L’analyse vidéo – Comment les tops pilotes gèrent-ils les derniers mètres ?

Il y a peu, Endurotribe publiait plusieurs passages des meilleurs pilotes en action lors de la finale des Enduro World Series de Finale Ligure. Face au succès de ces quelques comparatifs captés du bord de piste, la rédaction a décidé d’aller plus loin dans l’analyse. Pilote émérite et coach de plusieurs jeunes pousses de l’Enduro français, Antoine avait justement posé ses objectifs en bord de piste… Il nous livre donc ses images et son œil d’observateur averti.

 


Les dernières forces du jour !

Finale Ligure, 3 octobre 2015 – « DH Uomini » – dernière ligne droite de la dernière spéciale du premier jour de course.

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Avant d’en arriver là, les pilotes ont affronté un tracé terrible : une première moitié de pédalage à plat, avant de plonger frénétiquement dans la pente. Après coup, Fabien Barel livrait lui-même une analyse pertinente des effets pervers d’un tel parcours : plonger dans le grand rush les jambes chargées d’acide. Autant dire que l’état de fatigue était plus qu’avancé au moment où débute cette analyse vidéo.

« A ce petit jeu, chacun compose avec ses armes et son style »

La spéciale offrait déjà 4min20s de chrono jusqu’alors. Sur cette dernière ligne droite d’à peine dix secondes, les chronos sont très serrés. Nul doute que les choix tactiques ont déjà porté leurs fruits : entre ceux qui ont tout mis au pédalage, et ceux qui ont choisi d’en garder sous le coude pour affronter la pente, les jeux sont faits…

Encore faut-il franchir la ligne d’arrivée pour les valider !  C’est là tout l’intérêt de cette analyse : à ce petit jeu, force est de constater que chacun compose avec ses armes, son style et son état de fraicheur ! Place à une sélection des tops pilotes les plus atypiques et efficaces sur l’instant…

 

Fabien Barel – Ne rien lâcher !

Gros braquet et bassin qui pousse vers l’avant au coup de pédale : Fabien montre de la volonté à la relance. Puis, les épaules à l’aplomb du guidon, les coudes écartés, les avant bras poussent clairement sur le cintre pour « pumper » et prendre le relais du pédalage. Il met à profit deux mouvements de terrain à la manière d’un pilote de BMX, sollicitant davantage le tronc et les bras plutôt qu’un bas du corps peut être tétanisé.

La vitesse générée le propulse sur les mouvements rocheux suivants. Là, les oscillations des bras et du casque suggèrent à quel point le sol est tortueux. Gainage hors pair et suspensions équilibrées conservent l’assiette du vélo et lui permettent de rester sur la trajectoire qu’il a choisi pour le dernier plongeon.

Visuellement propre jusque-là, il faut entendre son cri de soulagement et déceler le léger déséquilibre de sa ligne d’épaule au fond de la dernière compression pour saisir l’intensité de l’engagement dont il fait preuve…

 

Nicolas Vouilloz – Toujours malin…

Nicolas l’a déjà confessé en interview : avec l’âge, il se sait moins puissant que d’autres à la relance. Ça ne l’empêche pas d’être malin ! Son choix de rapport de vitesse est très bon. Les deux coups de pédale, même s’il hoche légèrement la tête, portent leurs fruits.

Dans la foulée, il « pump » le premier mouvement de terrain avant de faire ce qu’il maîtrise si bien : piloter assis ou presque, selle basse ! Les fesses à la limite du contact avec la selle, le buste redressé fait corps avec le vélo et le bassin participe au placement du cadre. Visuellement seule la roue avant et les genoux dirigent l’ensemble pour se faufiler entre deux pierres. Un bref mais précieux répit pour les jambes qui peuvent effectuer un tour de pédale supplémentaire sans avoir à porter entièrement le bonhomme.

Une technique héritée de ses premières années de descente où les hauteurs de selle et les durées des pistes s’apparentaient en fin de compte à ce qui se fait désormais en Enduro… et où il excellait ! Une gestion très rusée qui lui permet de signer l’un des meilleurs chronos du secteur malgré une fatigue palpable sur les derniers mouvements de terrain chaotiques avant de franchir la ligne. Une démonstration de gestion et d’intelligence de course qu’on lui connait si bien…

 

Martin Maes – La détermination à l’état brut

Tous les observateurs habitués des World Enduro Series le disent : Martin est toujours impressionnant, faisant preuve d’une détermination brute et généreuse. Son passage en fait une nouvelle fois la démonstration.

Il n’y a qu’à voir à quel point son buste, cassé vers l’avant, veut offrir toutes les chances à ses jambes d’écraser les pédales à la relance. Puis, il est le seul à aller chercher sur les bords de l’ornière qui forme le chemin pour trouver une once de dénivelé supplémentaire à « pumper », quitte à mettre le vélo en travers pour arriver à ses fins.

Par dessus tout, il est l’un des seuls à opter pour la trajectoire la plus directe, de la sortie du virage à l’arrivée : la ligne droite ! Une trajectoire tendue qui le pousse à tenir un «  inter / inter » de toute beauté avant le dernier plongeon : un drop droit dans la pente avec réception à faire taper les deux jantes sur la rocaille en réception !

Quasi ex aequo sur le scratch de cette spéciale, et parmi les plus rapides sur ce passage, Martin met ici au grand jour tout le potentiel qu’on lui connait. Nul doute que s’il parvient un jour à mettre bout à bout, sans temps mort, de tels passage, les scratchs pleuvront pour lui !

 

Nicolas Lau – Le funambule

Avec Martin Maes, Nico Lau est l’un des rares à opter pour le chemin le plus direct, la ligne droite, hormis pour le dernier plongeon. Pour y parvenir, il fait ici étalage du trait le plus emblématique de son style : piloter avec les genoux !

Chez Nicolas, tout, ou presque, se passe dans les jambes. Lui « pump » avec le bassin et les cuisses, là où d’autres engagent les épaules et poussent avec les bras. Et puisque l’instant d’après, il amortit les impacts avec la même gestuelle, en sens inverse, les oscillations verticales de ses genoux sautent au yeux. Un touché de terrain exceptionnel.

L’usage des jambes ne s’arrête pas à la dimension verticale : pour équilibrer et pour tourner, il n’hésite pas à sortir le genoux, utilisant ses longs segments de cuisse en contrepoids.

Le résultat est admirable d’équilibre et de coordination : il suffit d’observer avec quelle stabilité sa tête et ses épaules suivent la trajectoire idéale. Il maîtrise son sujet comme nul autre dans ce domaine…

 

Yoann Barelli – Le modèle du genre

Non content d’afficher un sourire toujours communicatif, Yoann Barelli ne fait pas dans le faux semblant lorsqu’il s’agit de sortir le pilotage qui va bien. Belle et rapide, cette dernière ligne droite pourrait servir de modèle à bien des égards…

À la relance, il est celui qui prolonge et adapte le mieux son pédalage au terrain tout en « pumpant », générant une vitesse importante. Malgré cette débauche d’énergie, il reste parfaitement groupé et axé, ce qui permet au vélo de s’inscrire sur la bonne ligne.

On mesure sa rapidité au moment où il réapparaît à l’écran, dans la portion défoncée qui précède le plongeon. Se payer le luxe de tourner à cet endroit, sur un tel chaos, à une telle vitesse et avec une telle aisance est une formidable démonstration de gainage et de relâchement.

Que dire du dernier plongeon, étalage d’une exécution parfaite d’engagement et de précision ! Léger bunny-up pour effacer le haut du rocher et plonger dans la pente. Bras qui gèrent parfaitement l’assiette du vélo et le toucher de la roue avant au sol, dont la compression finale qui ne désarçonne pas le buste. Jambes repliées juste ce qu’il faut pour permettre à la roue arrière d’effleurer les rochers avant de pousser une dernière fois proprement, au fond du trou… Un modèle de survol et de style !

 

En bonus – Les 9 derniers à vitesse réelle

En s’épargnant la grosse minute d’attente et les spectateurs au milieu de la piste cherchant le meilleur spot entre chaque pilote, les 9 derniers pilotes à passer comme si on y était encore…