On touche au but dans le désert de l’Utah 🧱 Entre météo capricieuse, sites mythiques, lignes dantesques et matériel taillé pour encaisser l’impossible, la Red Bull Rampage 2025 s’annonce toujours aussi hors norme. Voici tout ce qu’il faut savoir pour comprendre, suivre et savourer l’événement phare du freeride mondial : le programme mis à jour, les riders en lice, leurs lignes, leurs vélos, les règles du jeu… et l’état des troupes après des débuts déjà mouvementés dans le désert de l’Utah.

Le programme bousculé par la météo
Si vous avez suivi d’un œil, le programme ne doit pas vous paraître conforme à ce qui était prévu, et c’est normal ! À Virgin, l’histoire se répète souvent, mais pas toujours pour les mêmes raisons. Habituellement, c’est le vent qui vient semer le trouble sur les crêtes de l’Utah ; cette fois, c’est la pluie qui perturbe le déroulement de la Red Bull Rampage. Initialement prévus jeudi pour les femmes et samedi pour les hommes, les runs sont finalement décalés de 24 heures. Les rideuses ouvrent désormais le bal vendredi 17 octobre à 18h30 (heure française), tandis que les hommes s’élancent dimanche 19 octobre à la même heure.
La météo : un scénario inversé
Depuis que les équipes sont sur place, il pleut régulièrement sur Virgin. Un fait rare pour la Red Bull Rampage, où l’on se bat d’ordinaire contre la poussière, la sécheresse et les cailloux brûlants. Habituellement, les crews passent des jours à arroser les lignes à la main, avec tout un système d’irrigation mis en place au fil des années par l’organisation pour rendre le terrain compact et exploitable. Cette fois, l’eau tombe du ciel — et même un peu trop — changeant complètement la donne pour les diggers comme pour les pilotes.
Mercredi matin, la pluie tombait encore de façon soutenue, mais les prévisions s’améliorent ensuite nettement pour la fin de semaine, avec des températures douces et un vent en décroissance à l’approche des finales :
☀️ Vendredi 17 octobre – Plein soleil // 20 °C // vent Nord 9 km/h → finales féminines
☀️ Samedi 18 octobre – Agréable, lumineux // 20 °C // vent S-O 4 km/h
🌤️ Dimanche 19 octobre – Soleil voilé // 24 °C // vent S-SO 6 km/h → finales masculines
Le vent semble donc s’atténuer pour dimanche, laissant espérer des conditions idéales pour les runs. Mais à Virgin, mieux vaut rester prudent : les phénomènes locaux ont souvent le dernier mot dans ce décor aussi grandiose qu’instable.

Deux sites, deux histoires, un même esprit freeride
Pour cette édition 2025, la Red Bull Rampage se joue sur deux sites distincts – féminin et masculin. Deux faces voisines qui racontent chacune un pan de l’histoire du freeride, et qui offrent cette année encore un terrain d’expression à ceux et celles qui cherchent à repousser les limites du possible.
Le site des femmes – héritage et ouverture
Les rideuses prennent possession du spot utilisé pour les Rampage 2014 et 2015, un lieu devenu symbole de la progression du freeride féminin depuis qu’il a accueilli les premières éditions de la Red Bull Formation en 2019 et 2022. Plus spacieux que celui de l’an dernier, ce versant offre de larges crêtes, des réceptions généreuses et un rythme de descente plus fluide.
Cette année, la plupart des concurrentes s’aventurent sur le côté le plus exposé et impressionnant de la montagne, là où les falaises se dressent plus abruptement. Parmi les lignes clés, “The Princess Killer”, la fameuse trace inachevée de Nico Vink en 2015 : une entrée ultra-raide et une réception à 82° d’inclinaison. Autres features emblématiques : “El Presidente Drop”, le plus gros saut du site, hérité de Tyler McCaul, et “The Battleship”, cette protubérance rocheuse en on/off perchée sur la crête.
Le site des hommes – la légende continue
Les hommes s’élancent quant à eux depuis le site historique des éditions 2016, 2017 et 2021, un décor à la fois redouté et respecté, associé à quelques-uns des moments les plus iconiques de l’histoire de la Rampage. Carson Storch le décrit comme “l’un des terrains les plus cools qu’on puisse rider”. Parmi les points de repère mythiques, on retrouve le “Goblin Drop”, énorme step-down qui semble flotter dans le vide, et le raide de Zink et Strait, une ligne si abrupte qu’elle laisse encore aujourd’hui une marque dans tous les esprits. C’est ici que Brandon Semenuk s’était imposé en 2021 avec un tail-whip historique sur un simple té, ou encore que Tom Van Steenbergen avait signé son frontflip drop monumental. Cette année encore, la montagne promet son lot de frissons, d’innovation et de folie douce — tout ce qui fait une part de la magie de la Rampage.

Une liste relevée, entre légendes, rookies et têtes brûlées
La Red Bull Rampage 2025 aligne cette année 30 pilotes au total, dont 12 femmes et 18 hommes. Deux plateaux distincts, mais une même ambition : repousser les limites du freeride sur les montagnes rouges de Virgin.
Les femmes – une génération qui monte
Chez les filles, le plateau s’annonce varié. On retrouve en tête Robin Goomes (Nouvelle-Zélande), tenante du titre et auteure du flip qui avait marqué l’histoire l’an passé, bien décidée à défendre son statut. À ses côtés, les Canadiennes Georgia Astle et Casey Brown complètent le trio des pré-qualifiées, Brown apportant toute son expérience du site après plusieurs éditions de la Red Bull Formation. Toujours côté canadien, Vaea Verbeeck revient avec son style précis et puissant, tandis que l’Argentine Camila Nogueira incarne la ténacité brute, récompensée l’an dernier par le Toughness Award.
Les wild cards ne sont pas là pour faire de la figuration : Hannah Bergemann (USA) joue les architectes de terrain avec son approche ultra créative, Harriet “Haz” Burbidge-Smith (AUS) revient de blessure avec un engagement intact, et Chelsea Kimball (USA) se prépare à s’attaquer au mythique El Presidente Drop. Autour d’elles gravitent Vinny Armstrong (NZL), Kirsten Van Horne et CJ Selig, décidées à imprimer leur marque sur la montagne du Rampage féminin.
Les hommes – entre héritage et prise de pouvoir
Côté masculin, c’est une armada d’expérimentés et de jeunes affamés qui prend le départ. Parmi les grands noms, Cam Zink (USA), double vainqueur et véritable légende vivante de la Rampage, repart à la conquête du désert après sa lourde chute de l’an dernier. À ses côtés, Szymon Godziek (Pologne), Tom Van Steenbergen (Canada) et Thomas Genon (Belgique) représentent la génération la plus technique et la plus consistante, tous capables de mixer amplitude et style.
Dans le clan nord-américain, Reed Boggs, Carson Storch, Jaxson Riddle ou encore Dylan Stark incarnent la nouvelle garde du freeride US, tandis que les Européens Adolf Silva (Espagne) et Tom Isted (GBR) comptent bien imposer leur touche aérienne. Et parmi les rookies, deux noms retiennent l’attention : Finley Kirschenmann, 18 ans à peine, et Hayden Zablotny, qui signent leur première participation après avoir creusé sans relâche malgré la pluie.
Les francophones à surveiller
Côté francophones, Tomas Lemoine fait figure d’invité de luxe. Pour sa première participation à la Rampage, le Marseillais est attendu, tant il a toujours transformé en or ce à quoi il s’est essayé jusqu’ici. Slopestyle, pump-track, speed & style… Le frenchie a un style à lui associé à un mental de guerrier qui permet de faire des étincelles sur un tel évènement ! Pour y parvenir, il compte sur Vincent – Vinny T – Toupin et Seb Gilardi pour shaper une ligne compatible avec sa vision du truc. De son côté, Thomas Genon, le belge du circuit, s’apprête à signer sa douzième participation, avec l’objectif de conjuguer style, précision et engagement total. Ses diggers de renom eux aussi – Paul Couderc & Benoit Gurnel – sont sur le coup pour lui offrir la ligne qui va bien…

Des lignes toujours ambitieuses
Cette année encore, la Red Bull Rampage 2025 consacre des jours de travail acharné pour transformer la roche de Virgin en terrain d’expression exploitable. Les lignes se précisent désormais des deux côtés du canyon : celles des femmes, engagées sur un site plus spacieux et propice à la créativité, et celles des hommes, creusées dans la pente raide et historique du spot 2016/17/21.
Sur le versant féminin, l’ambiance est à la démesure maîtrisée. Robin Goomes, Casey Brown et Hannah Bergemann concrétisent ensemble la vision laissée inachevée par Nico Vink dix ans plus tôt : le mythique “Princess Killer”, une chute directe et ultra-raide qui plonge littéralement dans la falaise avant de déboucher sur un immense drop final. C’est la ligne la plus symbolique du site, et probablement la plus engagée jamais construite par un trio féminin sur la Rampage.
Derrière elles, Georgia Astle s’élance depuis le sommet du Battleship avant d’envoyer le drop “El Presidente”, celui-là même inauguré par Tyler McCaul en 2015. Vaea Verbeeck, fidèle à son style précis et calculé, choisit une ligne plus fluide sur le flanc de la falaise, tandis que Camila Nogueira joue la carte du contrôle sur les sections les plus verticales. Mention spéciale à Chelsea Kimball, seule à s’attaquer frontalement au Battleship cette année, et à Harriet “Haz” Burbidge-Smith, qui trace une ligne brute et raide depuis le sommet, malgré un cou encore fragile. Enfin, Vinny Armstrong, Kirsten Van Horne et leurs coéquipières plongent ensemble sous l’arche de départ, en partageant un bout de ligne…
Côté masculin, le ton est donné : la pente, la poussière et l’engagement total. Cam Zink retrouve sa ligne mythique, la fameuse chute aussi raide que mythologique, pour une descente calibrée sur l’amplitude et le style. Adolf Silva vise haut – très haut – avec un canyon gap déjà réussi à l’entraînement et l’idée d’un double flip en finale. Emil Johansson, pour sa part, applique sa rigueur de slopestyleur à une ligne sculptée comme une “œuvre d’art fonctionnelle”, ponctuée d’un tailwhip, d’un flatspin 450 et d’un 360 depuis un drop monumental.
Du côté des rookies, Tomas Lemoine fait logiquement figure d’ovni. Le Français a redessiné le Goblin Drop à sa manière, en traçant plus à droite pour créer un “Stratos Drop” maison – l’un des passages les plus vertigineux du site. Fidèle à lui-même, il a bâti presque toute sa ligne seul, avant de partager le bas du run avec Luke Whitlock.
Thomas Genon, lui, reste dans la lignée de ses runs maîtrisés : une combinaison de doubles drops, hips et section dirt jump travaillée avec minutie, dans un style à mi-chemin entre élégance et contrôle total. Autour d’eux, les jeunes loups Hayden Zablotny, Finley Kirschenmann et Aiden Parish s’imposent déjà par leur créativité brute, tandis que Carson Storch et Tom Van Steenbergen peaufinent un tracé commun plus fluide, taillé pour les tricks et la vitesse.

Comment les runs sont jugés
Maintenant qu’on a détaillé les lignes et les intentions des pilotes, reste à comprendre comment tout cela sera exécuté le jour J… et surtout, comment les juges trancheront entre style, engagement et maîtrise. Voici les repères essentiels pour décrypter les notes quand tomberont les scores. Le système de notation du Red Bull Rampage repose sur quatre grands critères, censés couvrir à la fois la difficulté du terrain, l’originalité des tricks et la manière dont chaque rider “raconte” sa descente.
1️⃣ Degré de difficulté de la ligne
Les juges évaluent ici le risque pris par le pilote : exposition de la ligne, taille des features, technicité et audace du tracé. C’est ce critère qui récompense les riders capables de dompter les pentes les plus raides ou d’inventer des trajectoires inédites. Certains reprochent néanmoins au jury de favoriser les lignes trop “manucurées”, construites à la pelle plutôt que tirées du terrain brut.
2️⃣ Tricks et style
La capacité à transformer la montagne en terrain d’expression compte énormément. Backflips, whips, spins ou variations créatives font grimper la note, à condition d’être intégrés naturellement dans le run. C’est ici que se cristallise la principale tension entre la vision freeride pure et l’approche plus “slopestyle” du Rampage moderne.
3️⃣ Fluidité et contrôle
Là, tout est dans la manière. Les juges observent la constance, la confiance et la vitesse du rider du haut jusqu’en bas. Un run hésitant, haché ou mal rythmé coûte cher. À l’inverse, une descente fluide et engagée, sans marquer d’arrêts, envoie un signal fort : celui d’un pilote en totale maîtrise de sa ligne.
4️⃣ Air et amplitude
Enfin, place au spectacle pur : la taille des sauts, le temps de vol et la hauteur des gaps. Le Rampage reste une vitrine du freeride le plus engagé, et l’amplitude peut clairement faire basculer un score final, à condition que la réception soit propre et contrôlée.
Le débat qui ne s’éteint jamais
Chaque édition relance la même discussion dans la communauté : le Rampage doit-il récompenser le freeride brut ou la performance acrobatique ?
Les puristes militent pour une note distincte du choix de ligne, afin de valoriser la difficulté du terrain indépendamment des tricks. D’autres défendent l’évolution naturelle du sport, où les constructions plus lisses permettent d’envoyer des sauts plus gros, plus stylés et plus maîtrisés. Entre tradition et progression, le débat reste ouvert — et c’est aussi ce qui fait le sel de la Rampage.

Les tendances matos en bref…
Du côté des vélos, la Rampage 2025 confirme la tendance : des machines ultra-spécialisées, pensées pour encaisser l’impossible. Les riders comme les rideuses misent sur des cadres de descente ou de freeride surdimensionnés, des suspensions durcies à bloc et une personnalisation poussée jusque dans les moindres détails.
Chez les femmes, la majorité roule en configuration mullet (27,5”/26”), un compromis idéal entre stabilité et maniabilité, souvent associé à des manivelles raccourcies et à des réglages de suspension très fermes pour supporter les réceptions violentes. Les montures se veulent solides, mais aussi stylées : Yeti, Scott, Transition ou Canyon, toutes affichent des livrées custom éclatantes et des touches perso à l’image de leurs pilotes. C’est l’effet Rampage.
Chez les hommes, la norme reste au 27,5” intégral avec fourche double té, pour maximiser la rigidité et la précision. Quelques exceptions font figure d’ovni : Emil Johansson reste fidèle à une simple té sur son Trek Session rappelant un certain Brandon Semenuk sur ce même spot, tandis que Cam Zink crée l’événement en alignant le prototype de sa propre marque, un cadre maison de 190 mm de débattement monté avec composants signature et pneus Michelin. Enfin, Tomas Lemoine amène sa touche avec un Commençal FRS “Rampage Edition” et Thomas Genon compte bien faire tenir ses pneus Schwalbe en place avec les 3 bars qui sont dedans…

Des blessures qui rappellent la dure réalité du freeride
Aussi fascinante que soit la Red Bull Rampage, elle n’oublie jamais de rappeler sa face la plus dure : celle du risque permanent. Cette édition 2025 ne fait pas exception, avec plusieurs chutes lourdes survenues dès les entraînements.
La plus marquante concerne Casey Brown (Canada), troisième de l’épreuve en 2024, victime d’une violente chute sur la première feature majeure de sa ligne, la désormais célèbre “Princess Killer” qu’elle partageait avec Robin Goomes et Hannah Bergemann. Sa roue arrière a décroché dans la pente quasi verticale, l’envoyant lourdement au sol. Évacuée par hélicoptère vers l’hôpital de St. George, elle a été diagnostiquée avec une fracture du plateau tibial. Consciente et lucide après sa chute, Casey a gardé son humour, parlant déjà de “chance” au regard de la violence de l’impact. Elle devra néanmoins passer par la case chirurgie et déclare forfait pour le reste de l’événement.
Autre coup dur : Vaea Verbeeck (Canada), lauréate du Trailblazer Award en 2024, s’est blessée sur une section raide de sa ligne après avoir légèrement dévié de sa trajectoire. Le bilan est lourd — fracture de la clavicule, de deux côtes et pneumothorax — mais son moral reste étonnamment solide. “Je me sens bien, juste très fatiguée”, confie-t-elle, tout en promettant de soutenir ses coéquipières depuis le bas du site.
Heureusement, d’autres alertes se terminent mieux. Camila Nogueira (Argentine), un temps annoncée à terre, est finalement restée en lice. Elle a validé les sections les plus engagées de sa ligne, dont l’énorme “El Presidente Drop”, et affiche une confiance retrouvée. Du côté masculin, Adolf Silva (Espagne) s’en sort sans mal après un violent crash sur un flip step-down qui aurait pu très mal finir. Plus de peur que de mal pour le Catalan, qui a déjà repris les runs et garde son double flip en ligne de mire pour la finale.
Des frayeurs, des fractures, mais aussi cette résilience propre au freeride, où chaque rider sait que le prix du style et de l’audace se paie cher — et que malgré tout, personne n’échangerait sa place au sommet de la falaise contre quoi que ce soit d’autre.