Des pits neufs, la guerre du matos qui repart de plus belle, une piste qui n’en fini pas de surprendre, un format de qualif qui fait parler, un plateau chamboulé par les blessures, et une pression qui monte d’entrée. Voilà le décor. La Coupe du Monde 2025 de DH s’ouvre ce week-end à Bielsko-Biała, en Pologne, et personne n’arrive vraiment dans un confort absolu, quelles que soient les apparences. Les repères sont à construire, les ambitions à confirmer, les retours à valider. C’est peut-être ce qu’il fallait pour faire tomber les masques et lancer la saison à fond. Ce qui se trame en piste, et à côté, sur FullAttack !
Les nouveaux pits sont de sortie
C’est la rentrée des classes… y compris dans le paddock. Et comme chaque année, ça déballe du neuf. Peut-être même plus cette année que les précédentes… Du moins, on sent un nouveau cap de franchi cette saison ! Après des mois passés à plancher sur les plans, les aménagements, les optimisations, les staffs sortent enfin leurs nouveaux jouets. Les installations repensées ou fraîchement construites font leur première sortie officielle, et on sent l’impatience de voir si les efforts de l’hiver vont vraiment payer une fois la machine lancée.
Les athlètes, eux, jaugent déjà. Le coin détente, la cantine, le sens de circulation dans le stand : tout ce qui touche à la routine quotidienne passe au scanner. Parce que quand le rythme s’accélère, c’est là que la logistique fait la différence. Et quand tout roule, on peut rester dans sa bulle sans se cramer pour des détails. Sauf que tout ça ne s’improvise pas. Monter une nouvelle structure demande du monde, du savoir-faire, de l’anticipation. Et quand le terrain, comme souvent, est un parking en pente ou un champ de graviers détrempé, les galères s’invitent vite. Les équipes rodées encaissent. Pour les structures plus jeunes, ça peut vite devenir un sacré casse-tête.
Au milieu du paddock, deux stands attirent les regards cette année : Orbea FMD et Commencal/Muc-Off.
Les deux franchissent le cap dont on a parlé en début de paragraphe. Dans les deux cas, parce que les structures qui se déploient façon motor-home de F1 ou Moto GP. Chez FMD, c’est pour prendre de la hauteur, et s’offrir un niveau de plus dans l’agencement de l’ensemble. Tony, père de Tahnée Seagrave, y a passé ces derniers moins pour s’assurer que tout soit prêt à temps. Le Commencal/Muc-Off, lui, s’enferme dans un cocon : espace cloisonné, parquet chez les mécanos, ambiance feutrée, même quand il pleut à verse dehors. Bref, le paddock monte en gamme !
Freins, boite à vitesse, lests, mass-dampers…
Du nouveau, il y en a aussi à l’intérieur des pits, ce n’est pas que de l’aparrat. En ce début de saison, le paddock bruisse d’infos plus ou moins officielles, et les regards curieux se posent sur tous les détails techniques qui dépassent après avoir déjà vu des choses fuiter durant l’hiver…
Chez Specialized Gravity, on roule avec des freins inédits. Rien de confirmé, mais les rumeurs parlent de Brembo – logique, Öhlins est déjà dans la place, et appartient au même groupe. Ce qu’on voit, c’est un ensemble qui a déjà l’air bien avancé : pièces moulées, look de série, et câblage pour de la prise d’infos sans doute lié au système d’acquisition de données. Le tout semble en tout cas sur le chemin de la production, à un moment où à un autre…
Et ce n’est pas tout. Toujours chez Specialized, le vélo roule avec un dérailleur mais aussi un renvoi de chaine et volume qui peut suggérer l’emplacement d’une boite à vitesse le moment venu… D’autres ont déjà communiqué sur ce sujet durant l’hiver : Intense, Atherton, Aon, Pivot… Mais chez Spé, c’est plus une surprise, un secret bien gardé jusqu’ici. Une photo avait bien, un temps, circulé sur les réseaux sociaux durant l’hiver, mais… Bref, la solution présentée ici parait compacte, intégrée, et se loger pile à l’endroit où se jouait jusqu’ici une partie de la cinématique. Curieux de savoir comment tout ça a été réorganisé, mais ce qui est sûr, c’est que le résultat a de l’allure.
Autre entrée remarquée : Orbea, qui débarque officiellement en DH avec le team FMD.
On sait que Martin Maes, passé maître dans l’art de détourner les vélos de série pour expérimenter, est dans la boucle et assure certainement une certaine continuité entre les développements précédents et l’intégration de cette nouvelle équipe dans la boucle. Quoi qu’il en soit, le FMD roule ce week-end sur un proto masqué, mais on est bien placé pour vous glisser que ça ne devrait plus durer. En attendant, on a forcément tous un regard sur le comportement du vélo en piste, pour saisir où se situe le niveau de maîtrise du vélo chez les pilotes du FMD, et mesurer le travail de mise au point qu’il peut encore y avoir à faire, ou non, pour en tirer le meilleur parti… Bref, savoir où l’équipe se situe à ce niveau là !
500g de lest sous le tube oblique de Vali Höll ! Les mass-dampers plus incertains…
Enfin, la chasse aux millisecondes pousse certains à jouer avec les masses. L’équipe de Vali Höll a par exemple placé 500 g sur le tube diagonal pour calmer un vélo jugé trop vif. Du côté de Pivot, on sort carrément le mass-damper de 550 g — une sorte de ressort lesté logé dans une boîte — pour gagner en grip avant, limiter la fatigue et stabiliser l’ensemble. On parle des deux – lests et mass-damper – en même temps pour souligner un retour qui circule dans le paddock : Les tests de l’usage de lests disent que ça marche. Par contre, l’effet est plus subtil, concernant le fait que ce soit via un mass-damper… Affaire à suivre !
Des nouvelles de la piste
Tout le monde y croyait un peu : que la piste, en année deux, aurait profité de l’hiver pour se tasser. Que la neige l’aurait figée, compactée. Qu’on aurait quelque chose de plus rapide, plus constant, plus net. Raté. Le tracé en lui-même n’a quasiment pas changé, mais le staff a bossé. Et pas qu’un peu. De la terre fraîche a été rapportée un peu partout. Sauf que fraîche et exposée à la pluie/neige fondue, elle n’a pas été tassée ! Résultat, dès la première ligne droite, c’est mou sous les pieds, déjà gras, déjà piégeux, et ça ne va pas mieux ensuite.
Le terrain est décrit comme glissant, avec des cailloux en embuscade sous la surface, prêt à ressortir insidieusement. En haut, c’est « full sticky » — collant à souhait. Et tout le monde s’attend à voir les ornières se creuser à mesure que les passages s’enchaînent, avec des pierres qui remontent et cassent les trajectoires. Une terre lourde, vivante, qui promet une piste technique, changeante, et difficile à lire jusqu’au dernier moment. Bref, l’imprévisibilité de l’an passé est de retour. Et il va falloir en tenir compte pour analyser ce qui se jouera ce week-end.
Qui est là, qui ne l’est pas ?!
Avec la saison qui s’installe, les choix de chacun deviennent visibles, et certaines absences interrogent. Alex Rudeau, par exemple, ne sera pas au départ à Bielsko-Biała. Malgré son podium à Pietra, il fait l’impasse pour se concentrer sur la Trans Madère, preuve que la Coupe du Monde EDR ne pèse plus aussi lourd dans les décisions. De l’autre côté de l’Atlantique, Aaron Gwin poursuit sa remise en route. Pas de wildcard pour la Pologne : l’Américain continue de s’entraîner chez lui à Windrock, après avoir récemment remporté une course locale. Retour prévu pour Loudenvielle.
Chez les filles, Harriet Harnden enchaîne fort : après une victoire inattendue en Enduro à Pietra, elle est déjà en Pologne pour la Descente. Et ce n’est pas un coup de tête : elle a passé l’hiver sur le vélo de DH, avec l’objectif de briller sur ce format en 2025. Elle laisse donc le champ libre à ses adversaires sur la scène EDR. Côtés juniors, une nouvelle tête chez Specialized Gravity : Rosa Marie Jensen, issue du programme Gen-S, passe dans la cour des grandes. À 17 ans, la Danoise débute en Coupe du Monde avec un statut de pépite à suivre, après s’être signalée sur l’iXS portugaise. Sa promotion dans l’équipe usine est saluée, notamment parce qu’il s’agit – enfin – de l’intégration d’un profil féminin dans cette équipe restée très masculine jusqu’ici.
La sélection des invités par wildcard donne un bon aperçu des talents à suivre pour Bielsko Biala et Loudenvielle, notamment côté tricolore ! Le team Goodman Santa Cruz est dans le mix, avec Lisa Bouladou, Thomas Estaque, Nathan Pontvianne et Mylan Falquet. Une densité de profils prometteurs qui leur ouvre probablement les portes de plusieurs manches. Même chose pour Rogue Racing : Thibaut Daprela est bien au départ, tout comme Davide Palazzari, champion d’Italie et top 10 en Coupe du Monde. À surveiller.
Enfin, l’une des belles histoires du week-end vient de Roger Vieira. L’ex-privateer brésilien, sans équipe après la disparition de GT, vient d’être appelé par Pivot Factory Racing pour remplacer Bernard Kerr, comme vous le savez, blessé. Il découvre la vie d’un team usine, le Phoenix entre les mains, le micro-ondes à dispo, et un soutien qu’il n’avait jamais connu. Sans pression, mais avec une grosse envie de prouver, il sera à surveiller d’autant que dans ces conditions, un beau résultat serait une des histoires du week-end, assurément !
Qualif’ – Un nouveau format… bien reçu, mais pas sans pression !
À mesure que la saison prend forme, les réactions au nouveau format de course se précisent. Dans l’ensemble, le ton est plutôt positif, mais personne n’ignore les bouleversements et les défis qu’il impose. D’abord, la suppression du statut protégé. Unanimement saluée, à l’image de Camille Balanche qui trouve le système “beaucoup plus juste qu’avant”. Jess Blewitt parle d’une compétition “bien plus égale”, curieuse de voir comment celles qui étaient habituées à être protégées vont gérer. Même son de cloche chez Loris Vergier, qui n’a “jamais aimé ça” et se réjouit que tout le monde soit désormais logé à la même enseigne. Mais sans filet de sécurité, “tout peut arriver”… et c’est justement pour ça que la Q2 (la fameuse « Last Chance ») a été instaurée.
Chez les femmes, autre nouveauté bien accueillie : 15 pilotes désormais en finale. “Une étape positive qu’on attendait depuis longtemps”, glisse Jess Blewitt. Camille Balanche confirme : “on poussait pour ça depuis deux ans.” Enfin, dernière évolution majeure, le calendrier à rallonge – 10 courses + les Mondiaux – que Loïc Bruni voit d’un bon œil : avec autant de manches, on peut se rattraper. Une mauvaise journée pèse un peu moins lourd, à condition de savoir gérer sur la durée. D’ailleurs, ne dit-on pas souvent qu’un championnat ne se gagne pas dans les temps forts, mais plutôt dans la capacité à minimiser l’impact des temps faibles dans la saison ?! C’est en tout cas un son de cloche qui revient fréquemment dans l’analyse sportive… Parfois notamment, quand plusieurs prétendants au titre totalisent le même nombre de succès, et que l’on se rend compte que c’est le reste des points totalisés, qui finit par les départager…

Deux dynamiques à scruter en priorité
Début de saison oblige, la grande interrogation porte sur la hiérarchie qui doit s’établir au sommet du classement provisoire de la Coupe du Monde de Descente VTT 2025 à Bielsko Biala. Pour ça, on pourrait s’y perdre, mais il y a deux dynamiques qui se croisent en ce début de saison 2025 : les retours de blessure, et la concurrence entre les tauliers et la jeune garde…
On le voit partout : la transition générationnelle est en train de s’installer. Les jeunes poussent fort. Très fort. Les chronos juniors s’approchent, parfois même rivalisent, les temps Élite. Jackson Goldstone et Jordan Williams en ont été les instigateurs il y a deux/trois ans. Lachlie Steven Mac-Nab, Max Alran, et Asa Vermette ont rejoint les rangs depuis… La densité chez les garçons comme chez les filles est dingue. Et ce n’est pas une vague passagère : cette fois, la régularité semble suivre. Les jeunes prennent leur place, et certains anciens s’en nourrissent. Loris Vergier le dit lui-même : il observe, il apprend, il prend l’énergie. Il s’inspire des jeunes de son équipe. Sauf qu’en face, les anciens sont encore là. Bruni, Pierron, Coulange, Hart ou Kerr ne veulent rien lâcher. Le niveau monte pour tout le monde, et c’est peut-être ça, le vrai moteur du spectacle à venir.
Mais entre l’ambition des uns et l’expérience des autres, l’état de forme post-blessure va jouer un rôle central. Car depuis l’hiver, ils sont nombreux à être passés par la case “repos forcé” : Bruni, Iles, Blewitt, Pierron, Dooley, Vergier, Dunne, Maples, Norton, Williamson, Levesque, Van Leven… et même Goldstone, si l’on intègre le fait qu’il revienne après une saison blanche… Cette longue liste fait passer certains pour de véritables rescapés – à l’image de Benoît Coulange – qui débarquent sans pépin, mais ne comptent pas sur les blessures des autres. “Tout le monde est très fort”, dit-il. Et il a raison. Parce qu’avec dix manches à courir, les faux départs se rattrapent, mais il ne faudra pas traîner. Dès ce week-end à Bielsko-Biała, les premières vérités doivent tomber. Et on saura qui, des tauliers ou de la relève, a les meilleures cartes en main.