Nicolas Vouilloz

Quand une actrice ou un acteur du monde du VTT nous offre son autoportrait en se prenant en photo et en se soumettant à un petit questionnaire décalé, c’est le Selfie !

Aujourd’hui, place à Nico Vouilloz, dix fois Champion du Monde de DH avant de devenir un spécialiste de l’Enduro…

 


Temps de lecture estimé : 12 minutes – Photos : Nicolas Vouilloz / DR


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Nicolas Vouilloz – L’Extraterrestre

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« J’aime conduire et piloter une voiture, mais finalement, c’est vraiment sur un VTT, dans les chemins naturels, que je me fais le plus plaisir. »

 

Comment te décrirais-tu ?

Pas facile de parler de soi comme ça… J’ai plusieurs traits de caractère, mais le premier qui me vient, c’est que je suis un perfectionniste. Dès que je me consacre à un projet, j’aime le travail bien fait, ne rien laisser au hasard et maîtriser les choses. Je suis aussi quelqu’un de plutôt solitaire, qui vit dans sa bulle… Un peu ours, quoi (rires) ! Mais attention, ça ne m’empêche pas de profiter de la vie et de tous les plaisirs qu’elle offre, entre autres à travers le sport et mes passions. Et même si j’ai tendance à être un peu dans mon monde, je suis plutôt « famille », dans le sens où je sais l’importance d’avoir ses proches autour de soi. Car au bout du compte, l’essentiel, c’est le cercle restreint, femme, enfants, parents, frère… Au cours de ma carrière, je les ai toujours eus autour de moi et il m’ont permis de me focaliser uniquement sur l’essentiel, de ne penser qu’à la victoire et rien d’autre. Et puis la famille, hein, à la fin, y’a que ça qui reste !

 

Le vélo a changé quoi dans ta vie ?

J’ai commencé tellement jeune que l’on peut dire que je me suis construit autour du vélo et plus particulièrement du VTT de Descente. Avec cette discipline, j’ai découvert une passion qui m’a ensuite permis de m’exprimer à fond dans un sport pour lequel j’étais doué. Aujourd’hui, avec mon rôle à plusieurs casquettes chez Lapierre, je constate que j’ai eu l’opportunité et la chance de pouvoir me reconvertir en continuant à faire ce que j’aime. C’est-à-dire rouler, tester des produits, développer des nouveaux modèles, m’occuper du team d’Enduro avec Adrien Dailly et continuer à participer à des compétitions, en Enduro d’abord, puis en VTTAE. Je considère donc que, depuis plus de trente ans, le vélo règle ma vie. Et finalement, c’est plutôt l’épisode en rallye automobile qui a réellement changé quelque chose en moi. J’ai dû repartir de zéro dans un sport où je ne dominais plus, apprendre beaucoup de choses – apprendre à perdre aussi – et travailler avec une plus grosse équipe. Ces quelques années m’ont beaucoup appris, y compris à faire confiance à plusieurs personnes (ingénieurs, mécaniciens, manager, copilote) et non à essayer de tout contrôler comme à l’époque où j’enchaînais les titres de Champion du Monde de DH… J’aime conduire et piloter une voiture, j’ai adoré évoluer dans ce milieu – j’y fais d’ailleurs encore quelques apparitions en tant qu’ouvreur pour Sébastien Ogier – mais finalement, c’est vraiment sur un VTT, dans les chemins naturels, que je me fais le plus plaisir.

 

La position du curseur sur ta balance boulot/loisirs ?

Je vis de ma passion, alors ce n’est pas facile de couper… Je pense à mon boulot de jour comme de nuit, le week-end, les jours fériés et ce n’est pas un problème. Je me donne toujours à 100 % dans ce que je fais, ça me passionne, mais j’ai aussi besoin d’avoir une certaine qualité de vie qui me permet de profiter des bons moments à la maison, dans la nature, au calme, sans personne derrière mon dos… C’est pour ça que je bosse de chez moi et que j’ai tout aménagé en fonction de ça. Je suis ainsi parvenu à établir l’équilibre boulot/loisirs qui me convient le mieux dans la vie.

 

Quand tu n’es pas sur ton vélo, tu fais quoi ?

Je suis dans mon atelier… J’ai l’ordi, mon matos, mes outils, tout ce qu’il faut pour bosser. Il y a même un banc de muscu pour m’entretenir un minimum. Et le midi ou le soir, il arrive souvent que Sandrine, ma femme, me sonne pour venir manger parce que je n’ai pas vu passer l’heure ! Sinon, je ne fais plus trop de modélisme – je me contente de regarder mes petites voitures -, j’ai arrêté la moto à cause de mes genoux, je ne vais pas souvent à la plage et si je fais un peu de ski de temps en temps, c’est avant tout pour profiter de la neige en famille.

« Le site de l’Enduro des Portes du Mercantour est un régal à rouler et quand tu lèves la tête, tu en prends plein les yeux. »

 

Mécanicien ou mécaniquer ?

Ah ça, la mécanique, c’est mon truc ! Ça l’a toujours été et je continue à monter mes vélos ou ceux de test toute l’année. J’aime aussi me prendre la tête à régler les suspensions aux petits oignons, chercher des solutions et aller voir ensuite si ça fonctionne. Depuis les attentats du 11 septembre 2001 où je m’étais retrouvé tout seul à Vail, dans le Colorado, pour les Championnats du Monde suite à l’arrêt du trafic aérien, j’ai réalisé que mon père ne serait pas toujours là et qu’il était super important de savoir démonter et remonter un vélo. De toute façon, c’est la base pour comprendre comment ça marche…

 

La dernière fois que tu as été embarrassé…

Chaque fois que je dois m’exprimer en public… et surtout en anglais. Je suis un peu timide et ça me stresse. J’ai donc une sorte de trac avant de commencer une présentation presse, par exemple, et ça peut me déstabiliser. C’est marrant parce que sur les courses, je n’ai jamais ressenti ça… Je savais que je maîtrisais mon sujet. Alors que là, en anglais, j’écoute ce que je dis, j’entends mon accent, l’horreur !

 

Dernier coup de cœur…

Je ne vais pas te parler de mon Lapierre Overvolt GLP2, quand même ? Pourtant, c’est de la balle ! Non, dans un registre complètement différent, disons que dernièrement, j’avoue avoir bien craqué sur la chanteuse Maëlle qui vient de sortir un album écrit avec Calogero. Bon, pour un descendeur, un enduriste, c’est pas très rock’n’roll, je sais, mais j’assume, la petite m’a touché. J’adore sa voix, les textes…

 

Dernier coup de blues…

Généralement, j’en ai souvent un après un événement assez intense, quand la pression retombe et que je me retrouve chez moi. Récemment, il y a eu les Championnats de France d’Enduro en VTTAE et même l’organisation du Téléthon à Peille… Je me suis bien investi là-dedans avec toute l’équipe et il y avait une bonne énergie positive. Du coup, quand ça s’arrête, je ressens effectivement comme un petit coup de blues. Et plus l’enjeu est de taille, plus la redescente peut être longue…

 

Dernier coup de gueule…

Je ne suis pas trop du style à gueuler, mais en revanche, il y a des choses qui me révoltent… Comme l’impression de ne pas pouvoir changer grand-chose dans la protection de l’environnement. Récemment, après avoir reçu les kilos de plastique inutiles qui emballaient des pièces de vélo, j’ai fait remonter l’information en disant que les marques devraient vraiment faire des efforts dans le packaging. Bien sûr, j’essaye de participer à mon petit niveau, mais le problème, c’est quand même les gros pollueurs… Et là, je n’ai pas l’impression que ça bouge. En même temps, en France, il semble que dès que l’on veut faire évoluer les choses, tout le monde lève les bras au ciel et refuse de changer quoi que ce soit, alors ! Pourtant, même si je suis loin d’être un expert, je sens bien que si l’on n’inverse pas la vapeur, on court à la catastrophe… Et je ne voudrais pas que nos enfants ne puissent plus profiter de toutes les merveilles qu’il y a sur Terre.

 

Dernière bonne nouvelle…

Le succès de l’organisation du Téléthon de Peille le week-end du 8 décembre, avec la Rando des Champions. On a fait plus de monde que l’an dernier – pas loin de 200 personnes – et on a récolté 4500 euros. Ça fait vraiment plaisir de participer à un projet collectif de la sorte.

 

Ton premier VTT…

On ne compte pas celui que mes parents m’avaient acheté à Auchan, hein ? Non ! Le premier, c’est donc un Specialized Rockhopper avec lequel j’ai participé à mes premières courses. Ensuite, il y a eu un petit contrat Spé avec le magasin La Roue Libre à Nice sur un Stumpjumper. C’était déjà mieux, surtout avec ma petite fourche Scott… Je fais un peu de pub à la concurrence, là ! C’était en 91, je crois.

« À l’époque de V-Process, la marque que j’avais créée, mon objectif était de gagner des courses, pas de vendre des vélos… Ça ne pouvait pas marcher ! »

 

Le plus beau spot pour rouler…

En France, c’est le site de l’Enduro des Portes du Mercantour. Les terres grises, les rochers rouges, les sentiers… Un régal à rouler et quand tu lèves la tête, tu en prends plein les yeux. En plus, c’est dans les Alpes-Maritimes, pas loin de la maison. Autrement, bien sûr, il y a Whistler, le paradis du biker, ou plus près de chez nous, Molini di Triora en Italie, à une heure de chez moi.

 

L’endroit où tu rêves de poser tes roues…

Récemment, on m’a proposé d’organiser un trip VTTAE sur un spot où je rêverais de rouler. Alors justement, j’y réfléchis… Je n’ai pas encore validé, mais je pense que ça sera sur une île… La montagne, la mer, des roches volcaniques. À voir. Et puis j’aimerais bien aussi me faire le tour du Mont Blanc en VTTAE. Mais pas en course, hein, juste en rando !

 

Une addiction…

Le chocolat, le noir, le vrai… Je croque un carré par-ci, un carré par-là et au bout de la journée, je m’aperçois que ça fait plus d’une barre ! Bon, et puis y’a la race, aussi… Je suis quand même un compétiteur dans l’âme et la performance au plus haut niveau a toujours été le moteur de ma vie.

 

Ton plus grand regret ?

Que la vie soit trop courte ? Que le jeunesse ne soit pas éternelle ? Mais ça, on n’y peut rien (rires) ! Disons que j’ai arrêté ma carrière en VTT de Descente assez tôt pour me consacrer aux rallyes automobiles. Je n’avais pas le choix, sinon, c’était trop tard. Mais du coup, je pense que je n’ai pas su apprécier suffisamment cette époque… J’ai aussi regretté la fin de l’expérience V-Process. Ça m’avait permis de développer et faire fabriquer mes propres vélos, mais ça s’est arrêté un peu tôt. Heureusement, avec Lapierre, j’ai trouvé le partenaire qui m’a permis de continuer à travailler dans ma passion, de rester dans un milieu que j’adore et de continuer à m’exprimer dans un domaine où je ne suis pas mauvais.

 

Une fierté…

Celle d’avoir rencontré Sandrine à 18 ans, qu’elle soit devenue ma femme et qu’aujourd’hui, on soit toujours ensemble avec deux beaux enfants… D’avoir fondé une famille, quoi ! On était vraiment jeunes quand on s’est connu et je suis assez fier que ça tienne encore.

 

Un talent caché…

Je ne sais pas… Médiateur, peut-être. J’ai du mal avec les conflits, les gens qui s’engueulent. Quand j’étais petit, par exemple, si mes parents se disputaient, j’essayais – et souvent avec un certain succès – que les prises de tête s’arrêtent.

 

Une erreur de jeunesse…

Avoir voulu lancé une marque de vélo sans être dedans à 100 %… Ce n’était pas le bon timing, surtout en étant athlète de haut niveau. Mon erreur, c’est de ne pas avoir été suffisamment impliqué là-dedans, d’avoir laissé la main. À l’époque, mon objectif était de gagner des courses, d’être Champion du Monde, pas de vendre des vélos… Ça ne pouvait pas marcher !

 

Un plat…

Un barbecue avec de la bonne viande, du poisson et des légumes grillés… Des pâtes al dente, aussi, ou des sushis. Rien d’extraordinaire, en fait. Simple, bio, mais bon !

 

Un concert…

Heavy Duty, dans un pub, quand j’étais venu te voir jouer il y a quelques années. Je dis pas ça pour te faire plaisir, hein (rires) ! De toute façon, je ne vais jamais voir un concert… Je suis toujours au courant une fois que la date est passée…

 

Un livre…

Désolé, mais je ne lis pas. J’ai vraiment du mal avec ça… Je le regrette un peu, d’ailleurs !

« Gilles Lapierre est toujours de bon conseil. Il m’en donne régulièrement. Comme celui de ne pas me lancer dans des projets pour lesquels je ne suis pas encore prêt mentalement. »

 

Une série ou un film…

Pas trop série, plutôt ciné… J’aime bien les films fantastiques, de science-fiction ou avec des super héros. Je pense à autre chose pendant une heure et demie, ça me détend et en plus, c’est quelque chose que je peux partager avec les enfants.

 

Une insulte…

« Qué blair’ », quel blaireau, quoi… Une expression, plus qu’une insulte, qui me vient souvent. Surtout au volant !

 

Un toc…

Parfois, je peux être un peu maniaque avec l’hygiène. Je me lave les mains très souvent et j’ai un peu la phobie des microbes. Par exemple, je déteste que l’on me fasse la bise et qu’on me dise après : « Oh là, là, si tu savais la crève que j’ai ! »… Ça me rend fou… Quand on s’entraîne et que l’on est plutôt affûté, on est plus sujet à attraper des virus à la con qui traînent. Tomber malade peut alors te faire perdre du temps dans ta préparation ou te mettre à plat avant une course, alors forcément, ça m’a rendu prudent… Peut-être trop !

 

Un conseil qui t’a particulièrement marqué…

Gilles Lapierre est toujours de bon conseil. Il m’en donne régulièrement, dont celui de ne pas me lancer dans des projets pour lesquels je ne suis pas encore prêt mentalement. Il me teste régulièrement là-dessus. Sinon, mon père me disait toujours : « Ne repousse jamais au lendemain ce que tu peux faire le jour même ». Et je n’y arrive pas… C’est d’ailleurs pour ça qu’il me le dit encore aujourd’hui (rires) !

 

Une devise…

Savourer l’instant présent et les bons moments de la vie. J’ai besoin de me le répéter, car j’ai tendance à beaucoup cogiter.

 

Merci Nico ! 😉