D’une certaine manière, à Rotorua, la saison Enduro World Series 2017 a débuté comme un pétard mouillé. On attendait donc plus de spectacle, et plus d’enseignements de cette deuxième étape, à Derby, Tasmanie.
Avec la victoire et les 3 premières places occupées par les 3 costauds identifiés Entre les Chiffres de la première épreuve, nous voilà rassurés. Mais que signifie être en forme, être costaud sur ce week-end de Coupe du Monde ?!
C’est tout l’objet de cette nouvelle analyse Entre les Chiffres. Comment s’est déroulée la course ? Qui a fait la différence ? Où et quand ?! Éléments de réponse…
Temps de lecture estimé : 7 minutes / Photos : Enduro World Series
Format de la course
L’analyse débute une fois de plus par un coup d’oeil au format de la course. L’occasion de distinguer un parcours en deux temps : les trois premières spéciales, puis les quatre suivantes…
Une vision encouragée par plusieurs données intéressantes. Le déroulement de la course féminine d’abord. Ce sont les 3 premières spéciales qui ont permis à Isabeau Courdurier de construire son avance sur Cécile Ravanel.
Le programme de la course lui-même, puisqu’un retour au paddock était planifié à l’issue de la troisième spéciale du jour. L’occasion pour les pilotes de se refaire la cerise et se remobiliser, pour certains, après trois chronos sous le coude.
Les données des spéciales enfin, qui viennent en partie corroborer cette analyse. Les trois premières présentent un visage relativement homogène : 4 minutes 30s en moyenne, soit trois des quatre spéciales les plus longues du jour. 100m/km de pente moyenne, des profils relativement comparables où la relance est de mise.
Un gros morceau avant d’attaquer la seconde moitié de course plus folle et contrastée. Un coup dans la pente, un coup à plat. Un coup lent, un coup rapide. Un coup long, un coup très court. Les spéciales les plus techniques selon les dires. Des différences de rythme auxquelles il faut réussir à s’accorder après déjà plusieurs heures de selle…
Pour ces données, pour ces changements de rythme comme pour le faible cumul des chronos – moins de 30 minutes – une étape qui s’insère plus que jamais dans ces épreuves sprint dont on parle de plus en plus fréquemment : Wicklow, Corral, Rotorua… Et désormais Derby, entre autres !
Évolution du classement
Il n’y a qu’à regarder l’évolution des classements pour se convaincre de cette lecture de la course. Les courbes se croisent et forment un nœud entre la troisième et la quatrième spéciale…
Martin Maes, Robin Wallner et Jesse Melamed – trois des quatre premiers à l’issue de la spéciale 3 – n’ont manifestement pas survécu à la mi-course. Il n’y a guère que Jared Graves, auteur du premier scratch du jour, qui se maintient après la pause, prenant même la tête à l’issue de la spéciale 4.
Les plus costauds, vainqueurs finaux, ne sont pas en reste pour autant. En embuscade à tour de rôle. Adrien Dailly sur le second chrono, Sam Hill et Théo Galy sur le troisième… Il n’empêche que la tendance est claire : il fallait être en verve sur la seconde partie de la course pour briller.
Greg Callaghan et Richie Rude le démontrent ! Le premier notamment en profitant idéalement de la quatrième spéciale pour effectuer un bond impressionnant de la quatorzième à la deuxième place.
Il s’en est d’ailleurs fallu d’une petite chute dans la dernière spéciale pour qu’il abandonne la tête. Une spéciale courte et intensive. Typiquement ces spéciales où il y a plus à perdre qu’à gagner…
Évolution des écarts
La seconde moitié de course revêt une importance encore plus criante à la lecture Entre les Chiffres, au fur et à mesure de la course. Toutes les courbes plongent, sauf quelques unes, à partir de la fameuse quatrième spéciale…
C’est là qu’Adrien Dailly et Greg Callaghan démontrent une forme que d’autres n’ont manifestement pas. Sam Hill si, mais avec un retard à l’allumage de la spéciale 4. L’Australien était pourtant à égalité avec le jeune Français à l’issue du chrono précédent. Mais les 7s supplémentaires lâchées à cette occasion sont rédhibitoires.
Greg Callaghan, surtout, fait une démonstration. Les mauvaises langues pourraient dire qu’il a conquis ses plus grands succès à domicile, surfant potentiellement sur la connaissance des tracés de Wicklow. Il démontre ici qu’il est plutôt un spécialiste de ce format sprint : compact et explosif.
Logique, après tout, pour un enduriste – forgé par son terrain d’entrainement – Irlandais dans le cas présent…
Rythmes en spéciale
Format sprint pourrait rimer avec coup d’éclat. Il n’y a qu’à voir de quelle manière le rythme est imposé en spéciale selon notre analyse Entre les chiffres. Pas de véritable patron. Chacun, à tour de rôle, saisit sa chance…
Les trois premiers se partagent une fois de plus les avant-postes des derniers chronos du jour. Un coup à toi, un coup à moi. Tu attaques, je réponds. L’important étant de porter l’estocade au bon moment pour maximiser le rendement de ses qualités.
Adrien Dailly, notamment, vu avec plusieurs sets de suspensions différents durant les reconnaissances. De quoi, potentiellement, tirer parti d’un avantage au moment opportun pour faire mouche. Nul doute que certains échanges avec Nicolas Vouilloz, son mentor en la matière, valent leurs pesant d’or. La course a ses petits secrets…
Et les chiffres continuent d’en mettre quelque-uns en évidence. Ici, comment Théo Galy et Florian Nicolaï se sont finalement illustrés : sur le flow et dans la pente des blocs rocheux de la spéciale 5, et sur le sprint final de la dernière minute trente de course.
Au rang des exceptions, Richie Rude. L’expérience du double Champion en titre qui mise sur la régularité pour passer ce début de saison sans encombre. Jamais leader mais toujours placé, toujours constant, l’Américain a fait le job pour marquer des points précieux sans prendre trop de risques.
Places en spéciale
On termine l’analyse Entre les chiffres de cette seconde moitié de course avec les places en spéciales. Et une fois de plus, le contraste est saisissant. On pourrait cette fois-ci tracer une ligne entre les colonnes des spéciales 3 et 4…
Le rectangle sombre dans le coin en haut, à droite du tableau, qui concerne Adrien Dailly, Greg Callaghan, Sam Hill, Richie Rude et Florian Nicolaï illustre parfaitement cette analyse. Et au coeur de l’ombre, le rectangle clair de l’irlandais. L’erreur de parcours qui coûte la victoire.
Qu’en conclure ?!
On ne peut pas pour autant dire qu’il ait décidé à lui seul de l’issue de la compétition, tant les qualités pour se hisser dans ce dernier carré sont désormais évidentes.
Passer sans encombre la première moitié de course pour jouer les premiers rôles ensuite ne s’improvise pas. En matière de préparation physique notamment. Tous ont forcément profité d’une base foncière particulièrement solide. Ces heures de selle, à faible intensité, au coeur de l’hiver qui finissent par permettre de tenir sur la durée. Nul doute ensuite qu’ils aient mis du coeur à l’ouvrage dans les intensités. Ces séances à donner la nausée pour être prêt à monter dans les tours le jour J.
Un ensemble qui permet de laisser s’exprimer les talents, les stratégies et les tempéraments le moment venu. Voilà ce que signifie être costaud en ce début de saison. Adrien Dailly, Sam Hill, Greg Callaghan, Richie Rude, Florian Nicolaï, Théo Galy et Martin Maes peuvent se compter parmi ceux-là. Pas de doute cette fois-ci.
Il leur reste à analyser leurs propres prestations dans les détails, et faire le job pour construire là-dessus en vue de la suite. Après seulement deux courses, les places de leader au général sont forcément précaires. Les autres, en deçà et/ou plus patients dans la saison, ne vont pas manquer de mettre à profit les cinq semaines à venir… C’est le jeu ! Vivement la suite, et les prochaines analyses Entre les Chiffres pour suivre tout ça 😉