Les chronos ne parlent pas encore, mais les paddocks, eux, racontent déjà beaucoup. Comme à chaque manche de Coupe du Monde, l’envers du décor fourmille de petits détails, de bricolages discrets, de retours attendus, de paris techniques et d’expérimentations pas toujours visibles au premier coup d’œil. À Leogang, la première triple manche de la saison, l’ambiance est studieuse… Mais pas que. Entre pilotes qui reviennent de blessure, pneus énigmatiques, boîtiers noirs et freins bichonnés, voilà tout ce qui se trame de révélateur dans les paddocks de Leogang 👇
💥 L’état de forme des blessés
C’est l’une des rubriques les plus chargées du week-end… Et malheureusement, pas dans le bon sens. À Leogang, les absents sont nombreux, et les présents pas toujours à 100 %.
On commence avec Angel Suarez Alonso, forfait pour cette manche. Le pilote espagnol, blessé aux côtes après une chute à Bielsko-Biała, avait tenté de rouler à Loudenvielle, mais la douleur était trop intense. Cette semaine, il est à nouveau contraint de rester sur la touche. Son équipe, avec humour et sens de la comm’, a même envisagé de faire rouler le mécano à sa place… mais Angel ne sera pas en piste ce week-end.
Du côté des victimes de Loudenvielle, la liste est longue. Lisa Baumann a été la plus durement touchée avec une fracture de la clavicule. Sa chute sur la terrible piste pyrénéenne l’écarte de la compétition pour plusieurs semaines. On espère la revoir dans le courant de l’été, pour le second bloc de la saison.
Rémi Thirion a lui aussi chuté dans les Pyrénées. Il évoque une acromio-claviculaire de grade 1, douloureuse, avec perte de force. Pas l’idéal quand on attaque Leogang, mais le vétéran français reste dans la course. Il comptait tester la piste avec du strapping et des antidouleurs. Expérience et courage obligent.
Même chose pour Tahnee Seagrave, bien marquée par sa chute sur le sol dur de Loudenvielle. Elle souffre d’une contusion à l’épaule gauche, pile à l’endroit où tous les muscles viennent s’attacher. La gestion est chirurgicale : glace, compression via Game Ready, nutrition, hydratation, attitude positive… et quelques antidouleurs légers pour préserver le sommeil. Malgré tout, elle reste leader du général féminin.
Et puisqu’on parle de coups durs, Myriam Nicole traverse un moment compliqué : malade depuis quelques jours, elle fait tout son possible pour rester en piste à Leogang, malgré une forme physique clairement altérée. Pas évident quand on connaît l’exigence du tracé autrichien.
Autre forfait notable : Sacha Earnest. La jeune Néo-Zélandaise a chuté cette semaine et souffre d’une commotion. Pas de course pour elle à Leogang, un terrain qui ne lui réussit décidément pas, puisqu’elle y avait déjà été marquée par une lourde chute par le passé…
Enfin, Erice Van Leuven, de retour après ses lourdes blessures à la Hardline, a lourdement chuté à Loudenvielle. Verdict : pas de course à Leogang. Une pause forcée pour la jeune Néo-Zélandaise, qui accumule malheureusement les coups durs en ce début de saison.
Parmi les bonnes nouvelles, le retour de Rosa-Marie Jesen fait plaisir à voir. Vainqueure « surprise » à Bielsko-Biała, la jeune Autrichienne avait dû déclarer forfait à Loudenvielle après s’être blessée à la cheville. Mais elle est remontée sur le vélo cette semaine à Leogang, et pourrait bien jouer à nouveau les trouble-fête en Juniors.
Autre coup d’arrêt, cette fois-ci pendant les entraînements à Leogang : Nathan Pontvianne, révélation française de ce début de saison, a chuté dans un appui anodin. Glissade, sortie de piste, et une série de tonneaux dans les talus. Les images sont impressionnantes, et laissent présager une pause dans son bel élan. Grosse déception, tant il avait marqué les esprits depuis le début d’année.
Enfin, une absence qui n’a rien à voir avec une blessure : Heather Wilson a annoncé mettre sa carrière en Coupe du Monde sur pause. Elle dit ne pas se sentir “elle-même”, souhaite revenir aux fondamentaux, rouler avec ses amis, chez elle, au Royaume-Uni. Elle insiste : ce n’est pas une fin, mais une parenthèse. En 2024, elle avait pourtant dominé chez les Juniors avec trois victoires et cinq podiums, mais elle choisit aujourd’hui de s’écouter. Une décision saluée par son team, qui parle d’un choix “courageux” et “respecté”.

🛠️ Ça prend soin des freins. Partout.
Il y a eu des blessés à Loudenvielle, oui. Mais on l’a aussi dit clairement dans le Débrief’ FullAttack : les freins ont souffert. Et à voir l’effervescence autour des postes de travail dans les paddocks de Leogang en ce début de semaine, on comprend vite que le sujet n’est pas clos.
Étriers remplacés, purges à la chaîne, plaquettes et disques changés par dizaines… Le paddock s’affaire. Pas tant par panique que par précaution. Et surtout, certaines équipes vont plus loin : elles mesurent, quantifient, analysent.
Chez Specialized Gravity, des autocollants thermiques ont fait leur apparition sur les étriers. De petits rectangles blancs qui changent de teinte en fonction de la température atteinte, façon thermomètre de surface : l’idée, c’est de mieux cerner les montées en chauffe, et donc d’ajuster les composants, les liquides ou les ventilations en conséquence.
Du côté des teams sponsorisés par Shimano, ce sont les tout nouveaux freins XTR – qu’on vous a déjà présentés en détail sur FullAttack – qui passent à l’étape suivante : ils prennent désormais la pleine lumière et doivent montrer qu’ils ont leur place, même en DH, même au pinnacle de ce qu’on peut leur faire subir… Bref, les mécanos ne chôment pas.

🧪 Des pneus en développement chez Schwalbe… et Michelin !
Les paddocks de Leogang ont toujours été un terrain fertile pour les pneus prototypes. Et cette année, deux marques bien connues font parler d’elles : Schwalbe et Michelin.
Chez Schwalbe, on a repéré deux types de pneus encore absents du catalogue. Du côté Cross-Country, des carcasses radiales sont en test. Cette technologie, d’abord apparue en DH avec le team Commencal/Muc-Off puis sortie dans la gamme Gravity, promet meilleure adhérence, plus de confort, et permet de rouler à des pressions un peu plus élevées, ce qui optimise le fonctionnement des suspensions. L’intérêt pour le XC est en cours d’évaluation, et Schwalbe cherche clairement à récolter du feedback de terrain.
En Descente, c’est un nouveau profil inspiré du Dirty Dan qui a été observé, avec des crampons centraux visiblement plus bas. Comme un intermédiaire entre le Dirty Dan original et les références plus polyvalentes de la marque, Tacky Chan ou Magic Mary. Idéal pour les conditions incertaines de Leogang, où grip et rendement doivent cohabiter.
Mais Schwalbe n’est pas seul dans la danse : Michelin aussi a des prototypes en vue. Sur le vélo de Nathan Pontvianne, on a aperçu un pneu arrière badgé d’une étiquette “work in progress”, clairement désigné comme un prototype en développement.
Ce pneu semble être un croisement entre le DH22 et le DH16, avec une volonté affichée : combiner efficacité de roulement et puissance au freinage. Les crampons centraux sont plus bas, mais chez Michelin, on sait que le vrai travail se joue aussi sur la carcasse et les gommes. Autrement dit, les images de profil ne montrent peut-être que la partie émergée de l’iceberg.
🔌 Suspensions électroniques : ça se précise ?
Elles ont fait parler à Bielsko-Biała, on les a soupçonnées à Loudenvielle, et elles reviennent clairement sur le devant de la scène à Leogang : les suspensions électroniques s’installent progressivement dans le paysage de la Coupe du Monde de Descente.
À Bielsko, les lumières d’indication intégrées aux systèmes étaient bien visibles dans la grisaille de début de saison. À Loudenvielle, on en a moins parlé, mais sur la partie haute du tracé, nul doute que les blocages partiels ont été utiliséspar plusieurs pilotes. Et voilà qu’on arrive à Leogang, avec sa portion Motorway, où tirer parti d’un système de suspension dynamique n’est pas un luxe, mais presque une obligation.
Dans les paddocks, les discussions s’intensifient, et quelques détails concrets filtrent. Par exemple, chez Commencal/Muc-Off, la petite lumière visible sur certains vélos serait montée sur un support type Garmin, comme pour rester discret… ou polyvalent. Mais surtout, ce qui commence à se confirmer, c’est que chaque pilote peut ajuster le comportement de son système électronique à sa guise.
Autrement dit, les niveaux de blocage – ou plutôt de fermeté – sont personnalisables, en fonction du pilote, du terrain, et de la cinématique du cadre. Ce n’est pas un système tout ou rien, c’est une cartographie fine, calibrée en interne, pour coller aux préférences et aux ressentis.
Et c’est sans doute là que se joue aujourd’hui une partie du développement, discrète mais décisive : dans la collecte de feedbacks précis, dans l’analyse des datas, et dans la capacité à traduire tout ça en fiabilité, performance… et peut-être, un jour, en produit grand public.

📡 Le boîtier GPS sur les cadres ? Pas ce que vous croyez…
Un petit boîtier noir, discret mais bien visible, fixé à l’avant du cadre… Depuis le début de saison, il fleurit sur pas mal de vélos dans les paddocks. Et forcément, pour les observateurs attentifs, une question se pose : télémétrie ou pas télémétrie ?
Ces dernières années, les équipes nous ont habitués à utiliser des dispositifs de mesure sophistiqués pour analyser le comportement des suspensions, que ce soit à l’entraînement ou parfois même en course. On pourrait donc logiquement penser que ce petit boîtier fait partie de l’attirail.
Sauf que… on l’a vu monté sur des vélos sans aucun autre capteur autour. Pas de fourche câblée, pas d’accéléro, pas de laser, rien. Et ça n’aurait aucun sens de laisser un élément de télémétrie exposé aux chocs, en course, sans qu’il ne soit opérationnel.
En réalité, ce petit module n’a rien à voir avec la télémétrie suspension : il s’agit du boîtier GPS fourni par l’organisation. Sa mission ? Permettre à la réalisation TV de diffuser en direct des données de vitesse instantanée, visibles à l’écran pendant les runs. Un ajout discret mais précieux pour le spectateur, qui donne un peu plus de relief à la lecture du run… et un prétexte de plus pour fixer les yeux sur l’écran.
Le boîtier est monté via un support 3D imprimé, qui reprend la classique patte de fixation GoPro. Pratique, standard, et facilement démontable entre deux runs. Voilà pour le mystère du jour.
🚀 Jackson Goldstone, le déclic andorran
Le week-end dernier à Loudenvielle, le retour aux avant-postes de Jackson Goldstone n’a échappé à personne. Un run stratosphérique, des lignes millimétrées, et une victoire nette pour la jeune pépite canadienne. Après un début de saison plus discret — seulement 17e à Bielsko-Biała —, le contraste était saisissant. Alors, qu’est-ce qui a changé entre ces deux manches ?
Jackson lui-même a vendu la mèche en interview. Entre la Pologne et la France, beaucoup de pilotes sont allés s’entraîner en Andorre, et Goldstone faisait partie du voyage. Pourquoi Andorre ? Parce que le bas de la station de Vallnord, ancienne piste de Coupe du Monde, reste un incontournable. Pente marquée, grip capricieux, virages relevés mythiques : de quoi se remettre sérieusement dans le rythme.
Les réseaux ont vite été inondés de clips : saut pour plonger dans la pente comme s’il n’y avait pas de demain et virages relevés martyrisés. Des images stylées, mais surtout du vrai roulage engagé, sur un terrain très proche de ce qui attend les pilotes à Champéry, théâtre des Mondiaux cette année.
Mais surtout, Jackson ne s’est pas entraîné seul. Il a roulé avec Amaury Pierron et Ronan Dunne, deux clients, dont un qu’il décrit lui-même comme “un vrai moteur”. Il a reconnu que prendre la roue d’Amaury sur certaines traces secrètes andorranes — les fameuses —, l’a aidé à se remettre dans le bain, retrouver des repères… et clairement se botter les fesses pour retrouver le niveau. Résultat à Loudenvielle ? Jackson 1er, Amaury 2e. Merci qui ?!

🇦🇹 Les Autrichiens à domicile : pression ou propulsion ?
Leogang, c’est à la maison pour les Autrichiens. Et à en croire ce qu’on a vu en piste depuis le début de la semaine, ils ne comptent pas laisser passer l’occasion.
Jeudi, Andreas Kolb a claqué le meilleur temps des essais chronométrés. De quoi annoncer la couleur pour le pilote YT, ultra motivé devant son public.
Mais la figure centrale, c’est évidemment Vali Höll. Invaincue ici depuis deux éditions, elle a remporté à chaque fois la qualif, la demi et la finale. Résultat : six runs chrono officiels consécutifs sans la moindre défaite à Leogang. La série peut-elle continuer cette année ? Les conditions, le public, et la forme du moment semblent tous jouer en sa faveur.
Et la relève est bien là. La semaine dernière à Loudenvielle, doublé autrichien chez les Juniors filles, avec Lina Frenerqui s’impose d’un cheveu — une seconde et demie — devant Rosa Zierl. De quoi prouver que Vali fait des émules, et que l’école autrichienne de DH se porte très bien.
Alors oui, ce n’est qu’un des axes de lecture de cette manche, mais il est parlant. Surtout quand on le met en parallèle avec la situation côté français : beaucoup de tricolores en finale à Loudenvielle, mais aucune concrétisation. Alors, les Autrichiens peuvent-ils faire mieux à la maison ? Réponse ce week-end… et débrief complet lundi à 18h sur FullAttack.