Après le premier teaser et en attendant le film complet qui sera présenté fin 2013, Enduro Tribe (partenaire de l’aventure AnnaPureBike, 5416 m) vous dévoile au fur et à mesure des extraits de cette grande aventure All Mountain. Voici aujourd’hui le récit et portfolio de Ludmilla, la seule fille de l’équipe…
Texte & photos : Ludmilla Ridoin
Moi, mes hommes, leurs vélos (et le mien aussi !) au Népal…
Récit (des moments marquants) d’une femme à roulettes
[dropcap]A[/dropcap]u départ, nous devions partir à deux, genre en couple… pour vivre un trip bien cool autour des Annapurnas. A nous les vacances, le calme, les longues balades… bref le rêve, le break de l’année, quoi ! Puis on s’est dit que « tant qu’à faire », autant partager notre rêve avec les potes et potesses VTTistes… cool… 4 d’entre eux on été super partants : Flo (qui n’est pas le diminutif de Florence), Le Zarm (notez le déterminant masculin !), Antoine (…) et Vinc’ (là encore rien à voir avec Vincenzia). Un, deux, trois, quatre, cinq… oui le compte est bon 5 mecs et moi… Euuh, j’peux emmener Lisa ? Elle est kul(a), on s’entend super bien, cadre semi-rigide bleu brillant super élégant, légère, précise, smooth, quoi ! Ah non pas assez suspendue ??!! Bon ok bah, tant pis ! Mais au fait, il est comment le terrain là-bas ? Parce ce que, Lisa, elle assure… Quelques réunions de préparation, achats divers, contacts avec les partenaires, empaquetage des vélos, WE de team building, plus tard me voilà avec mes hommes, leurs vélos (et le mien) en plein Katmandou dans le (un des) plus beau(x) pays du monde… Euuuh, on pourra s’arrêter de temps en temps pour regarder les paysages ??!
Première journée entre mecs, bonne acclimatation, on fait du shopping à Katmandou… cool, enfin presque, le shopping avec 5 mecs c’est looooong (sans compter que Katmandou a des airs de Paris un premier jour de solde !) Et puis, côté bagage, il a fallu faire léger (20 kg par personne, VTT compris) donc à l’arrivée, acheter 6 sacs de couchages. Donc, si on résume, au total 5 mecs, 5 avis d’experts sur la taille, la couleur, la densité et la résistance desdits sacs de couchage. Et je ne vous parle pas des tongues, des Gore-tex et autres choses de première nécessité ! Heureusement le tour des Annapurnas, il est presque balisé, normalement on évitera les sketchs autour de la carte avec 5 boussoles qui frétillent.
Vendredi 16 novembre 2012, nous partons pour 9 jours en selle autour des Annapurnas, itinéraire de rêves pour les roues… et les yeux. Un mot d’ordre : on y va tranquille et on profite… (ouf !) Le premier jour de vélo (pour rejoindre Besi Sahar, 760 m), on l’a vécu avant le premier jour de vélo… et oui, « NO problem in Nepal », sauf mécanique… nous serons donc contraints dès J-1 de monter nos vélos (très habilement démontés par nos soins jusqu’à la patte de dérailleur et au pédalier, eux-mêmes encore plus habilement emballés et scotchés autour du cadre !) au bord de la route en terre qui venait d’avoir raison de l’embrayage et de la roue de notre véhicule. Là, autant dire que j’ai redoublé de vigilance pour ne pas perdre LA vis que nous n’avions pas prévu d’emmener en double parce que « ça, quand même, ça ne peut pas se perdre ! » Bref au mécano – vélo, j’ai fini dernière mais je n’ai pas été mauvaise.
Jour 1
De Besi Sahar à Chamje
Le départ en pleine jungle, mes hommes, leurs vélos et moi. Au fait le mien, de vélo, c’est un Kona Lélé, modèle femme 26″ auquel j’ai juste ajouté pour l’occasion des pneus plus inusables que moi (!!)… et des pédales plates pour le confort et le pilotage de ce type de voyage (se balader dans un village népalais avec des chaussures de VTT frise le ridicule voire le handicap !)… Nous croisons donc les premiers villageois qui sont moins habitués à voir des VTTistes que des randonneurs. Nos vélos les intriguent, certains voudront même les tester, les enfants, notamment. Et surtout le mien… la taille (les autres sont en 29″) ou le cadre doré, plus… sexy, sûrement… ou bien, est-ce parce que le temps que je donne mon premier coup de pédale, les autres sont déjà loin ?!
Ce premier jour a des allures de (longues) balades sur sentiers pas aussi plats que nous l’avions pensé, et la curiosité de nos appareils photo nous amènera à (trop souvent) finir à la frontale. Avez-vous déjà essayé de ne regarder que le paysage en roulant ? Et bien on se retrouve bien vite à zigzaguer et seule, parce les autres, ils roulent, le regard loin devant ! Finalement la place de dernière du cortège sera souvent la mienne durant le voyage mais ça m’aura permis de rapporter quelques clichés bien sympathiques pour illustrer « mon Népal à Vélo »…
Le deuxième jour
Vers Koto
Je me démarque rapidement en cassant la première chaîne ma vie. Et là en deux secondes, j’avais trois mécano avec mon vélo en mains… « Euh, les gars, je sais que vous savez réparer une chaîne mais moi aussi !! Je vous rappelle que j »ai passé avec succès les épreuves préqualificatives pour le Népal ! » Bon il va falloir que je montre que même si j’ai deux tresses (coiffure NépaloVTTiste) et un vélo doré, j’assure. Certes, je ne le montrerai pas trop le reste de la journée, on aborde les premiers passages « poussés » et quelqu’un a dû échanger mon vélo contre un Vélib’. La journée se finit à la frontale. Mais là, coup de (mal)chance je vais pouvoir briller (pas grâce à ma frontale !). Incident technique masculin… une chaîne qui saute, l’énervement, et vas-y que je te tire la chaîne, qui soit dit en passant ne bouge pas d’un poil, coincée entre le cadre et le grand pignon. C’est là que j’interviens : « tu devrais démonter la roue… » En deux secondes l’affaire est réglée et en toute humilité (bien sûr !) la fille au vélo doré s’impose !
Le troisième jour
Vers Upper Pisang
On passe de 2600 m à 3300 m. En langage népalais, ça ne signifie surtout pas que nous faisons 700 m de dénivelée, juste que nous passons de 2600 m à 3300 m.
La réalité est toute autre et même quand le profil de la journée semble tranquille (carte à l’appui) : longer le cours d’eau, passer le pont, petit « coup de cul », ensuite on aborde un sentier en balcon… et bien immanquablement, on se retrouve à pousser, porter, remonter en selle, repousser, je ne comprends pas ?! « Quoi ? Ce sont des variantes plus trialisantes ?! Vous voulez dire qu’on pouvait juste, tranquillement, passer de 2600 m à 3300 m ?! » Ok, vivement le col, là il n’y aura qu’une seule route… En tout cas question altitude les choses sérieuses commencent et on mange les premières Garlic soups (soupe à l’ail, très bonnes pour l’acclimatation mais que pour l’acclimatation !)
4ème jour
Vers Manang
Ce n’est pas là que je m’illustre techniquement, une descente engagée sur des dalles et escaliers nous réveillent d’emblée pour quitter le village (après une petite visite au temple… une petite prière n’aurait pas été un luxe !), là un long sentier en balcon que l’on pourrait qualifier d’aérien nous mène au lac vert.
Et là, respect, l’endroit est magique et se prête à la rêverie… ou aux wheelings, manuals et autres prouesses techniques, chacun son truc, moi j’ai eu ma dose d’adrénaline. Après ça, nous abordons notre premier single digne de ce nom, sableux, juste comme il faut, entre les pins, c’est fluide, c’est beau. Ensuite, et bien on porte pendant une heure jusqu’au village de Ghyaru (3670 m) extrêmement haut, euh non, joli (rien à voir avec la dominante rose de notre restaurant, quand même…). Comme balade digestive, petite session portage. Je ne sais pas pourquoi j’ai l’impression que notre séjour commence à prendre une autre tournure, inquiétude vite oubliée dans le deuxième single de la journée sur lequel je me souviens encore du bruit de mes pneus…
5ème jour
3535 m, Manang
Ca y est, le temps des bières est fini (ah, on n’arrête pas les parties de cartes qui vont avec ? Bon, d’accord…), on s’y acclimate deux nuits, notamment en dépassant les 4000 m à pieds. On parle beaucoup plus à pieds. « Hein les gars, vous ne trouvez pas que c’est sympa de parler ? Oui c’est vrai c’est moins roulant mais bon, moi j’aime bien aussi. »
Le village est différent des autres, un peu moins coloré. On sent que nous sommes vraiment en montagne, les maisons sont en pierre mais il y a quand même un cinéma (qui projette à 17h « 7 ans au Tibet », ça ne s’invente pas !) et un disquaire. Au regard de son répertoire, il doit préparer une soirée 80’s !
6ème jour
Direction Thorung Pehdi, le base camp
A cette seule évocation, mes jambes sont molles. Dès la sortie du village un sentier en balcon magnifique me fait oublier ma crainte (sauf celle de tomber dans le vide mais bon, ça va je gère !). La vue est extraordinaire même quand, un peu plus tard, s’ensuit la montée (en portage pour une partie) jusqu’à 4500 m.
Le terrain n’est pas trop accidenté et les épingles nous permettent sans effort (il faut commencer à les réduire) de varier des angles de vue. Bon, là il faut le dire, à partir de cette journée, je ne serai plus dernière, et pas parce que je ne prends plus de photos !! A 4500, improbable, du reggae et un népalais aux dread locks nous accueillent avec le sourire. S’il n?avait pas fait -10°C, on aurait pu dire que nous avions passé une chaleureuse soirée.
Jour J
Vers Muktinath : Objectig Thorong La Pass (le col de Thorong La)
4h30, allez c’est parti, je reprend mon vélib (j’ai l’impression qu’ils m’ont filé le modèle tandem !) et je commence l’ascension. Le terrain est très accidenté et mon vélo ne trouve pas sa place sur mon dos (peut-être parce que sa place est habituellement ailleurs, allez savoir !). Bref, je monte un col avec un vélo sur le dos, c’est surréaliste. Au bout de 100 m, je réalise qu’il ne me reste plus que 9 fois ce que je viens de faire, à grimper. Mais le moral est au beau fixe je m’élève et ça, ça me plaît toujours. Je suis redevenue montagnarde et plus VTTiste… je n’ai besoin de personne…nanananana. Après 700 m, j’aborde la partie plus roulante, hors de question tout de même de monter sur le vélo mais maintenant, au moins, on pousse. Et bientôt, l’objectif en ligne de mire ou presque, je ne monte plus seule mais tout ceux qui sont restés en France m’accompagnent, comme à chaque fois que j’atteints des sommets ma gorge se serre (c’est bien le moment, on a déjà plus d’oxygène) et la petite larme arrive, j’arrive au col et elle coule, c’est beau, je l’ai fait…
Je me retourne et les suivants arrivent (il fallait bien que je le dise, non ?). 8h30, on l’a fait, 5416m, c’est super émouvant !
La descente vers Muktinath est très technique. Dès le départ, nous nous engageons dans un pierrier où la trace est en lacet dans une pente certaine, dirais-je ! La technique jusqu’à lors, inutilisée pour ma part, du dérapage arrière s’offre à moi comme une évidence. Rester smooth, orienter le regard, laisser le vélo bouger entre mes jambes, rester smooth, orienter le regard, laisser le vélo bouger entre mes jambes… Grrrr, j’ai les doigts crispés (sûrement mes bagues qui me serrent… ah bah non je n’en porte pas ! Bon ce doit être les gants alors…). L’arrivée sur le village se fait par un single éprouvant quand on s’est levé à 3h30 mais intéressant qui débouche à proximité d’un monastère gigantesque entouré de drapeaux de prière plantés dans la montagne. A l’arrivée, à l’unanimité masculine, on mange (presque) tous un yack burger…
Le jour suivant
Vers Lete
On descend. Le plus beau jour à mon sens. Notre chemin, un single parfois dans la pente, parfois en dévers au terrain doux, nous fait slalomer entre les arbustes épineux… trop, au goût de nos pneus ! Je m’y sens presque techniquement parfaite (il faut bien que quelqu’un en prenne enfin conscience, non ?). Qu’à cela ne tienne la dernière portion, ne sera pas des plus faciles.
La windy valley est une longue vallée au nom très évocateur. Dès que nous l’abordons, je sens que le col ne restera pas, dans ma mémoire, le jour le plus difficile de ce voyage. Bon là, j’avoue, j’en bave vraiment ! Un vent à décorner les boeufs nous oblige à rouler souvent les yeux presque fermés et la tête tournée, le tout avec le sable qui traverse le Buff et vient remplacer dans notre bouche, le bon plat de pâtes que nous n?aurons que… bien trop tard à mon goût. La faute au vent, la faute au vélo, la faute aux autres… j’ai hâte d’arriver, oui. Heureusement, à Lete, nous sommes très bien accueillis et le plus dur est derrière nous et il n’y a plus de vent, pour un peu, je jouerais presque aux cartes…
Le dernier jour
Vers Beni
Ça ressemble un peu au premier avec les jambes plus lourdes et des images plein la tête… des 8000 m à portée de vue et pourtant si inaccessibles. Dans quelques heures on pose le vélo pour quelques mois. On les troque contre des skis jusqu’à la prochaine fois. L’envie d’en découdre avec ce défi et la perspective de la neige me font oublier la nostalgie de fin de voyage. Mes hommes ont de nouveau suffisamment d’oxygène pour être loin devant et sur une seule roue la plupart du temps. Est-ce que je skie sur un pied, moi ? Non, alors… pffff on est vraiment différent (surtout en VTT). VTTistes, VTTistes, pour bien la vivre acceptez la différence et ça va bien se passer !
A suivre…