EWS Finale 2016 – Analyse : Entre les chiffres

entreleschiffres-finale-02La poussière est à peine retombée sur les traces de cette EWS Finale 2016. Les dernières péripéties d’une soirée de fin de saison aussi. Il est l’heure de faire le bilan. Celui d’un week-end de compétition une fois de plus unique. La victoire de Martin Maes, la gestion de Richie Rude et la bataille pour le podium Finale… Voyons un peu Entre les chiffres…

Temps de lecture estimé : 10 minutes / Photos : Enduro World Series

 

 

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Format de la course

À commencer par revenir sur les caractéristiques du parcours en lui-même. Sur le terrain, nous confions avoir le sentiment qu’il y en a pour tous les goûts lors de cette EWS Finale 2016. La preuve…

Le week-end commence par deux spéciales proches de ce que l’Argentine, La Thuile, Whistler et Les Portes du Mercantour ont pus prodiguer. Du dénivelé, de la pente (près de 200m/km) et un chrono moyen au delà des 5min. Leurs vitesses moyennes, sous les 30km/h, trahissent un parcours forcément scabreux, où la qualité des freinages et des appuis pour composer avec la pente a toute son importance…

Deux spéciales techniques puis… De tout ! Une spéciale 3 aussi longue que la précédente… Mais deux fois plus plate, et trois fois plus sinueuse, à en donner le tournis. Les jambes de certains doivent encore se souvenir des relances innombrables de ce dernier run du premier jour de course.

Its pretty beautiful out there!

Lendemain, rebelote avec, cette fois-ci, une spéciale plus plate encore, mais la plus rapide du week-end ! Autant dire que Jérôme Clementz et Damien Oton ne se trompaient pas à l’arrivée de ce premier chrono quand ils déclaraient de concert qu’il s’agissait d’une « spéciale toute en puissance au pédalage. En prise partout » où chaque petite occasion de relancer à son importance dans le chrono final…

Début dans la pente et les rochers d’un sommet, puis en prise sur une ligne de crête assassine, avant de plonger dans une succession d’épingles fraîchement tracées :  sur le terrain comme dans les chiffres, la spéciale 5 a le chic de contraster avec les autres du jour. Elle représente un défi presque complet en deux kilomètres à peine : engagement, précision, résistance…

Mark Scott sits in 11th, so close to getting an EWS top 10!

D’autant que la suivante a fait débat parmi les pilotes. On aime, ou on déteste ces spéciales… Plates ! 3 kilomètres, plus de 5min de chrono… Et 84 petits mètres de pente par kilomètre avalé à 29km/h de moyenne. Si la première spéciale du jour passait encore avec la multitude de sauts et d’appuis qu’elle proposait en guise d’amusement, celle-ci fait bien plus de dégâts. Notamment sa partie centrale, faut plat descendant lisse, négociée au milieu de pâtures avant de rentrer lancé et entamé dans une section rocailleuse en fond de vallon.

Décors tout autre pour la dernière du week-end. En un changement de versant à peine, nous voici sur le sable et la roche friable des bords de mer. Un sentier plat en prise au milieu des broussailles avant… De plonger ! à n’en plus finir, sur l’un des passages les plus mythique de Finale. DH Uomini, une fin pentue et défoncé qui entame à peine la vitesse moyenne d’une spéciale bouclée à plus de 30km/h de moyenne pour certains…

The shuttles await the journalists for a long day of course previewing

Ce que ne dit par l’analyse ? Ne pas oublier que dans les deux jours de course de cette EWS Finale 2016, toutes ces péripéties entraient en jeu après plus de 2h de liaison, près de 1000m de D+ avalé sur le goudron, à la pédale. Les remorques des navettes de Finale sont restées vides de tout vélo de compétiteur ce week-end.

Pour une première journée relativement « alpines », des faux airs du moins… Et une seconde qui n’a jamais aussi bien porté le slogan de Finale cette année : des montagnes à la mer. Lui confiant une illustration de la diversité des lieux de premier ordre.

 

 

Martin Maes giving it 100% and winning 3/3 stages today

Évolution du classement

Sur un tel programme, l’évolution du classement est particulièrement intéressante. Notamment pour mettre en évidence plusieurs comportements distincts…

Le premier qui consiste à profiter des spéciales 1 et 2 pour se hisser en tête, et ne plus en décrocher. Ce que Martin Maes, Richie Rude et Nicolas Lau n’ont pas manqué de faire. On plébiscite souvent la coordination du premier, la force du second et l’équilibre du troisième. Méthodes différentes mais résultats similaires lorsqu’il s’agit de dévaler, des minutes entières, un pan entier de montagne.

Reste qu’il leur fallait rester costaud le reste du temps. Ce qu’ils sont parvenus à faire, quand d’autres montraient quelques difficultés sur les traces plus pédalantes et plates du week-end. Sam Hill et Théo Galy notamment : talentueux dans la pente, plus en difficulté ensuite. Si certains se demandent encore ce qu’ils peuvent travailler dans l’hiver. Incontestablement l’épreuve qu’il faut pour poser l’oeil du tigre sur le défi qu’elle représente, et revenir plus fort encore…

A glance back up at the stage that held Sam back today, 15th on stage 1 was his worst result of the day putting him 7th in the overall

À l’inverse, d’autres démontrent une sacrée motivation : celle de ne rien lâcher, malgré des débuts difficiles. Une première journée en dedans notamment. Damien Oton en premier lieu, aux prises avec Jérôme Clementz pour le général. Mark Scott, Jesse Melamed, Florian Nicolaï et Alexandre Cure. Des pilotes pourtant observés très à l’aise dans la pente par ailleurs.

Croisé de bon matin dimanche, Lilian, team manager Rocky Mountain / Urge semblait attendre mieux de ses pilotes… Message reçu 5/5 : victoire du classement des teams sur le week-end et au général à l’occasion de cette EWS Finale 2016.

 

 

Double thumbs up

Évolution des écarts

Reste que si la ligne de Martin Maes reste au sommet du classement, elle ne traduit pas totalement le déroulement du week-end. Il faut se pencher sur l’évolution des écarts pour mieux comprendre…

Et voir, en premier lieu, que tous ses adversaires, sans exception, se sont « pliés » à sa domination. Les courbes ont toutes le même profil. Elles plongent sans retenue jusqu’à la spéciale 4, avant se s’infléchir à la suivante. Moment ou Martin décide d’assurer, et où, par la force d’une saison qui touche à sa fin, tous les autres jettent toutes leurs forces dans la bataille.

Certains plus tôt que d’autres : Nicolas Lau et Damien Oton notamment. Dès le matin du dimanche, au pédalage et à la relance de la spéciale 4. Alors que quelques instants plus tard, on remarque à quel point Richie Rude assure dans la suivante. La très risquée spéciale 5.

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Sa courbe est presque celle qui amorce l’inflexion le plus tardivement. Reste que dans la spéciale suivante, plate et en prise, il n’a pas de problème pour se ressaisir et faire parler ses qualités propres. Temps scratch et seconde place assurée.

C’est enfin ici que l’on perçoit le véritable poids de la crevaison de Jérôme Clementz dans la dernière spéciale du jour. Près de 25s si l’on considère que sa courbe n’avait pas d’autres raison de suivre un autre profil que l’ensemble des autres.

 

 

Damien Oton took 2nd in the overall today

Écart au premier

Pas totalement convaincu de l’idée selon laquelle la performance de Martin Maes a imposé sa loi sur le déroulement du week-end ?! Coup d’oeil sur ceux qui ont imposé le rythme en spéciale…

Pour constater que Martin a repoussé ses principaux adversaires à plus de 3% du temps sur les deux premières spéciales ! Pour rappel, le même écart qui séparait à peine les dix premiers sur la plupart des spéciales de la première manche de la saison, à Corral, au Chili. Qui doute encore que le poids d’une saison puisse peser dans les corps et les têtes de nos athlètes ?!

C’est en tout cas ici que l’on constate qu’il impose son rythme jusqu’à la spéciale 4, avant d’assurer. Et, en lien avec sa performance, qu’il est intéressant de cliquer sur la courbe de François Bailly-Maitre. Crevaison dans la première spéciale, mais surtout : très bon rythme dans la spéciale 4… Explications !

 

 

The Quarq devices await their riders for the day. #6 was destined to go very fast

Au petit jeu de la zone neutre…

Sur les Enduro World Series, les 30 meilleurs pilotes partent dans l’ordre inverse du classement général provisoire de la saison. À ce petit jeu, François Bailly-Maitre partait donc 30s derrière Martin Maes. Sur le terrain, la spéciale se divisait en 2 parties, séparée d’une montée. Trop courte pour être faites en liaison, trop longue pour être comptabilisée en course.

Elle s’est faite sous le régime de la zone neutre, déjà rencontré au Chilli : le chrono se suspend au début de la zone, et reprend à la fin. Entre, à peine le temps de s’arrêter, juste de quoi gérer son effort comme bon nous semble. François lui, avait prémédité son coup : monter vite, pour prendre la roue de Martin Maes sur toute la seconde partie du run.

Une occasion rare et que rien n’interdit au règlement, pour mesurer ce qui sépare du leader de la course… Et profiter de l’inspiration (et non l’aspiration) pour rouler aussi vite, signer un bon temps !

Sur cette spéciale, 4 secondes à peine sur la ligne d’arrivée, prises dans certaines sections sinueuses où le pilote GT tourne manifestement mieux…

 

 

Places en spéciale

Chose rare pour être soulignée : la performance de Martin Maes se lit jusque dans le tableau des places en spéciale. Habituellement, ce dernier tableau permet bien plus de mettre les performances des seconds couteaux en valeur…

Cette fois-ci, sa lecture commence par démontrer une fois de plus à quel point certains n’ont pas réussi à suivre le rythme du Belge. Il n’y a qu’à voir : sa ligne propose un dégradé du foncé vers le clair. C’est la seule !

Pire, le reste du tableau entier dessine un beau dégradé en diagonal : clair en bas à gauche, foncé en haut à droite. Avec de jolies lignes diagonales qui suivent le même mouvement. Comme pour montrer à quel point ses concurrents n’ont pu s’exprimé que plus tard, une fois le sort de la course scellé.

Tout juste peut-on confirmer les propos tenus précédemment. Au sujet de la performance de Damien Oton notamment, manifestement plus en verve le second jour que le premier. Ou Sam Hill, bien sur la deuxième partie du premier jour, à court d’énergie ensuite. Et François Bailly-Maitre, maitre ès ruse dans la spéciale 4 du week-end…

 

 

Martin Maes dans toute sa splendeur

Manifestement, Martin Maes était fort, très fort ce week-end. Mais quelque part, comment pouvait-il en être autrement pour la première victoire en Coupe du Monde de celui que tout le monde considère comme l’avenir de la discipline ?

Depuis ses débuts, la planète Enduro l’imagine écraser son monde, un jour ou l’autre. Finalement, il n’aurait pas été à son image d’arracher la première place pour quelques centièmes, dans l’ultime run du dernier week-end de la saison.

Pour que le spectacle soit à la hauteur, il lui fallait cette victoire, et cette manière. Quelque part, il ne pouvait en être autrement… Finale Ligure, haut lieu de l’Enduro mondial, clôture d’une saison usante, propice à creuser des écarts meurtriers, était peut-être l’endroit où le meilleur des scénario pouvait s’écrire.

2016 world champion

C’est chose faite ! Martin Maes tient sa première victoire Enduro World Series. Et se rappelle au petit monde de l’Enduro mondial comme l’un des plus fervents concurrents de Richie Rude à l’avenir. Au point de se demander combien de temps encore le trophée de Champion du Monde va rester chez l’Américain ?!  Début de réponse en Nouvelle Zélande, dans 5 mois et demi, soit 24 semaines de récupération, de coupure et de préparation pour la saison à venir.

Et, petite confidence de paddock > ici et là, il était déjà question du profil, du matériel et de certains traits de caractère de cette manche d’ouverture à venir. Bref, les chiffres, les analyses et les idées n’ont pas fini d’en animer certains… Nous les premiers ! Bon hiver à tous 😉