants. Ma gorge me faisait vraiment mal et lorsque je l’examinais dans la salle de bain j’étais horrifié de constater que ma bouche était pleine d’ampoules !

Il se faisait tard mais je savais que je devais consulter un médecin. Vers 10 heures le soir, Ray, mon team manager, m’emmenais donc au Whistler Medical. Mais à cette heure-ci impossible de recevoir un traitement, ni même une vraie consultation. On procédait tout de même à un prélèvement sanguin dont je n’aurais les résultats que le jour suivant. Un docteur me conseilla simplement de ne pas courir le lendemain. Ce n’est pas la première fois de ma carrière que j’entendais ça… A 1 heure du matin j’étais de retour dans mon lit, sans diagnostic et sans solution, déprimé.

Dimanche – Jour de course

Je me réveillais assez nerveux. Pas pour la course elle-même mais pour les éventuelles conséquences sur ma santé d’une journée qui s’annonçait particulièrement éprouvante. Je décidais « d’éteindre » ce signal d’alarme mentalement et de me concentrer sur la course ; de prendre le départ mais de rester à l’écoute de mon corps, et de ne pas prendre de risques inutiles. Je devais « survivre ».

Spéciale 1: Une heure de pédalage en montée, puis un petit échauffement en descente pour accéder au départ. Je m’élançais prudemment. Le grand nombre de passage des pilotes en reconnaissance avait défoncé le terrain. Il y avait des trous dans tous les coins qui représentaient autant de pièges. J’y allais vraiment tranquille et je finissais avec un goût de sang dans la bouche, pas le top comme sensation…

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Encore 40 minutes de montée par 30°C pour accéder au départ de la spéciale 2. Je pensais à bien m’hydrater, à bien me nourrir et je recherchais le plus possible les passages à l’ombre.

Spéciale 2 : Très similaire à la 1. Des passages très techniques, difficile de maintenir un bon rythme sur ce terrain lui aussi défoncé. Je me sentais un peu mieux mais j’étais toujours aussi prudent.

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La liaison vers la spéciale suivante était plus longue, il fallait traverser la vallée et remonter de l’autre coté par une sentier assez large. Heureusement une bonne partie était à l’ombre car il faisait maintenant plus de 30°C.

Spéciale 3 : Un parcours plus adapté à mes capacités, un peu plus ouvert que les précédents, mais tout aussi défoncé. Le fait que mon corps résiste me donnait un peu de confiance en plus et je réussissais à faire un bon run. Je me motivais pour passer l’obstacle de la prochaine spéciale, après ça je savais que nous remonterions avec le télésiège, je devais tenir jusque là.

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La liaison suivante nous faisait retraverser la vallée avec une bonne heure de montée en plein soleil à la clé. Je n’ai jamais autant apprécié d’avoir un casque léger et ventilé comme le Parachute. Je buvais deux litres d’eau dans la côte et j’arrivais tout juste dans la limite du temps imparti au départ de la spéciale. Je commençais à souffrir vraiment, la chaleur était étouffante, j’avais mal partout.

Spéciale 4 : La plus technique du week-end selon moi. Un terrain vraiment dangereux. J’avais prévu de rouler prudemment et de faire en sorte de ne pas abîmer mon vélo. La dernière spéciale serait très longue, il était important d’y arriver avec le matériel en bon état. Je m’élançais et j’avais somme toute de bonnes sensations. Je ralentissais mes élans là ou d’habitude j’aurai attaqué, et je passais les obstacles sans encombre. Ma gorge brulait comme jamais. Je me jetais sur l’eau glacée qui était à disposition à l’arrivée pour me rafraîchir.

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Nous avions 30 minutes pour retourner au paddock et un peu de temps avant de prendre le chemin de la dernière spéciale (Top of the world).

Une formidable sensation que de pouvoir observer le paysage depuis les remontées mécanique et ne pas devoir pédaler une heure au soleil ! Pour cette dernière spéciale je décidais de tout donner. J’avais déjà atteint mon objectif d’arriver jusque-là, je n’avais rien à perdre. Le tracé moins serré que celui des spéciales précédentes était bien adapté à mon vélo et à mon style de pilotage. Et en plus une spéciale aussi longue pouvait me donner l’occasion de refaire une partie du retard que j’avais accumulé plus tôt dans la journée.

Spéciale 5 : Dès le départ je réussissais à trouver un bon tempo. Je ne sentais plus mes douleurs comme par miracle. J’essayais d’avoir un pilotage le plus propre et le plus efficace possible pour maintenir toujours une bonne vitesse. Tout se passait à merveille et en passant la ligne d’arrivée j’avais la sensation d’avoir réaliser une bonne performance.

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J’avais vraiment du mal à réaliser que j’avais pu terminer la course, et je ne parle même pas du fait d’avoir réussi à terminer à la sixième place du classement général !

Tout de suite après la course je reprenais la direction de l’hôpital. Les résultats de l’analyse de sang indiquaient une sorte de fièvre aphteuse (Syndrome pieds-mains-bouche) que l’on soigne par…une semaine au lit ! Après un tel week-end je ne demandais pas mieux !

J’ai appris au travers de cette expérience éprouvante que le mental et le corps ensemble peuvent repousser bien des limites. J’ai aussi appris comme il est important de ne pas baisser les bras aux premiers signes de difficulté. Tout n’a pas fonctionné comme je l’espérais lors de ces dernières courses mais ça, c’est la compétition. Ne rien lâcher, jamais, et cela finira par payer.

Rendez-vous à Finale Ligure pour le dernier acte des EWS en Octobre prochain. Avant cela je passerai par la case « maison » en Nouvelle-Zélande puis ferai mon retour en Europe à l’occasion du Bluegrass Enduro Tour de Castelbuono en Sicile.

Justin