CDM DH // Lake Placid 2025 – Ce que l’on apprend en marge de la course…

La Coupe du Monde débarque pour la première fois à Lake Placid, et si la piste de Whiteface se dévoile jour après jour, les paddocks n’ont pas tardé à livrer leurs petits secrets. Business, matos, rumeurs, stats et favoris : entre révélations et petites histoires, voilà tout ce qu’il faut savoir avant que les choses sérieuses ne commencent sur la Withface de Lake Placid…

Ce que l’on apprend de la piste…

À chaque nouvelle journée qui passe à Lake Placid, on en apprend un peu plus sur cette toute nouvelle piste de Coupe du Monde. Les reconnaissances à pied apportent déjà leur lot de précisions, et les propos d’Aaron Gwin, qui a endossé le rôle de consultant, éclairent d’autant plus ce qui attend les pilotes. L’Américain voit le tracé scindé en deux moitiés bien distinctes : le haut, ultra-technique, exigeant mentalement et volontairement déroutant, et le bas, nettement plus simple et direct. Dans la partie supérieure, les premiers 90 secondes sont “chargés”, sans ligne évidente, avec des options multiples qu’il a lui-même peaufinées jusqu’au dernier moment en bougeant les piquets pour brouiller les pistes. Le but ?Empêcher les pilotes de réduire cette largeur de 15 mètres à un banal sillon de quinze centimètres. À l’inverse, la seconde moitié se roule plus simplement – Loïc Bruni en dit que c’est Disneyland – mais ne manquera pas de punir ceux qui arrivent émoussés. Première année oblige, le terrain est encore mou, promis à évoluer rapidement : ce qui est rapide en début de semaine pourrait devenir impraticable au moment de la course. Entre sable meuble, cailloux qui apparaissent et se déplacent, ou roches sournoises qui menacent pneus et jantes, la piste s’annonce aussi vivante qu’exigeante. Le haut peut rappeler Val di Sole par son mélange de sable instable, de rochers qui sortent au fil des passages, de mouvements de terrain dont tirer profit et d’un engagement technique constant, tandis que le bas évoque Mont Sainte-Anne & Windham, avec ses parties plus roulantes et ses gros sauts – il ne manque plus qu’un conteneur iconique en approche d’arrivée pour refaire l’histoire

Ce que l’on apprend du business… 

Passés les détails sur la polémique liée à la construction de la piste sans toutes les autorisations nécessaires, Lake Placid est décidément l’étape où ressortent aussi des vérités intéressantes sur le business que constitue la Coupe du Monde VTT. Un journal local a ainsi révélé que Warner Bros. Discovery percevrait 420 000 dollars par an de la part de Whiteface Mountain pour organiser l’événement. Jusqu’ici, les spéculations allaient bon train : certains imaginaient des montants de plusieurs millions… Le chiffre reste néanmoins conséquent. Il couvre l’organisation de la course et surtout les droits de diffusion, qui sont désormais inclus dans le package WBD.

À titre de comparaison, quand l’UCI gérait encore seule les manches, les frais d’organisation se situaient entre 30 000 et 70 000 dollars, auxquels il fallait ajouter 20 à 30 000 dollars de coûts d’organisation : l’addition atteignait alors les 100 000$ et il fallait y ajouter les frais liés à la production TV. Avec WBD, ces frais sont couverts, mais la facture totale pour l’organisateur local grimpe quoi qu’il arrive beaucoup plus haut : entre 1,5 et 2 millions de dollars par an, selon des organisateurs comme ceux de Leogang. Un saut d’échelle qui montre bien à quel point la Coupe du Monde version WBD est devenue un produit global, aux coûts de production plus conséquents, a priori…

Ce que l’on apprend côté matos… 

Dans les paddocks, les nouveautés matos finissent finalement par se dévoiler entre Lenzerheide et Lake Placid. Côté suspensions d’abord, on aperçoit un détail inédit sur certaines Fox 40, avec l’apparition d’un tampon de fin de course comme on en a vu sur les Boxxer. Chez Trek, le Session en développement attire aussi l’œil : on distingue un flip-chip pour ajuster la hauteur du pivot, une biellette haute plus ajourée qu’auparavant, et même un tube de selle en deux parties soudées. Chez Frameworks, Asa Vermette teste un amortisseur Fox X2 Live Valve modifié : pas de système automatique à priori, mais une commande au guidon avec deux boutons, l’un pour bloquer, l’autre pour libérer la suspension. La curiosité est telle qu’il y a peu, Jackson Goldstone et Laurie Greenland sont venus jeter un coup d’œil sous la tente pour s’en faire une idée… 

Du côté de RockShox et SRAM, c’est le vélo de Troy Brosnan qui en dit le plus : on y découvre la mention Linear XL sur la protubérance désormais visible au pied du jambage gauche de la Boxxer, ce qui laisse penser à un volume d’air additionnel. Reste à savoir à quel chambre d’air ce volume se destine. Si Vorsprung a proposé de quoi élargir le volume de la chambre négative, il faut rappeler que RockShox a plutôt travaillé sur le volume du jambage pour éviter la montée en pression de ce dernier via la dernière itération de la Boxxer… On remarque aussi des plongeurs percés et alvéolés en bien plus grand nombre que d’origine, tels qu’on les avait découverts au lancement de la Boxxer. De quoi favoriser la lubrification des bagues de guidage et le maintien d’une pression des jambages à une valeur réduite ? Les images montrent en tout cas deux choses distinctes : de véritables perçages traversants et des cavités en surface. Enfin, les leviers de freins Maven parfois aperçus sur le vélo de Troy Brosnan affichent un ajourage encore jamais vu jusqu’ici.

Les innovations ne s’arrêtent pas là : Bosch a été aperçue en train de mener ses tests avec un système ABS adapté à la descente, sur les Canyon Sender et Scott à Lenzerheide. Le principe reste le même que sur route ou VTTAE : un capteur de vitesse à l’avant et un contrôleur pour moduler la pression du frein avant. L’objectif étant de limiter le soulèvement de la roue arrière pour en réduire les phases de blocage. Un défi de taille quand on sait que, en DH, les forces de freinage sont maximales et que le soulèvement de la roue arrière fait partie intégrante du pilotage. Pour l’heure, le système est encore en développement et profite de certaines séances d’essai pour être mis à l’épreuve. Il n’a pour l’heure pas vocation à apparaître en course.

Enfin, on note quelques détails plus “coulisses de champion”. Jackson Goldstone roule avec un cadre blanc Santa Cruz peint par Chris King, sobre mais efficace, assorti à son maillot arc-en-ciel. Ses roues sont déclinées en deux versions : avec joints d’étanchéité pour l’entraînement, et une paire sans joints réservée aux runs de course, pour un maximum de fluidité. Rosa Zierl a elle aussi droit à son vélo custom, tandis que Reece Wilson a surpris en ajoutant un carénage d’appui à son cadre, façon moto, pour mieux serrer avec les jambes. Reste à voir si les boulons apparents sur la pièce sont un vrai parti pris technique… Ou une bonne blague de mécano ! 

Ce que l’on apprend des stats…

Côté chiffres, cette manche de Lake Placid représente un tournant. C’est la dernière fois de la saison que des points sont distribués en Q1, ce qui donne à la séance de qualifications une importance particulière pour celles et ceux qui savent en tirer profit. Et les statistiques parlent d’elles-mêmes : Loïc Bruni a déjà engrangé 103 points de plus que Jackson Goldstone grâce à ses qualifications, tandis que Vali Höll en a récolté 48 de plus que Gracey Hemstreet. Des écarts qui, cumulés course après course, peuvent peser lourd dans la balance du général.

Signe révélateur : parmi ce quatuor de tête, Jackson est le seul à ne pas avoir systématiquement passé la Q1. Ses deux passages en Q2 correspondent d’ailleurs à ses pires scores de la saison, preuve que rater cette première qualif coûte cher, même pour un champion du monde en titre. Pour Bruni et Höll, habitués à capitaliser sur ces points intermédiaires, Lake Placid est donc la dernière opportunité de grappiller avant la finale. Une sorte de petit “bonus comptable” qui pourrait bien jouer les arbitres au moment de faire les comptes au Mont Sainte-Anne.

Ce que l’on apprend de certains favoris

Parmi les pilotes à surveiller de près ce week-end, Vali Höll occupe forcément le devant de la scène. Tout le monde se demande dans quelles conditions elle va pouvoir courir, compte tenu des difficultés actuelles de son équipe. Certaines rumeurs l’envoient chez Commençal, dans le team Schwalbe/Les Orres tenu par ses coachs. Sur le papier, ça aurait du sens : une structure qu’elle côtoie par moments, des pilotes et des managers avec qui elle a des affinités, et des partenaires en partie compatibles avec ses contrats. Quoi qu’il en soit, pour l’heure, elle roule toujours sur son YT, et profite du soutien du service course RockShox US, qui a pris l’habitude de jouer ce rôle : accueillir les pilotes sous contrat qui peuvent en avoir besoin, et les faire profiter des moyens de la marque pour mener à bien leur mission. 

Côté hommes, on pourrait se lancer dans une liste très complète des prétendants. Chacun aura sa petite idée. Ici, on se contente simplement de mettre en lumière deux pilotes qui jouent à domicile ou presque. Ryan Pinkerton, à peine dans sa deuxième saison élite, a franchi un cap impressionnant : il s’est affirmé comme un bon outsider, capable de viser la gagne en Coupe du Monde. Lenzerheide l’a démontré, et on attend forcément de voir la suite. Son compatriote Dakota Norton arrive lui aussi lancé, après avoir remporté l’US Open devant quelques clients du circuit. Sur un terrain de la côte Est qu’il connaît, il fait clairement partie des outsiders dangereux même s’il a encore certains doutes sur sa capacité à tenir à pleine charge sur une piste qui pourrait avoisiner les 3min30s pour les premières projections… 

Enfin, le duel au sommet entre Loïc Bruni et Jackson Goldstone reste le fil rouge de la saison. Plus précisément ici, à Lake Placid, Loïc confie que la partie haute du tracé correspond davantage au style de Jackson, avec ses mouvements de terrain et son engagement technique, tandis que le bas, plus roulant et physique, pourrait mieux convenir à son propre gabarit. Désormais leader, il regrette pour l’heure de ne pas avoir mieux capitalisé lors des deux dernières manches compliquées de Jackson. Deux fois cinquième alors qu’un podium ou mieux, une victoire, lui aurait permis d’être bien plus proche de la consécration… Quoi qu’il en soit, à deux courses de la fin, chaque détail compte, et Lake Placid pourrait bien servir de juge de paix avant le grand final canadien.