CDM DH // Val di Sole 2025 – Ce qui se trame dans les paddock !

Val di Sole, ce n’est pas seulement une piste brutale qui forge les corps et les palmarès. C’est aussi, chaque année, un haut lieu d’agitation en coulisses, où les pilotes tentent de recoller les morceaux ou de peaufiner le run de leur vie, où les équipes ajustent leurs réglages au millimètre, et où les stands regorgent de solutions pour faire face au monstre Black Snake. Cette semaine encore, la fourmilière des paddocks a beaucoup à raconter… Voici tout ce qu’on a remarqué et senti monter en pression avant que le chrono ne parle.

🩼 Nina Hoffmann & Angel Suarez tente une reprise

Nina Hoffmann fait partie de celles qu’on est contents de voir de nouveau en piste… Mais pas encore à 100 %. Victime d’une lourde chute à Leogang – où elle fait désormais partie de ceux qui sont passés par-dessus le wall ride – elle s’estime aujourd’hui chanceuse de s’en être sortie sans fractures. Atterrir dans l’herbe plutôt que sur les rochers a clairement joué en sa faveur. Notamment en matière de commotion, puisqu’elle confie que sa tête va bien. 
Mais les stigmates sont encore là : dos raide, côtes douloureuses, et surtout une nervosité bien présente. Elle le dit franchement : si la peur de rechuter revient trop fort au moment de se lancer, elle n’hésitera pas à se retirer de la course

De son côté, Angel Suarez tente de briser une série noire. Ces dernières années, il enchaîne les petites blessures au pire moment, et 2025 n’a pas échappé à la règle. Dernier épisode en date : une côte cassée en Pologne, suivie d’une tentative (ratée) de retour à Loudenvielle, où une nouvelle chute n’a fait qu’aggraver les choses.
Malgré ça, Angel garde sa rigueur intacte. Sa prépa reste solide — on parle d’un pilote souvent cité en exemple sur ce point — et il se dit enfin prêt à en découdre. À surveiller, donc, ce week-end, pour un vrai retour aux affaires, sur une piste où son style peut clairement parler.

🏋️‍♂️ Pellerinage à Schladming

Entre Leogang et Val di Sole, certains n’ont pas coupé, ou presque… Direction Schladming, repaire bien connu des descendeurs, proche de Leogang sans trop s’éloigner de Val di Sole. Logique : géographiquement pratique, historiquement mythique — l’endroit a accueilli la Coupe du Monde par le passé, et sa piste reste un grand souvenir pour nombre de pilotes. Un pèlerinage annuel pour ceux qui aiment les belles traces, et un retour aux sources pour Andy Kolb, local de l’étape.

Cette année, la fréquentation a été massive. Certains rapportent avoir enchaîné 8 à 10 runs par jour pendant une semaine, soit près de 70 descentes, “sans gants, jusqu’à faire des cales aux mains”. Luke Meier-Smith et Jordan Williams y ont aussi croisé les crampons, tout comme Asa Vermette, qui a trouvé les conditions “super fun, bien poussiéreuses, mais très rudes”. 

Mais Schladming, ce n’est pas qu’un défouloir. C’est aussi le spot parfait pour affiner ses réglages, et Finn Iles comme Danny Hart s’y sont attelés sérieusement. Iles dit que son bike “a changé du tout au tout” après quelques jours sur place, et Hart repart avec “de bien meilleures sensations” en quête d’un vélo moins pointu, plus polyvalent pour lui faciliter les choses lors des manches de Coupe du Monde à venir… 

🔧 Côté matériel, la casse est réelle : suspensions rincées, roulements à remplacer, vélos démontés de A à Z dès l’arrivée à Val di Sole. Mais à ce prix-là, beaucoup estiment être dans le bon tempo. Pendant ce temps, Jackson Goldstone, lui, a opté pour une semaine plus chill en VTTAE, façon coupure mentale — mais sans perdre le Nord. Chacun sa méthode… 

🛠️ Comment on adapte le vélo à la piste

À Val di Sole, la préparation physique ne suffit pas. Le vélo lui aussi doit être prêt au combat, et certaines équipes jonglent avec trois paramètres pour survivre à la brutalité du tracé : hauteur de cintre, équilibre des suspensions et mass-dampers.

📏 Côté poste de pilotage, beaucoup remontent légèrement l’avant, +5/+10mm voir plus encore, pour rester “hors des trous” dans les compressions, éviter de piquer du nez dans les parties ultra-raides, et garder une position plus arrière, plus stable. L’enchaînement de virages serrés, bosses et impacts pousse aussi à stabiliser le train avant, quitte à le rigidifier légèrement, tant que l’on n’y perd pas en stabilité…

🪛 Pour les suspensions, l’approche est complémentaire : un avant haut et ferme, et un arrière plus souple, pour éviter que le vélo ne catapulte le pilote vers l’avant. Mais au fil des runs et de la dégradation du terrain, beaucoup finissent par raffermir l’arrière, histoire de ne pas se faire enfermer dans les trous et garder de la dynamique. Les tops teams arrivent souvent avec un setup préconfiguré, issu des datas récoltées les années précédentes, et ajustent au fur et à mesure selon la piste du jour. On sait par exemple que cette capacité a souvent été citée comme facteur clé dans la performance d’un Loïc Bruni par exemple, que ça ait été une réussite ou un échec en fonction des courses… 

🌀 Et puis il y a l’arme secrète pour dompter les chocs carrés de Val di Sole : les mass dampers, planqués dans les tubes de direction ou derrière les plaques de cadre. Ici, ces masses enfermées entre deux ressorts, visent à filtrer les vibrations violentes, calmer l’avant du vélo, et préserver les mains. Une fatigue évitée, c’est quelques dixièmes grappillés. Et ici, sur une piste où la gagne s’est finalement déjà jouée dans les 200 derniers mètres, pour ceux encore capables de faire quelque chose, chaque gain compte… 

🧯 Ça bosse encore et toujours sur les freins

C’est devenu un fil rouge FullAttack depuis Loudenvielle et sa pente : garder un œil sur le freins… Ici, plus qu’ailleurs, la piste malmène les machines et matraque les corps, notamment les mains, les bras, le buste… Alors forcément, on scrute les étriers, les leviers et tout ce que l’on peut encore apercevoir… 

La première info, c’est que le partenariat entre Specialized et Brembo est désormais officiel. Ce qu’on vous rapportait il y a quelques semaines se confirme : le géant du freinage moto et auto entre pour de bon dans l’arène VTT, et ça ne rigole pas. Objectif : développer un système prototype taillé pour les exigences extrêmes du circuit DH, en visant le podium. Les freins sont rouges, massifs, parfois critiqués pour leur look encore un peu « grossiers » ou leurs leviers “gigantesques”, mais la promesse est claire : transposer le sérieux de la marque connue dans d’autres sports mécaniques, au monde de la DH.

Mais l’autre grosse nouveauté, c’est ce qui brille sur le vélo de Jackson Goldstone. Un étrier Shimano jamais vu, massif, brut d’alu, encore au stade de prototype assez précoce. À première vue, il semble compatible avec une conception monobloc, ce qui confirmerait un tournant fort chez Shimano initié avec les derniers XTR, alors que la marque n’avait plus touché à son frein DH Saint depuis… 13 ans. Mais d’autres visuels viennent suggérer que pour l’heure, l’étrier reste en deux parties. Le design tranche, les proportions sont généreuses — plus gros encore que le Maven de chez SRAM selon certains observateurs — et il charge ses plaquettes par le bas. L’étrier est pour l’heure monté avec le levier XTR dernière génération, et l’architecture générale laisse penser qu’on a là le successeur officieux du Saint, en pleine phase de test. Sur une piste aussi exigeante que Val di Sole, le moment est idéal pour accumuler des datas, pousser les limites…

Des limites avec lesquelles d’autres n’hésitent pas à jouer… Comme en témoigne l’usage parfois bien réel, de plaquettes de freins aux textures différenciées. L’idée ? Mélanger deux composés de plaquettes sur un même étrier pour affiner la sensation de freinage, ajuster le mordant ou le feeling au doigt près. Une sorte de réglage ultime, à la carte, réservé aux plus méticuleux. Car si cette astuce peut offrir un “touché” unique, elle exige une vigilance de tous les instants : une des deux matières s’use plus vite que l’autre, déséquilibrant le freinage au fil des runs. Une méthode que les mécanos de Coupe du Monde surveillent comme du lait sur le feu, mais qui reste formellement déconseillée au commun des mortels. Bref, ici encore, la limite entre magie noire et science du détail reste aussi fine qu’une épaisseur de plaquette sur un disque en feu.

📦 Autres nouveautés matos dans les tuyaux… 

Un nouveau pneu Maxxis a été repéré à l’avant des Santa Cruz V10 de Jackson Goldstone et Laurie Greenland. Encore sans nom officiel, il semble incarner la volonté de la marque de combler certaines lacunes de sa gamme, notamment pour les conditions mixtes, souvent mal couvertes par ses profils classiques. Le dessin rappelle par endroits le Minion DHF, mais s’en distingue nettement. Sur les bords, on observe un mélange de crampons carrés et en “L”, ces derniers fendus de rainures destinées à moduler la déformation. Au centre, c’est une autre histoire : des blocs également en “L”, avec des entailles croisées dans les deux directions, et une texture en grille fine sur toute leur surface. L’ensemble paraît clairement plus agressif qu’un DHF, et pourrait se positionner entre ce dernier et un High Roller III. Vu les prévisions météo fluctuantes cette semaine, son apparition à Val di Sole n’a peut-être rien d’un hasard ou du moins, pourrait faire mouche… 

Autre curiosité, le moyeu arrière monté sur le vélo d’Andreas Kolb, qui ne ressemble pas aux modèles DT Swiss habituels. Ceux qui ont pu faire tourner la manivelle parlent d’un comportement proche du système E-Thirteen Sidekick : une roue libre totalement désengagée en phase libre, sans résistance, sans interaction. Autrement dit, zéro kick-back ressenti dans les manivelles. Une approche radicale, bien utile sur un terrain aussi violent que celui-ci, et qui suggère que DT Swiss expérimente de nouvelles solutions, au-delà de ses habituels crans d’engagement ultra-précis. Rien d’officiel encore, mais ce moyeu pourrait bien représenter un tournant discret mais stratégique pour la marque si l’info venait à se confirmer… 

📊1,8kg, le chiffre du moment

Les lests embarqués, on en parle depuis quelque temps sur FullAttack. Jusqu’ici, on évoquait des masses supplémentaires de 600 à 750 grammes, glissées à l’intérieur des cadres ou fixées sous le tube oblique, au niveau du boitier. Mais la tendance semble prendre un nouveau virage. On apprend notamment que Jackson Goldstone roule avec pas moins de 1,8 kg de lest solidement sanglé à son vélo à l’aide de bandes Peaty’s. De son côté, on a repéré une version très explicite du lest Orbea, gravée 1,3 kg, utilisée ponctuellement par Tahnee Seagrave. C’est donc plus que la version officielle et de série. 

Pourquoi tant de poids ? Parce qu’ici, chaque centimètre compte. Dans la pente abrupte de Val di Sole, il suffit parfois d’un rebond un peu trop haut pour basculer par l’avant. Ajouter du poids permet d’ancrer le vélo au sol, mais aussi d’en atténuer les envolées de la roue arrière… Donc de gagner en stabilité dans les enchaînements les plus chaotiques et éviter le pire, certainement… 

Mais cette pratique soulève aussi des questions. En sport auto, il existe un poids minimum réglementaire voiture + pilote + équipement. Si l’ensemble est plus léger, on compense avec du lest, mais avec la liberté de choisir où le placer. On ne dit pas que le VTT de Descente doive adopter la même logique… Il n’est ici pas question d’un véhicule mu par un moteur et dont le rapport poids/puissance soit primordial. En Descente, le travail du poids reste la première force qui procure le mouvement… mais au vu des écarts de masse embarquée et de l’importance stratégique du placement du poids, une réflexion réglementaire ou scientifique pourrait peut-être s’ouvrir à ce sujet, pour nous éclairer sur les intérêts et limites de chaque solutions/profils…

🔥 Les favoris de la course

Chez les filles, Gracey Hemstreet arrive à Val di Sole avec un double capital : la dynamique de deux victoires consécutives, et un pilotage de plus en plus délié d’autant qu’ici, elle a déjà marqué les esprits par le passé. Mais attention, Vali Höll reste une menace constante : explosive, précise, et toujours en quête de ce retour au sommet qui lui échappe depuis plus d’un an. Dans ce décor brutal, peut-elle faire la différence ? À moins que Tahnée Seagrave crééait de nouveau l’évènement ! Après un début de saison tonitruant, elle semble être moins à l’aise dans la peau de la chassée. La voilà redevenue chasseuse… ET c’est ici-même, l’an passé, qu’elle avait signé son grand retour. Ne la sous-estimez jamais à Val di Sole.

Côté garçons, Jackson Goldstone fait figure d’homme à battre. Deux victoires de rang, un style incisif, et des nerfs d’acier : le Canadien impressionne. Dans son sillage, Loïc Bruni, solide leader du classement général, veut prouver qu’il peut lui répondre même dans la pente brute, après les signes plus qu’encourageants vus dans le bois du bas à Leogang. Et Amaury Pierron, qui avait écrasé la course ici l’an passé, reste une référence sur ce terrain. Laurie Greenland, de retour dans le top 5 à Leogang, connaît bien la Black Snake. C’est ici qu’il s’est souvent révélé le plus tranchant. Et puis, il y a les outsiders affûtés, prêts à déclencher l’étincelle : Loris Vergier, en pleine montée en régime et victorieux ici il y a quelques années, ou Finn Ilesdéjà sur le podium ici en 2024, et en quête d’un rebond après un début de saison compliqué, trop peu de temps passé sur le vélo suite à une blessure au dos durant l’hiver… À moins que, qui sait ? Un McNab ou un Dunne, sans pression, peut très bien venir tout bouleverser. Car à Val di Sole, il suffit d’un run parfait pour réécrire l’histoire.