#6 Fred Glo

Le monde est petit… Mais qui l’anime ? En pleine lumière ou tapis dans l’ombre, certains font l’actualités. Pourquoi ? Comment ? Tandis qu’une nouvelle en chasse une autre, L’instantané d’Endurotribe, fige le temps : séquence introspection, pour saisir qui est aux manettes et nous inspire…


 

L’Instantané #6 – Fred Glo

Ce coup-ci, direction le massif des Maures, sur les traces de Fred Glo, l’incontournable. Distributeur, créateur, organisateur… En Enduro, l’homme est partout.  Il s’active et s’implique. Au point, forcément, de susciter des réactions de divers bords. Mais au fait, qui se cache derrière ces yeux malicieux ? Éléments de réponses pour mieux cerner cet instinctif par nature…

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Fred, en ce moment même, où es-tu ?

Dans le spirit room, chez Tribe Sport group. C’est un lieu particulier où l’on essaie d’avoir un peu de convivialité : autour d’un bon café, ou d’un bon verre puisque l’on a quelques bières artisanales de Valloire et du pinard des caves environnantes.

Ce n’est pas un musée, ni un showroom exhaustif, mais ça raconte un peu la vie de la boite avec quelques objets et photos. C’est un lieu qui appelle à être enrichi encore, tant qu’il ne finit  pas en musée à bibelots qui prennent la poussière.

Justement, que représente cette histoire et ces lieux pour toi ?

Tribe Sport Group c’est notre boite, avec mon associé Laurent Cornec. Sur le fronton, il y a aussi South Shore Bicycle. Une seconde société, créée avec Laurent, Fabien Barel, Jean-Pierre « Zoobab » Garnier (à qui l’on doit le design des casques Urge, ndlr) et Christophe Gallo (par ailleurs directeur commercial Tribe Sport Group, ndlr).

Pour quelqu’un, comme moi, qui a mélangé passion et travail, ces lieux et ces projets ont forcément une place importante : dans ma vie professionnelle, dans ma vie tout court. Mais ils comptent aussi pour 33 personnes et leurs familles. À l’échelle d’une entreprise, on reste une petite PME, avec des responsabilités diverses et variées. Donner du travail à cette équipe est peut-être déjà la première d’entre elles.

Je pense qu’ici, c’est un endroit où l’on se fait confiance mutuellement. Ce n’est pas facile d’avoir un effectif homogène où tout le monde tire dans le même sens. Ça fait partie des qualités qu’il nous faut avoir. Je pense qu’aujourd’hui, on a jamais été aussi performants dans ce domaine.

 

 

La dernière chose que tu as fait avant de nous rejoindre ?

J’étais justement en réunion Urge Bike Products. Pour être plus précis, sur la situation de la distribution en Allemagne, pour améliorer ce qui peut l’être. C’est caractéristique de notre activité : même si quelque chose marche, on doit être pro-actif. C’est un mot très courant ici : on doit essayer, tant que faire ce peut, d’être pro-actif, plutôt que réactif.

Ce genre de réunion fait partie de ton quotidien ?

Effectivement, la communication est très importante. Même si l’on est pas une grosse boite, on s’aperçoit que la communication se perd, même en interne. Donc pour espérer communiquer vers l’extérieur, il faut déjà s’assurer que le message passe entre nous. Sur ce point, on a toujours des progrès à faire. Nous avons 25 marques au catalogue. La masse d’informations à assimiler pour chacune d’elle est importante. C’est un boulot que l’on essaie de ne pas perdre de vue. Pas toujours évident.

 

 

En trois mots, tu es un..?

(Rires, comme pour mieux oser dire ce qui suit…) Cynique, arrogant, fainéant ?! Je ne cite que de vilains défauts… Parce que je ne suis pas sûr d’avoir forcément des qualités extra-ordinaires. Je ne sais pas si j’ai vraiment des traits de caractère très affirmés ou remarquables. J’essaie juste de prendre conscience de mes défauts et de les améliorer, faute de forcément réussir à en faire des qualités. C’est vrai que parfois, on peut y arriver. J’ai le sentiment d’avoir parfois réussi. Si je m’étais laissé aller à ne faire que ce que j’ai l’impression d’avoir envie de faire, sans me mettre de coup de pied au cul, je pense que je n’aurais pas fait grand chose.

C’est quelque chose que le boulot t’a amené à faire ?

Arf, le boulot… J’ai des contraintes, comme tout le monde, que j’essaie d’assumer. Mais je m’organise pour pouvoir me consacrer au mieux à la partie la plus agréable du travail. Parfois j’ai même l’impression de ne pas travailler, parce que je suis pleinement dans le plaisir de faire ce que l’on fait. Je ne vois pas ça comme une obligation tant c’est épanouissant. Du coup, je n’ai pas l’impression d’être sous la contrainte, donc de bosser. Peut-être que « boulot » et « contrainte » sont liés. En tout cas, c’est un peu comme ça que je vois les choses.

 

 

Où vis-tu ?

Cogolin, « back country ». À trois minutes à peine du bureau. Nous sommes dans le golf de St Tropez, mais la maison est tournée vers le massif des Maures, vers la forêt, vers la nature, vers les sentiers et tout le potentiel du coin pour pratiquer les sports outdoor. Loin de St Tropez, ses plages, ses boites de nuits, la jet-set…

C’est symbolique je suppose ?

Oui. C’est un choix. Il y a d’autres endroits où j’aimerais peut-être vivre, mais celui-là me convient, et j’y tiens.

Ça répond en partie à la question suivante : où roules-tu ?

Effectivement, à proximité de la maison et du bureau puisque c’est la facilité de se libérer une heure ou deux pour rouler. Et puis, j’ai pas mal bourlingué avec les Tribe Trips que l’on a pu organiser un peu partout dans le monde…

Du coup, tu préfères rouler seul, ou accompagné ?

J’essaie de rouler régulièrement pour me faire plaisir et me libérer l’esprit. J’essaie, cinq fois par semaine. Je n’arrive pas forcément à me libérer à heure fixe. Parfois une heure le matin, parfois l’après-midi. Il m’arrive donc d’y aller seul, parce que ça ne correspond pas forcément à l’emploi du temps des autres.
Parfois, je ne roule pas tout à fait seul non plus : j’emmène une de mes chiennes. On ne discute pas trop, mais on partage. (Rires, puis plus sereinement) Par contre, j’évite le « noon ride » avec les gars du bureau. Je prends un peu d’âge. Même si j’essaie de m’entretenir physiquement, j’ai besoin d’un peu plus de temps. Ils sont tous jeunes et en pleine forme, ils me mettent la misère. Le week-end, par contre, je suis ouvert aux opportunités avec mes amis ou ma femme.

 

 

Comment gagnes-tu ta vie ? Tu disais tout à l’heure ne pas avoir l’impression de travailler… Malgré tout, tu gagnes de l’argent..?!

Je génère mon salaire des activités de Tribe Sport Group. Notre métier consiste à distribuer des produits. En vendre suffisamment pour dégager la marge nécessaire à faire tourner la société. Je gagne donc ma vie en vendant des produits destinés à la pratique du cyclisme, majoritairement mountain bike, et encore un tout petit peu pour la moto.

Combien vaux-tu sur le marché ?

Je ne me suis jamais vraiment fixé de chiffre à ce sujet là. Je n’avais pas d’objectifs extra-ordinaires. Que ce soit pour mon salaire comme pour le reste, je suis en tout cas allé bien au delà de mes rêves. Peut-être n’étaient-ils pas assez grands ?! Dans tous les cas, je vois ça comme un challenge. Une fois tes objectifs dépassés, il faut malgré tout continuer d’évoluer et aller plus loin. Ne pas s’endormir sur ses lauriers, parce que dans l’entreprise, ça ne fonctionne pas.

Qu’est-ce qui te motive aujourd’hui, du coup ?

Un projet comme Urge par exemple, est très emblématique. Notre métier est celui de distributeur au départ. On nous confie la destinée de marques en France. En général, ce ne sont pas elles-même de grosses structures. Je parle de destinée parce que nous ne sommes pas des grossistes : on doit assurer la communication, le sponsoring, le SAV… Ce que l’on fait depuis nos débuts.

Du coup, on a aussi eu envie de se lancer dans un nouveau challenge : avec nos propres produits, notre propre marque. Et non pas seulement la distribuer en France, mais dans le monde. Ça c’est un gros challenge, c’est passionnant, ça motive. Rien que le développement des produits, pour les faire aboutir sur le marché avec ses propres convictions, c’est une nouvelle satisfaction.

Dans notre métier, comme dans d’autres, l’aboutissement n’est pas toujours à la hauteur de nos attentes. Pour des raisons de budget, de délais, de technologie, on se dit parfois « merde, pourquoi n’a-t-on pas réussi à faire ça ?! » Donc chercher de nouvelles manière d’y parvenir est une source de motivation.

Tu avais l’impression d’être pris dans un étau en tant que distributeur ? Alors que pour le coup, tu as plus de marge de manoeuvre avec ta propre marque ?

On a plus de liberté, puisque pour le coup, on a toutes les libertés ! On a aucune épaule sur laquelle pleurnicher si ça ne va pas. C’est tout à notre gloire si ça marche, tout de notre faute si ça plante. Il ne faut pas se tromper de collaborateur, de fournisseur, de sous-traitant…

Maintenant que tu es remonté dans le processus de vie d’un produit, est-ce quelque chose qui t’apporte en tant que distributeur ?

Le métier de distributeur nous a surtout apporté beaucoup pour lancer nos propres produits, parce que justement on avait cette vision et cette attente d’aboutissement sur le marché. Parfois, c’est ce qui manque à une marque, et c’est pourquoi elle fait appelle à un distributeur. On a parfois dû compenser énormément de choses pour gagner notre pain. Ça tend à changer parce que le milieu devient plus mature.

Avec Urge, on a identifié tout ça, et on a forcément à coeur de ne pas faire pareil ! Du coup, ça nous fait toucher du doigt certaines réalités. La volonté ne suffit pas. Quelque soit ton niveau d’implication et ta position dans la chaine, tu dépends forcément de performances d’autres entités. C’est un tout, qui se complète bien, désormais.

 

 

Après cette aparté à propos de ton métier, quelques questions d’ordre plus personnelle… Fred Glo, quel a été, selon toi, ta dernière bonne action ?

(Moment de réflexion… Puis, sur un ton grave, dans la retenue) Encore faut-il s’entendre sur ce que l’on peut définir comme une bonne action… Mi-mars, Mark Dunlop s’est suicidé. Il était sponsorisé par notre distributeur néo-zélandais. Le suicide, on apprend toujours ça de manière subite. Je ne le connaissais pas forcément, et c’était malheureusement trop tard pour le remercier d’avoir porté Urge. Lui faire part de notre gratitude. À cette occasion a été mise en place une collecte de fond. Pas pour ses obsèques, mais pour accomplir sa volonté : permettre à des jeunes de faire du mountain bike en Nouvelle Zélande. À titre personnel, j’ai versé de l’argent pour cette cause…

On sait que l’engagement humanitaire a fait partie de tes projets, notamment avec les Urge Events. As-tu une idée de la prochaine bonne action que tu pourrais faire ?

Je n’ai pas d’idée de la prochaine. C’est une question que je me pose assez souvent. Les Urge Events ont été une belle expérience, concrète, où l’on a réellement dégagé de l’argent pour de bonnes choses. Le mélange des genres était complètement sincère, j’espère que les gens l’ont compris. En tout cas, ceux qui se sont joint à nous l’on compris.

Mais le prochain coup, je pense qu’il faudra que j’aille réellement mettre les mains, concrètement, dans la concrétisation de la bonne action. J’aimerais trouver l’occasion de m’impliquer à titre personnel. En dehors de toute notion de business. Je pense que je le ferai un jour. Je ne sais pas encore sur quoi. Si c’est pour aider les gens en galère, ça ne manque pas. Pour l’instant, un peu par égoïsme, plongé dans notre activité passionnante et gratifiante, je ne donne pas encore de mes propres mains.

Peut-être faut-il aussi trouver le bon moment ?

Oui, le bon moment, la bonne cause, qui déclenchera chez moi le besoin d’aller le faire… (Pensif…) Je pense que je le ferai un jour.

 

 

Tu as une obsession en ce moment ?

Peut-être oui. Je vais avoir cinquante ans. J’ai beaucoup la sensation du temps qui passe en ce moment. Je ne l’avais jamais eu. Elle accompagne ma réflexion du moment.

On dit souvent qu’il vaut mieux un con qui marche que dix intellos assis… J’ai l’impression que ça fait un moment que je suis le con qui marche. Je pense qu’à un moment il faut aussi se poser sur le sens de tout ce qui a été accompli. Je n’ai pas envie de me retrouver, à un moment donné, à me dire que j’ai fait fausse route. Il faut prendre le temps de se retourner pour voir ce que l’on a fait. Pas pour contempler, mais pour éviter de compromettre la seconde moitié de vie qui s’annonce.

Tu ne veux pas avoir de regrets ?

(Offensif, comme pour extérioriser une émotion) Malgré tout, on a toujours des regrets. Quand tu développes, comme moi, un business comme celui-là, avec passion, tu mets beaucoup de toi-même, beaucoup de ton temps. Tu payes forcément de ta personne. Tu en donnes aussi moins à tes amis, à ta famille. Je pense à ma fille par exemple.

Mais quand tu as eu la chance de vivre ces cinquante premières années comme je les ai vécues, c’est déjà énorme. Il y a des gens pour qui, du jour de leur naissance, à leur derniers souffle, c’est un combat, une galère. Je me met des coups de pied au cul à chaque fois que je me plains de quoi que ce soit. J’estime que je n’ai pas à me plaindre. Pas quand tu as cette qualité de vie.

Tu en profites, mais tu veux être sûr de la place que tu joues là-dedans…

Oui. Je pense que je vis quelque chose d’inhérent à mon âge. Quand tu atteins cette âge, c’est assez logique de se poser ces questions. Pourtant, aujourd’hui, notre société n’incite pas forcément à prendre du recul. T’es dans ton business, tu le développes, tu te bats pour le faire vivre. C’est très bien… Mais tu as nécessairement envie de prendre un peu de recul pour être sûr que, sur la dernière longue ligne droite, t’auras le moins de regrets possibles.

Tu as une idée de la forme que pourrait prendre cette démarche ?

Si je me laissais aller, je ferais du VTT toute la journée, du sport outdoor à outrance. Je prendrais mon Transporter et j’arpenterais le monde entier, juste pour profiter de la vie et des bonnes choses. Maintenant, est-ce vraiment ça qui m’épanouira et me rendra heureux ? Je n’en suis pas si sûr…

 

 

Ta dernière découverte marquante ?

(Petit silence, comme pour laisser retomber l’engouement des précédents échanges…) C’est quelque chose purement pragmatique. On revient dans le business, mais c’est ce qui me vient à l’esprit. J’ai lu un article sur les particules fines que l’on respire. Quand on parle de ça, on parle gazoil, gaz d’échappement… Et en fait, 40 ou 50% de ce qui est produit par les véhicules provient d’autre chose. Les pneus et les freins notamment. Donc quand on dit « je fais du VTT, je suis tout propre… » Bah nos VTT qui n’ont pas de moteur : 100% de leurs particules fines, même si l’émission est moindre, proviennent des pneus et des freins ! On développe des plaquettes Brake Authority. Ça m’interpèle. Y’a pas que ce que l’on sent ou ce que l’on voit directement…

Une idée de la prochaine découverte marquante que tu pourrais faire ?

Non, je n’ai pas de direction particulière à l’esprit, hormis les questions existentielles que l’on vient d’évoquer ensembles.

Tu vis les choses, plus que tu cherches à les projeter ?

Si l’on revient purement à mes activités, et que l’on prend l’histoire des événements que j’ai créé par exemple, c’est très parlant. Quand on a fait la Tribe 10 000 la première année, je n’avais absolument pas dans l’idée de créer un championnat Enduro Serie qui devienne une coupe de France, puis que ça ouvre la porte à une Enduro World Serie.

On a d’abord créé un événement en s’inspirant de ce qui se faisait autour, à notre sauce. La course qui moi m’éclate. J’en ai parlé un peu autour de moi. Tout le monde me disait que ça allait être génial. Après deux éditions, Bernard, à Valloire, me demandait si je ne la ferais pas chez lui. Christophe Poirault, qui traçait à l’époque, m’a dit que d’autres stations étaient intéressées… Du coup, on a lancé les Enduro Series comme ça, sans préméditation…

C’est un feeling que tu as exploré, plus qu’une stratégie que tu as appliqué ?

Oui ! Je suis naturellement plus instinctif que stratège. Après, faut pas non plus pousser. À un moment donné, la stratégie doit entrer en jeu. Quand on en vient à lancer les Enduro World Series, oui, il faut se demander qui l’on met autour de la table, avec qui on s’associe. Tu entres nécessairement dans quelque chose de plus calculé. Parce que l’affaire est sérieuse, compliquée, avec des responsabilités. Sans ça, tu as peu de chance de réussir. Si tu fais à l’emporte pièce…

Quelque part, je sens que c’est l’instinct qui t’anime en premier, et la stratégie qui s’impose par nécessité…

Oui, je suis clairement instinctif. D’ailleurs pour moi, dans les relations humaines, c’est quelque chose de primordiale. Quand on doit prendre la responsabilité d’une marque pour sa distribution, l’instinct et le feeling humain est super important. Je m’y fie parce que je pense m’être rarement trompé. C’est quelque chose que je sens bien…

 

 

Ton meilleur souvenir à vélo ?

C’est pas un seul souvenir, c’est un ensemble : l’expérience des Tribe Trips. On a fait officiellement dix-neuf trips. C’est une aventure géniale. On a voyagé dans pas mal de destinations pour faire du VTT. C’était super riche. Déjà entre nous, dans l’équipe, la bande de copains. On s’en est servi pour faire la promo de notre boite, mais ça, c’était presque un argument pour faire accepter l’idée à mon associé. Parce qu’en fait, c’était surtout notre rêve de partir faire du VTT aux quatres coins du monde. Et même quand la qualité du ride n’était pas exceptionnelle, les expériences et les rencontres étaient extra-ordinaires.

Est-ce que ces trips ont renforcé l’esprit d’équipe ? Ou bien ce sont les trips qui l’on créé ?

L’esprit y était déjà, sans aucun doute. Et puis, il a commencé à décliner. En partie avec le décès d’Alain Olivier. Quand il est décédé, j’ai voulu continuer, un peu. Mais je me suis retrouvé à y aller pour faire le job. J’ai eu plaisir à rouler et shooter, mais je n’ai pas eu tant de plaisir à le vivre. Ce n’était plus pareil, il fallait tourner la page. Ne pas en faire quelque chose de simplement utile. Quelque part, ça devenait un travail, et comme on l’a dit précédement : je n’aime pas ça ! Et puis, mon instinct ne m’y incitait plus non plus.

Ce que tu en tires ?

Je conseille à tout le monde de voyager, de découvrir d’autres cultures. De ne pas être effrayé par d’autres coutumes. On est souvent agréablement surpris, enrichi. Ça ouvre les yeux, d’une manière générale, sur la manière de vivre ensemble en société. Mandela disait « éduquez les gens, éduquez les gens, éduquez les gens ! C’est le seul moyen d’harmoniser une société. » Dans le même esprit, j’ai envie de dire «  voyagez, voyagez, voyagez ! » C’est une des premières forme d’éducation. La peur des autres et de ce que l’on ne connait pas est un mal tellement trop répandu, qui fait tellement trop de mal dans notre société actuelle..!

 

 

L’invention que tu apprécies le plus ?

Il y a des inventions géniales, comme l’iPhone et tout ça, mais je ne suis pas sûr de les apprécier. Bien pratique, mais la technologie, ce n’est pas forcément mon truc.

D’ailleurs, si l’on reste dans le VTT, je vais dire quelque chose de particulier à propos des inventions. C’est peut-être un peu facile quand on sait que je peux rouler les vélos les plus chers de la gamme Rocky ou Yeti… Mais ne nous perdons pas dans cette quête inutile : le plaisir n’est pas là. C’est vraiment ce que je pense : si je n’avais pas été en situation de rouler ces vélos là, j’aurai perdu peut-être 5% seulement du plaisir. 95% du bonheur est ailleurs. N’importe quel petit hardtail 29 pouces, dès 1500€ – c’est déjà une somme – peut suffire pour être en pleine nature, jouer avec son vélo, et se faire plaisir.

Toutes les inventions que l’on peut prêter au VTT ont du sens : freins à disque, tige de selle télescopique, suspension… C’est indéniable, chaque année les produits sont meilleurs. Il n’y a pas de complot marketing. La plupart des ingénieurs VTT sont passionnés, et bossent dur pour améliorer les produits. Mais ne perdons pas de vue l’essentiel. Profitons de ce que la vie nous offre. N’en faisons pas une source de frustration.

Y a-t-il tout de même une invention que tu attends avec impatience ?

Ah oui ! Ce dérailleur ?! Cet appendice ridicule, source d’emmerde ? Quand est-ce qu’on nous l’enlève ? Quand tu vois le niveau technologique des vélos d’aujourd’hui, comment peut-on encore en avoir ?! Le dérailleur ! Ce truc qui date… C’est totalement obsolète ! Je pense qu’il va disparaître… Faut l’enlever. Le dérailleur, c’est l’appendicite du vélo. Va falloir opérer ! (rires)

 

 

Les personnages qui t’inspirent ? Tu as cité Mandela dans tes propos…

(Retour au calme…) Oui, il fait parti des grands classiques. On a tous besoin de repères comme ça, qui nous tirent vers le haut. Mandela fait aujourd’hui l’unanimité. J’aurais aimé l’avoir comme modèle à l’époque où il ne la faisait pas. Dans les années 80, j’étais un peu jeune, mais j’aurais aimé voir en lui ce que tout le monde voit aujourd’hui.

Dans une autre catégorie : Yvon Chouinard, le créateur de Patagonia, dans sa manière de gérer le business, m’inspire. J’aime le sport, j’aime la nature. J’aime, à mon niveau, repousser mes limites, même si j’ai une réserve quand à l’idée de jouer la tentation du toujours plus. Je fais du trail : je trouve débile cette course permanente à l’Ultra.

Néanmoins, quelqu’un comme Mike Horn, pour l’engagement dont il fait preuve, m’inspire. Je n’en serai jamais capable, mais quelque part, ces gens là me mettent des coups de pieds au cul sur de bons sujets.

Bien plus près de moi, ma grand mère maternelle est toujours vivante. Elle à 93 ans. Elle est totalement autonome. Quand je vois la banane qu’elle a, et le positivisme dont elle fait preuve… La façon dont elle a vieilli. Certains deviennent aigris et insupportables. D’autres se bonifient et son meilleurs qu’ils ne l’on jamais été. Quand je vois ma grand mère, je me dis que si j’arrivais à vieillir comme ça, ce serait exceptionnel…

Ça rejoint ce que tu disais justement, à propos de ce à quoi la barre des 50 ans t’incite à réfléchir…

Oui. J’aimerais vieillir comme ça ! Pas recroquevillé sur moi-même, et tous les soucis de santé que l’on peut avoir à cet âge là. Il y a des vieux tournés vers les autres, qui restent positifs… Ça m’inspire. Elle me met un coup de pied au cul et m’oriente. J’essaie d’en avoir conscience.

Une personnalité que tu aimerais tout de même rencontrer ?

Dans ceux que j’ai cité, j’ai rencontré Mike Horn sur un salon nautique. J’ai discuté dix minutes. J’étais content… Mais à quoi bon ?! Ce qui serait vraiment intéressant serait de passer du temps avec eux et de vraiment échanger. J’ai rencontré Yvan Chouinard, un peu plus longtemps. On a discuté 20 minutes. C’était une réunion 1% pour la planète, à Paris. Ce sont des petits clins d’oeil qui font plaisir. Mais ça reste limité. Dans l’absolu, partir 15 jours en Patagonie sur une action environnementale qui lui tient à coeur, ça ce serait génial. Rencontrer les gens oui, mais je n’en fait pas un complexe. L’important, c’est de rencontrer des gens et faire un bout de chemin avec eux.

 

 

Si tu devais te réincarner ?

D’un côté, j’espère que la roue tourne. Il y a des gens qui galèrent tellement que ce serait une bonne chose. Mais moi, j’ai la sensation d’avoir eu que du bon… Du coup, je m’inquiète un peu pour la suite ! (rires) Si la roue doit tourner, je vais en chier…. (Moment de réflexion…) Écoutes : un bel arbre, bien solide, au milieu de la forêt. Qui voit un peu le soleil au sommet. Paisible. Tu es là, tu contemples, t’es pas mal. (Silence à nouveau…) Oui, un arbre !

 

 

Ce qui t’inspire au jour le jour ?

Pas forcément quelque chose qui m’inspire, mais j’essaie d’être conscient de la chance que j’ai. Je me force à prendre conscience de ma situation…

C’est quelque chose que je sens chez toi depuis le début de cet entretien : comme s’il n’y avait pas forcément quelque chose d’extérieur auquel tu tentes de te raccrocher, mais quelque chose d’intérieur que tu exiges de toi-même…

Oui, parce que c’est bien de vouloir prendre son destin en main. Tu fais ce que tu peux. Mais il y a tellement de choses qui sont hors de ton contrôle. À certains moments, ton destin t’échappe, de toute façon. Et prendre conscience de la chance que tu as, quand c’est le cas, est primordiale.

 

 

Ton dernier projet achevé avec succès ?

Ces casques Urges. Le nouvel Archi, et le Down-O-Matic qui arrivent sur le marché. Comme on a pu l’évoquer précédement. Avec ceux-là, j’ai la sensation d’avoir un produit dont on est convaincu. Un produit qui convienne à la pratique que l’on connait. On aurait peut-être aimé pouvoir le vendre un peu moins cher. Une telle fonctionnalité, plus abordable, pour que plus de monde puisse y accéder. Mais pour le reste, je pense que l’on aurait pas été capable de faire mieux, en l’état actuel de nos connaissances.

Du coup, le prochain que tu vas entamer ?

Plusieurs développements sont prévus chez Urge et Brake Authority. Au niveau de la boite, plusieurs gros investissements ont été réalisés récemment. On a donc pas forcément de gros plans à venir. À titre plus personnel, j’ai prévu de vivre quelques trucs sympas qui me tiennent à coeur. Je vais faire la BC Bike Race, avec ma femme, tranquillement. Je vais faire les 6 jours d’enduro moto. Les Six Days, c’est un peu l’épreuve mythique de la discipline. Je vais le faire avec deux copains qui ont le même âge que moi. Je n’ai pas perdu cette passion et d’où l’on vient. C’est pas gagné, je ne fais plus tant de moto que ça. Physiquement, ça va être un petit challenge.Cette année particulière, je me fais quelques trucs qui marqueront l’année de mes 50 ans.

Où et quand va-t-on donc à nouveau entendre parler de toi ?

Sur la première manche de coupe de France, à Raon l’Étape. Sur le terrain, comme systématiquement depuis 2010 où je retourne pour voir la discipline évoluer. Et puis, plus tard dans l’année, pour marquer les 20 ans de la boite. J’y réfléchi encore, pour trouver une formule où tous ceux qui adhèrent au concept original y trouvent leur compte. À l’automne, après le Roc.

 

 

Que peut-on te souhaiter ?

Rien ! (Silence, puis les yeux malicieux qu’on lui connait…) Je suis déjà heureux de mon sort… (Rires)

Alors, à défaut de te souhaiter quoi que ce soit, merci Fred, pour cette opportunité saisie, de mieux comprendre le personnage 😉