Simon Deniel, 31 ans – Guide de haute montagne / pisteur secouriste à Tignes, revient pour Endurotribe sur sa grande traversée cumulée des Alpes et des Pyrénées, réalisée l’été dernier à VTT.
28 jours en solo sans assistance, de Ljubljana en Slovénie à Hendaye sur la côte atlantique…
Temps de lecture estimé : 6 minutes – Récit et photos : Simon Deniel
25 août 2019 – Rencontre au sommet… du G7
Étonnant. Inattendu. Difficile. Infini… Ce dimanche ne ressemblera à aucun autre. Pourtant, il ne reste plus que 70km à parcourir. Rouler au coeur de ce magnifique Pays Basque à la fois compact, moutonné, musclé. Quel bonheur de le retrouver !
Mais ce matin, dernière des 24 étapes, rien n’est facile. La fatigue, l’infection d’un pied qui ne me permet plus de le poser à terre, la déshydratation de la veille… Hier, Le thermomètre s’est affolé aussi haut que mon énergie s’est abaissée. Le verdict est clair, il ne faudra pas avoir à pousser, seulement pédaler.
Ce sera peut être le dernier petit matin. Peut-être le dernier paquetage consciencieux d’un sac à dos si épuré que la seule idée d’un confort supplémentaire, après 24 jours d’effort, semble inutile. Reprendre place sur ce fidèle « deux roues » qui a essuyé l’exigence de deux chaînes montagneuses, les mots gros ou petits, les avaries mécaniques ; mais, qui ne m’a malgré tout jamais abandonné tel le plus proche des compagnons. Ce genre d’aventure qui humanise le vélo et la rapproche de son bourreau.
Saint-Jean-Pied-de-Port, dernier îlot de repos, s’éloigne peu à peu… Oui, mais, dans le mauvais sens. Voici maintenant une heure et demie que je m’éloigne des côtes basques. Seul mon père, à 700km d’ici, s’en rend compte lors du tracking hebdomadaire. Quelle tristesse ! Plus la force de se mettre en colère. Surtout ne pas poser le pied, ne pas s’arrêter, ne pas réfléchir. Repartir ! Comment est-ce possible ? La fatigue a eu raison de ma concentration. Que c’est dur ! Finalement, ce sera 100km au programme. C’est reparti. Je pompe, le blocage de la fourche avant est cassé depuis déjà quelques jours et l’efficacité s’en ressent.
Finalement, la matinée reprend sans encombre, mais, rien ne doit se passer comme prévu… Quelques chemins plus loin, le cortège du G7 bloque les accès locaux. Berlines blindées, encadrement militaire, sirènes, routes bloquées tout est irréel. Espelette, lieu d’attraction de ce jour a été choisi par les concubin.e.s des présidents pour quelques emplettes. Tout est surréaliste. Me voici bloqué, impossible de simplement traverser la route pour rejoindre mon itinéraire. Traverser l’Europe par la montagne et se retrouver bloqué par dix mètres de route. Belle ironie ! La négociation avec la gendarmerie est vaine. L’attente est interminable et ronge le peu d’énergie restante. Un rapide sourire de Mélania Trump à l’assemblée et c’est reparti ! Remettre douloureusement cette chaussure gauche que j’ai eu la mauvaise idée d’enlever. La décision est simple. Ni le temps, ni l’énergie ne jouent en ma faveur. Les trois dernières dizaines de kilomètres se feront par la route. Je n’ai plus l’efficacité nécessaire après ces 24 jours de VTT, 2500km, 120 0000 mètres de dénivelé. Savoir être raisonnable. Voici un bel apprentissage !
La journée se termine sur je ne sais plus quelle route et certainement pas au plus court, mais, là n’est plus l’essentiel. L’essentiel le voici au loin, cette immensité océanique. L’Océan Atlantique. Hendaye. Ses surfeurs. Un muret. Anonyme au milieu des baigneurs, seul mon bronzage et mon fidèle compagnon trahissent mon itinéraire. Hagard, je trouve enfin l’énergie de demander à un vacancier de me prendre en photo devant l’océan avec en fond les falaises agrémentées par de rares baigneurs courageux de fin de journée. Vite soulever le vélo, sourire pour un dernier souvenir de ce grand périple. Quelques mots échangés. Une émotion contenue. Le fil des heures s’est égrainée ; mais, là n’est plus l’essentiel ; demain, je me reposerai…
À corps et à coeur !
Tout départ est difficile. Au pied d’un défi, les premiers kilomètres sont toujours une somme de questions, d’inconnues, d’incertitudes qui poussent le corps et le coeur à s’unir vers un seul objectif. Véritables révélateurs de motivation, les premiers jours sont compliqués. Prendre le rythme ! Pour ma part, c’est à partir du 5 ou 6 ème jour que les 10 à 12 heures d’efforts hebdomadaires s’égrainent sans lassitude.
Les journées sont intenses, la dépense est immense, de 5000 à 7000 Calories/jour. Penser à s’alimenter régulièrement, à s’hydrater et récupérer. Le corps, l’esprit vont à l’essentiel. Seuls les besoins vitaux sont assouvis. Le superflu est oublié. Quelle chance de pouvoir s’astreindre à l’essentiel !
Ce périple a été un vrai corps à corps. Avec le vélo. Avec la montagne. Chaque étape, devenait finalement la plus intense, la plus difficile. A chaque jour, un cran d’engagement physique supérieur. Les Alpes juliennes ont demandé beaucoup de concentration lors des passages de via-ferrata. L’Italie m’a fasciné par l’ampleur de ses cols et la beauté de ses chemins. La Suisse, véritable pays de montagne, par la beauté de ses vallées. La France, par la multitude de ses ambiances que ce soit des Alpes du Nord aux Pyrénées atlantiques. Malgré toutes ces émotions, ce défi ne mérite pas le nom d’aventure. Dans les Alpes européennes et les Pyrénées, la démographie est finalement si importante et rares sont les fonds de vallée inhabités. Mis à part dans les dolomites, je n’ai jamais vraiment senti l’immensité de la nature m’enivrer comme on peut le vivre en Amérique du Nord, dans les steppes mongoles ou autre pays continent…
L’ironie de l’histoire est qu’il aura fallu se trouver confiné, privé de notre si précieuse liberté de circuler pour écrire et enfin, me remémorer ces souvenirs. S’asseoir et retranscrire ce long périple dont je n’avais jamais vraiment parlé.
Ljubljana >> Hendaye, à VTT
28 jours – 24 étapes dont 4 étapes bloqué à cause de la météo
Moyenne Journalière : 110 km – 3200 m de D+
Total : 2592km / 120 000m de dénivelé
Mon équipement
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– Lapierre Zesty AM 527 Carbon
– 1 sac à dos 20L de trail
– 2 Gps dont un tracker pour déclencher les secours donner ma position en temps réel
– 1 panneau solaire
– 1 frontale ultralight / 1 flash arrière
– 1 kit de réparation de base (rustines, leatherman, collets, collier de selle, chaine, 1 maillon, plaquettes…)
– 1 pneu neuf / 2 chambres à air
– 1 trousse de secours
– 1 short de VTT + cuissard
– 1 t-shirt type trail
– 1 haut manche longues en merino
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[column size=one_half position=last ]
– 2 paires de chaussettes light VTT
– 1 boxer
– 1 doudoune light
– 1 coupe-vent imperméable light
– 2 jambières
– 1 pantalon imperméable
– 1 casquette
– 1 casque
– 1 paire de lunettes avec verres évolutifs en fonction de l’ensoleillement
– Quelques barres de céréales + 50cl de coca + 2 gels
– Chaussures de VTT Mavic
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Poids sur le dos : environ 4kg – nuitée en gite, refuge, hôtel – un repas chaud par jour, le soir
Simon Deniel, 31 ans – Guide de haute montagne / pisteur secouriste, Tignes
Sponsors : ARMOR / Guidetti / Optique Braunshausen
Différentes expéditions & ascensions de voies et sommets vierges depuis 2008 en Europe / Himalaya / Japon / Amérique du Sud / Mongolie…
2016 : Début des voyages à Vélo avec la Pro Divide USA
2019 : Réalisation de la première traversée intégrale enchaînée Ljubljana – Hendaye par la montagne à VTT.